Suite à l’article de M. Henri Marineau qui a soulevé, à juste titre, beaucoup d’interrogations sur les nouvelles orientations du gouvernement Marois sur la modulation de l’aide sociale, je tiens à apporter les réflexions d’un ancien gestionnaire d’un programme similaire dans les années 1990.
Pour être plus précis, j’ai été pendant les années 1997-1999 responsable, à Emploi Québec, du programme de soutien aux entreprises d’économie sociale. Il s’agissait d’un programme qui finançait à la hauteur de l’aide sociale les entreprises qui assuraient un emploi à des assistés sociaux dans la perspective d’une insertion permanente à l’emploi. Cette aide, d’une durée de six mois, tenait pour acquis qu’après cette période les entreprises financeraient ces emplois à même leurs propres revenus.
Cette approche qui a sans doute donné des résultats dans certains cas, s’est avérée, dans d’autres cas, un véritable échec. Certains secteurs, dont ceux de la récupération, ont vite compris les avantages d’un tel programme. Pendant six mois, ces entreprises d’économie sociale accueillaient, pour la période de six mois, les candidats éligibles à cette subvention salariale. Une fois terminée cette période, les entreprises renouvelaient leur personnel avec de nouveaux assistés sociaux, renvoyant à leur sort d’assistés sociaux les employés qui espéraient, de toute évidence, un travail à plein temps après les six mois prévus au programme. Ils en étaient que plus frustrés.
Un bel exemple de cette procédure peut être illustré dans ce que fut l’entreprise « Les Ateliers des recycleurs » qui avait son siège social à Montréal. Les assistés sociaux servaient à la collecte et au classage des vêtements recueillis à traves le Québec. Une chaine bien organisée à travers toutes les régions du Québec assurait la cueillette des vêtements usagés à travers toutes les régions, planifiait leur transport aux Ateliers les recycleurs ainsi qu’à leur classification. Toute la publicité mettait en évidence l’importance et les bienfaits de partager les vieux vêtements sans oublier les nombreux emplois créés dans le cadre de cette opération.
Je me souviens que la première fois que l’on m’a présenté le dossier des Ateliers les recycleurs, je suis demeuré estomaqué de ne voir aucune information relative au sort réservé à toute cette récupération. Que faisait-on de tous ces vêtements minutieusement classifiés par les employés subventionnés par Emploi Québec ? Quels revenus en retirait-il? Cette seule question a ouvert la porte à tout un questionnement.
Nous avons alors découvert que les emplois permanents créés étaient pratiquement nuls puisque tous les six mois l’entreprise demandait d’en renouveler les employés. De plus, une brève étude a fait ressortir que l’entreprise avait des relations d’affaires avec certains pays de l’Amérique latine et de l’Afrique. Il n’a jamais été possible de connaître les revenus générés par ces relations d’affaires.
Tout ceci pour dire que la création d’emplois permanents pour les assistés sociaux ne doit pas se substituer à de véritables emplois pouvant se financer à même les revenus des entreprises. Le gouvernement ne doit pas servir à faire fléchir par le bas le dénominateur commun des véritables emplois.
Une entreprise subventionnée pour créer des emplois nouveaux pour des assistés sociaux doit mettre sur la table ses activés tant en amont qu’en aval. Il faut que les revenus générés par les emplois subventionnés assurent la permanence de ces emplois. Pour cela, il faut être présent à ces deux niveaux.
Je ne vois aucune entreprise qui ne souhaite pas que le gouvernement finance à 50% le salaire de ses bas salariés. Il est donc indispensable que l’entreprise en question prenne un engagement de garder ces emploi pour au moins une période supérieure ou à tout le moins égale à la période subventionnée. Sinon ce sera une utilisation des assistés sociaux, non pas pour les insérer au marché du travail, mais pour rentabiliser des entreprises à même les subventions gouvernementales. Les victimes sont les assistés sociaux.
