EUROPE

Kosovo, une nouvelle poudrière en Europe ?

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Montée des tensions entre la Serbie et le Kosovo ; un nouveau front russo-atlantiste est-il en train de s'ouvrir?

À l'ombre de la guerre en Ukraine, un autre conflit, longtemps enfoui, mais jamais réglé, menace de s'intensifier au Kosovo. Lequel imposerait, le cas échéant, de choisir son camp.


Barricades, blocages, forces spéciales kosovares, sirènes anti-aériennes, coups de feu… Ce 31 juillet, à Mitrovica au Nord du Kosovo, les heurts opposant la population serbe aux forces de police albanaises du Kosovo avaient un amer goût de déjà-vu. Le Kosovo, petit État désormais majoritairement peuplé d’Albanophones musulmans, a certes fait sécession de la Serbie en 2008, mais n’est toujours pas reconnu par l’ONU ; pas plus, du reste, que par plus de la moitié des États y siégeant. Il apparaît aujourd’hui comme un nouveau théâtre d’opérations mettant aux prises atlantistes et alliés historiques des Russes, déjà engagés dans un autre bras de fer dont on connaît les conséquences retentissantes sur notre quotidien.


L’étincelle de ce 31 juillet a été provoquée par la décision des autorités albanaises du Kosovo d’imposer dans le nord à majorité serbe des plaques d’immatriculation et des papiers d’identité kosovares en lieu et place des plaques et passeports serbes. En 2011, un accord de circulation avait pourtant été conclu entre Belgrade et Pristina ; accord qui n’imposait aucunement aux Serbes du Kosovo d’adopter le passeport et la plaque du nouveau petit État.


Cette décision unilatérale, qui peut sembler anecdotique aux yeux d’observateurs extérieurs, ne l’est certainement plus dans le contexte de la guerre en Ukraine et d’affrontements avec la Russie, alliée historique de la Serbie. En outre, le déplacement au Kosovo du secrétaire d’État américain Anthony Blinken quelques jours à peine avant les affrontements a peut-être réveillé les velléités d’offensives albanaises musulmanes sur les populations serbes chrétiennes du Nord du Kosovo. Moscou a d’ailleurs immédiatement critiqué l’offensive et se tient derrière les Serbes, seul pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne n’ayant pas imposé de sanctions aux Russes tout en condamnant l’offensive sur l’Ukraine.


Une déclaration d’indépendance qui n’a rien réglé


A LIRE 


[Tribune] Jean-Frédéric Poisson : le passé du Kosovo sera-t-il le futur de la France ?


Au-delà de l’affaire des plaques d’immatriculation, il faut comprendre que des problèmes de fond restent enfouis et loin d’être réglés aux yeux des différentes parties. À commencer, comme il vient d’être rappelé, par l’incapacité du Kosovo à voir son indépendance reconnue internationalement quatorze ans après sa déclaration unilatérale. Ce qui, rétrospectivement, sonne évidemment comme un échec pour l’OTAN. Il n’y a plus d’alignement diplomatique systématique, vingt-deux États ayant même retiré leur reconnaissance du Kosovo, à l’instar du Ghana ou de Madagascar.


Autre point d’achoppement, et non des moindres, le retour impossible des réfugiés serbes chassés par les forces albanaises de l’UÇK, organisation classée terroriste par les États-Unis jusqu’à l’offensive de l’OTAN sur la Serbie. Or, à compter de fin mars 1999, l’UÇK devint subitement l’allié incontournable de l’OTAN. En effet, lors du retrait de l’armée serbe du Kosovo en juin 1999, plus de 250 000 Serbes furent chassés de leurs villages sous peine d’exécution, alors qu’ils devaient bénéficier en théorie de la protection des forces de l’OTAN.



Qui se soucie aujourd’hui des réfugiés serbes, chrétiens, et européens, chassés il y a 23 ans par les Albanais du Kosovo ?a



Les chiffres des mouvements de population au fil du temps sont édifiants. Un simple regard sur les recensements de 1981 (régime communiste yougoslave) et 2011 (post-indépendance) suffit pour s’en aviser. À Pristina, la capitale, vivaient plus de 43 875 Serbes en 1981. En 2011, ils n’étaient plus que 437, soit cent fois moins qu’en 1981. À Pec, dans l’ouest du pays, ne vivaient plus que 332 Serbes, contre 17791 en 1981. Enfin, à Prizren capitale de la Serbie au XIVe siècle, ils étaient 11 651 en 1981, mais seulement 231 trente ans plus tard. Des chiffres récents indiquent même qu’ils ne seraient plus que 27 dans cette localité. 27 ! Autrement dit, 400 fois moins en quarante ans.


L’actualité pousse à la réflexion sur les réfugiés syriens, irakiens, afghans – et même sur la possibilité d’accueillir des Talibans, à l’instar de Sandrine Rousseau. Mais qui se soucie aujourd’hui des réfugiés serbes, chrétiens, et européens, chassés il y a 23 ans par les Albanais du Kosovo ? Faudra-t-il attendre le bruit assourdissant des coups d’artillerie, demain, au cœur de l’Europe, pour que leur cri silencieux soit entendu ?


Effacer toute trace du christianisme


Le Kosovo reste enfin un trou noir européen en matière de djihadisme international. En quelques années post-guerre, près de 150 monuments culturels ou religieux serbes ont été détruits par les Albanais radicaux, dont certains monastères datant du XIIIe siècle protégés par l’UNESCO ; soit davantage de destructions qu’en cinq siècles d’occupation ottomane.


On se souvient de ces vidéos montrant de jeunes musulmans albanais arrachant des croix sur le toit de monastères en feu dans l’indifférence de la gauche moraliste, pourtant gardienne des minorités en France. Cette même gauche qui se roule par terre pour autoriser le Burkini dans nos piscines ou proteste contre l’expulsion d’imams radicaux aux propos antisémites sera certainement la première à dénoncer le retour de réfugiés chrétiens au Kosovo, qu’ils qualifieront de « colons » ou de « mâles blanc ».


Parallèlement à ces destructions infâmes, plus de 400 mosquées ont vu le jour au Kosovo, largement financées par les pays du Golfe, avec un nombre de départs de djihadistes vers la Syrie le plus élevé d’Europe en proportion de sa population.


Depuis cette alerte du 31 juillet, les tensions se sont atténuées, mais pour combien de temps ? Le gouvernement kosovare-albanais a reporté au 1er septembre l’obligation pour les Serbes du nord d’accepter administrativement le Kosovo indépendant sur tous leurs documents, ainsi que sur leurs véhicules.


Mais si la violence s’intensifie en septembre, l’Europe défendra-t-elle l’intégrité territoriale serbe sur sa région du Kosovo comme elle le fait pour l’Ukraine, ou continuera-t-elle de défendre le séparatisme albanais, soit l’exact inverse de ce qu’elle fait en Ukraine ? Les Russes en profiteront-ils pour soutenir les Serbes et tenter de déstabiliser l’armée américaine dans les Balkans, ces mêmes États-Unis d’Amérique qui disposent de leur plus grande base en Europe au… Kosovo ? Le djihadisme international, quant à lui, sera-t-il de retour au plus près de chez nous pour mener une nouvelle guerre sainte avec la main d’Erdogan et des pays du Golfe ?


Une seule réponse peut être ici formulée : plus que jamais, de nouveaux risques de guerre persistent à nos frontières.