Kanesatake: Ottawa n’entend pas financer un retour des Peacekeepers

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Depuis les violences de 2006, c'est la SQ qui patrouille le territoire de Kanesatake


Le grand chef de Kanesatake, Serge Simon, devra trouver une autre solution pour lutter contre la prolifération de « cabanes à pot » illégales sur son territoire. Ottawa n’entend pas pour l’heure financer sa part d’un nouveau corps policier mohawk.


« C’est honteux », laisse échapper le chef Simon, qui n’est toutefois pas « surpris » par la décision du gouvernement fédéral. « Le retour d’un service de police autochtone, c’est ça qui va nous permettre d’avancer avec nos propres lois et de nous développer sur le plan économique », ajoute-t-il.


En entrevue au Devoir lundi, le grand chef de Kanesatake n’avait pas caché son inquiétude par rapport aux « cabanes à pot » illégales qui se multiplient dans la communauté, située au nord de Montréal. « On est pris dans un méchant tourbillon », avait-il lancé. Malgré un moratoire décrété en 2009 qui interdit toute nouvelle construction de magasins de cigarettes et de cannabis, une vingtaine d’individus auraient contourné les règles.


Le grand chef Simon s’avoue démuni face à la situation, n’ayant pas le pouvoir d’intervenir. « On pourrait avoir recours à la Cour supérieure du Québec ou à la Cour fédérale et aller chercher des injonctions et des mises en demeure, mais qui va les obliger à les respecter ? »


À ses yeux, un corps policier mohawk pourrait faire appliquer la loi et couper l’herbe sous le pied aux commerçants illégaux. « La Sûreté du Québec, ce n’est pas qu’elle ne peut pas le faire, c’est qu’elle est dans une situation précaire », dit-il, pointant la méfiance qu’entretiennent encore certains habitants à son égard depuis la crise d’Oka, en 1990.


De son côté, la SQ avait assuré lundi qu’elle poursuivait son « travail » à Kanesatake, mais elle s’était refusée à commenter le problème des « cabanes à pot » illégales, jugeant cette situation « hypothétique ».


Kanesatake a déjà eu par le passé son propre corps de police, appelé Peacekeepers. Or, depuis les violences de janvier 2004 ― au cours desquelles la maison de l’ancien grand chef James Gabriel avait été incendiée —, ce sont les policiers de la SQ qui patrouillent dans le territoire mohawk.


D’après le grand chef Simon, le retour des Peacekeepers pourrait se faire avec une aide financière de 1,4 million de dollars. Québec a déjà donné son accord pour couvrir 48 % des coûts, avance-t-il, mais la réponse d’Ottawa se faisait toujours attendre.


Questionné à ce sujet, le cabinet du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a indiqué qu’aucun budget n’était pour le moment alloué à la demande de Kanesatake.


« Pour une question de quoi ? 800 000 $ ? Vraiment, c’est piteux », a affirmé le grand chef Serge Simon, accusant Ottawa de ne pas prendre ses « responsabilités ». Celui-ci compte désormais se tourner vers Québec et régulariser la situation dans sa communauté en obtenant l’avis de la population sur la vente du cannabis.


En février 2018, Ottawa avait annoncé une enveloppe de 291,2 millions de dollars sur cinq ans destinée aux services de police des collectivités autochtones déjà existants — desservies par le Programme des services de police des Premières Nations. Aucun fonds n’a cependant été prévu pour créer de nouveaux corps policiers autochtones.



Tentative de réconciliation


La tentative de réconciliation entre le maire d’Oka, Pascal Quevillon, et le grand chef mohawk, Serge Simon, se tiendra vendredi à Montréal. « J’ai accepté de me présenter à la rencontre, mais la première chose que je vais demander au maire d’Oka, s’il souhaite réellement une réconciliation, c’est de s’excuser pour les propos qu’il a tenus », a répété jeudi le chef Simon. Faute d’excuses, il entend quitter la table. Le maire Quevillon estime quant à lui qu’il « a dit la vérité » et souhaite surtout présenter sa demande de financement de 30 millions pour un moratoire au développement immobilier à Oka. La rencontre est prévue en présence de Marc Miller, secrétaire parlementaire de la ministre des Relations Couronne-Autochtones, et de Sylvie D’Amours, ministre québécoise des Affaires autochtones.Améli Pineda



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