Oscar Fortin
Québec, le 2 mars 2013
http://humanisme.blogspot.com
Vouloir l'insertion des assistés sociaux à l'emploi est honorable
L'aide sociale et l'insertion à l'empli
Mais en faire une main-d'ouevre exploitée l'est beaucoup moins.
Tribune libre
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Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.
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6 commentaires
Marcel Haché Répondre
6 mars 2013@ Sylvain Tremblay
Cela vaudrait peut-être la peine que vous vous informiez davantage concernant les subventions salariales offertes par Emploi-Québec.Peut-être trouveriez vous réponse à vos questions ou sinon, si vous avez déjà réponse, cela vous ferait réaliser que les subventions salariales d'E.Q. ont plus de souplesse que ce que vous proposez, tout n'étant pas parfait par ailleurs.
Je suis d'accord avec le texte de M.Fortin.Je proviens moi aussi d'E.Q.Ces subventions sont finalement à coûts nuls pour l'état québécois en même temps qu'ils peuvent rendre service aux individus.S'il y a problèmes avec ces mesures, ils proviennent d'un excès de zèle et de timidité de la part du ministère, et plutôt que d'être "affaire" il s'entête à materner la clientèle de l'Aide Sociale qui n'en a strictement pas besoin.
Tremblay Sylvain Répondre
5 mars 2013(Suite et fin de mon message)
C'est le rôle du contractant de s'enquérir des qualifications professionnelles des aspirants volontaires à un emploi, parce que c'est lui qui engage, donc, l'Aide sociale n'a pas ce rôle, il ne fait que diriger les personnes volontaires vers ce service, au besoin. Il n'y aurait donc pas de transfert de dossier, le contractant monterait ses propres dossiers relatifs à sa compétence, i.e. comme employeur, exclusivement. Il n'aurait absolument pas accès aux dossiers de l'Aide sociale, il monterait ses propres dossiers, de nature essentiellement professionnelle, sur les volontaires qui lui sont envoyés par l'Aide sociale, pour connaître leur compétence et les orienter vers des travaux appropriés, en temps et lieu.
Votre texte m'a fait penser à ça, considérant la difficulté, autant pour les travailleurs au dernier recours que pour les fonctionnaires qui s'en occupent, comme vous le mentionnez, par expérience, de reprendre le chemin du travail dans des conditions qui deviennent de plus en plus difficiles, avec le temps. C'est une alternative possible pour des employeurs à qui ça conviendrait probablement mieux, si le système existait. Pour les travailleurs sur l'aide sociale, ça donnerait probablement une plus vaste possibilité d'ermploi que les seuls programmes actuellement existants. J'ai comme idée que ça pourrait même être comme une autoroute de l'emploi, considérant tous les gens qui ont des diplômes, sont expérimentés, et qui sont constamment rejetés lorsqu'ils ont le malheur de tomber si bas. L'idéal serait que le contractant ne soit pas identifié à l'Aide sociale, de manière à pouvoir le citer avantageusement dans les cv. Pour ça, différentes méthodes de camouflage pourraient être utilisées, à bon escient, comme dans le titre ou le recours à plusieurs contractants déjà existants, accréditables.
Je sais que le gouvernement employeur de gens aptes au travail à l'Aide sociale est un sujet politiquement délicat, dans le sens que ça peut mener à des abus. Cependant, je ne pense pas qu'il s'agisse de celà ici, car c'est essentielllement un service aux autres, pas à lui-même. Il n'y a pas d'embrigadement dans quelconque organisation gouvernementale. C'est complètement hors du gouvernement. Le gouvernement aide les gens au dernier recours, par l'Aide sociale, et les aide à en sortir par un service de travail offert aux employeurs hors du gouvernement, par le biais d'un contractant lié, comme un genre de partenaire, avec qui ces derniers feront affaire.
Je ne pense pas que le contractant dont je parle existe présentement, donc il ne s'agit pas d'Emploi Québec, mais ça pourrait être créé ou régi par lui. Ce n'est pas non plus contre les autres programmes existants, bien que ça puisse en remplacer quelques-uns, en tout ou partie, mais ça pourrait aussi en compléter avantageusement d'autres.
Tremblay Sylvain Répondre
5 mars 2013Je me suis peut-être un peu mal exprimé en utilisant le mot "agence d'emploi", le terme exact ne me venant pas à l'esprit sur le moment. Je pensais à un service offert aux entreprises et organismes, un contractant qui a déjà ses propres employés, en attente ou sur appel, pour faire toutes sortes de tâches spécialisées ou spécifiques, comme le secrétariat, la documentation, la bureautique, la mécanique, l'ingénierie, l'électricité, l'informatique, la manutention, etc.. Un contractant organisationnel plutôt que particulier. Certains sont limités à une ou quelques spécialités, d'autres en ayant plusieurs. Les entreprises ou organismes s'adressent à eux pour effectuer tel travail spécifique pendant une certaine période de temps. Ils paient le contractant pour celà, pour la durée du contrat, et celui-ci paie à son tour ses employés avec cet argent, ne gardant qu'une part pour lui-même comme responsable.
Mon idée est que le gouvernement, en ayant des travailleurs en dernier recours sous sa responsibilité, à l'Aide sociale (qu'on appelle maintenant Solidarité mais c'est la même chose), soit ceux qui sont aptes au travail, est comme un tel contractant potentiel. C'est un organisme, une personne morale, donc il pourrait se faire contractant, ce qui lui faciliterait beaucoup les choses lorsque les entreprises ou les organismes lui demandent des gens aptes au travail sur l'Aide sociale pour accomplir tel travail.
La différence d'avec l'expérience que vous mentionnez dans votre article, qui est un contrat de subvention à l'emploi conditionnel à une durée supplémentaire de l'emploi sans subvention, i.e. sous la responsabilité unique de l'employeur, avec regard sérieux sur la possibilité d'une permanence à cet emploi pour cet employé, considérant que c'est un emploi potentiellement permanent, c'est que le gouvernement, par l'entrermise d'un contractant de service de travail, soit gouvernemental, soit privé accrédité, fournit ce même travailleur, ou plusieurs, pour ce même travail, dans le cadre d'un contrat de service de travail de personne morale à personne morale, entre le contractant et le requérant. C'est l'entreprise requérante qui paie le contractant gouvernemental ou accrédité pour le travail à faire dans le temps requis. L'employé est donc celui du contractant, pas de l'entreprise. Un tarif réduit pourrait équivaloir à une subvention, comprenant également la considération sérieuse de permanence à l'emploi dans l'entreprise pour l'employé délégué, qui changerait par le fait même d'employeur (de contractant à entreprise).
Le contractant gouvernemental ou accrédité n'est pas l'Aide sociale, c'est un vrai employeur. Il est relié à l'Aide sociale sous l'empire du gouvernement, qui voit à faire travailler les gens aptes au travail qui sont temporairement sur le dernier recours, par le biais du réseau qu'on appelle génériquement, soit gouvernemental, soit para-gouvernemental ou péri-gouvernemental, incluant le partenariat public-privé dans le cas d'un contractant privé accrédité. Ces derniers sont de vrais employés lorsqu'ils travaillent pour le contractant dans une entreprise ou organisme requérant.. Ils sont couverts par la réglementation du travail et des normes du travail, et peuvent avoir droit à l'assurance-chômage.
(Suite au prochain message, car la longueur est maintenant limitée)
Oscar Fortin Répondre
4 mars 2013@Sylvain Tremblay : Il existe actuellement les Centres locaux et régionaux d'emploi qui ont pour fonction de faciliter l'emploi des personnes sur l'aide sociale. Je ne sais pas si l'Agence d'emploi dont vous parlez s'ajouterait à ces centres ou s'y substituerait.
Dans tous les cas, il faut, me semble-t-il, distinguer les initiatives visant l'insertion à l'emploi de celles qui ne cherchent, pratiquement, des économies au budget de l'aide sociale. Dans le premier cas, c'est l'intérêt et le bien-être de la personne qui est recherché, dans le second cas, ce sont les économies budgétaires.
Les responsables politiques et les gestionnaires de ces programmes ne devraient pas oublier que tout l'argent qui va au soutien des personnes sans emploi est réinvesti en totalité dans le milieu où elles vivent. Ce n'est pas de l'argent qui s'envole vers les paradis fiscaux et qui échappe à l'économie du Québec.
Si les gouvernements manquent de revenus, ils devraient, entre autres, mettre le paquet pour récupérer ces impôts non payés de ces argents placés dans les paradis fiscaux. Ce sont des milliards de dollars qui devraient revenir dans les coffres de l'État. Plutôt que d'exiger des fonctionnaires des quotas de récupération d'argent dans les revenus des classes moyennes et de ceux qui vivent d'allocations de l'État, ils devraient aller là où sont les trésors cachés.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur le sujet... Merci pour votre commentaire et votre contribution à la réflexion.
Tremblay Sylvain Répondre
4 mars 2013Pour que ce soit un vrai travail, il faudrait que l'employeur s'adresse à une agence d'emploi, paie pour le contrat et c'est l'agence elle-même qui paie son employé, par ce biais, tant que le contrat est en cours. C'est à peu près la même chose que d'augmenter tant soit peu l'aide sociale pour le le pseudo-employé, et subventionner d'une autre main le pseudo-employeur, monétairement parlant, pour un pseudo-travail, sauf que via une agence, c'est un vrai travail, ce qui est très important pour la personne qui travaille.
Les employeurs sont au courant que l'aide sociale recèle une banque d'employés potentiels. Il s'agirait pour le gouvernement de relier ce régime à une agence d'emploi, soit gouvernementale, soit accréditée dans ce sens, plusieurs étant possibles dans ce dernier cas. Quand un employeur demanderait l'aide du gouvernement pour recruter des employés, il le référerait à cette agence, soit gouvernementale ou privée mais accréditée, qui ferait le lien de manière appropriée sans que le gouvernement se fasse attraper par des promesses sans lendemain, ni d'ailleurs le travailleur qui serait vraiment considéré comme tel.
Le tarif de l'agence d'emploi en question serait moindre qu'une agence normale, équivalent à une subvention pour l'employeur, au départ. Par la suite, si l'employeur en prend cependant l'habitude, un mécanisme de relève du tarif devrait s'appliquer, pour éviter les abus. Ce ne doit pas être une panacée, mais seulement un tremplin. L'employé prendrait connaissance du mécanisme de fonctionnement d'une agence d'emploi, et pourrait s'inscrire à d'autres éventuellement. L'employeur, de son côté, reconnaîtrait qu'il fait affaire avec de vrais travailleurs via une agence d'emploi en bonne et due forme. S'il veut prendre l'employé de manière permanente, il le fera, soit en cours de contrat avec l'agence, soit dès sa terminaison.
Il n'y aurait pas de charité en cause, d'un côté ou de l'autre. Ça répondrait en même temps, je pense, m. Fortin, à votre voeu de s'enquérir de l'aptitude d'un employeur à respecter un contrat - ce serait un vrai contrat de travail. L'agence s'occuperait de celà, en même temps que de la compétence de l'aspirant. Et la réglementation sur le travail et les normes du travail s'appliqueraient.en cours de contrat. Et d'ailleurs, après six mois, suivant votre exemple de durée, l'employé pourrait bénéficier de l'assurance-chômage plutôt de continuer sur l'aide sociale sans plus le surplus relié au pseudo-emploi qu'il avait.
Oscar Fortin Répondre
3 mars 2013Vous aurez compris que le mot incomplet dans le titre est bien celui d'emploi.
Avec toutes mes excuses.