Au tout premier jour de la campagne, un apparatchik péquiste m’avait glissé à l’oreille : « C’est le pire des scénarios. » La veille, un sondage Léger Marketing accordait 33 % des intentions de vote au PQ et 31 % au PLQ, ce qui laissait déjà entrevoir un gouvernement péquiste minoritaire. Depuis plusieurs mois, certains députés en faisaient des cauchemars.
Après plus de trente ans d’efforts, Pauline Marois a enfin réalisé son grand rêve d’être la première femme à gouverner le Québec. Malgré tout le respect dû à sa remarquable persévérance, cette victoire aura néanmoins un goût amer pour bien des souverainistes. Mme Marois a eu beau redire son désir du pays, hier soir, sa marge de manœuvre semble bien étroite.
Avec 54 députés, le PQ ne sera pas en mesure de mettre en œuvre la « gouvernance souverainiste ». Il faudra oublier la « nouvelle loi 101 » tout comme la citoyenneté québécoise, sans parler du référendum d’initiative populaire. Avec un rapport de force aussi faible, le moins que l’on puisse dire est que Mme Marois sera attendue de pied ferme à Ottawa, quand elle présentera la liste des pouvoirs qu’elle voudrait rapatrier.
Malgré quelques défaites crève-cœur, Mme Marois a fait élire une équipe tout à fait capable d’offrir un « bon gouvernement », mais ce n’est pas ce que les souverainistes espéraient du PQ. Pour la première fois depuis sa création, il prend le pouvoir non seulement sans avoir promis de tenir un référendum, mais sans qu’il soit possible de l’envisager.
Une fois les réjouissances terminées, certains commenceront inévitablement à se demander si le PQ et l’option souverainiste ne seraient pas mieux servis avec un autre chef. Si le PQ n’a pu rallier qu’un électeur sur trois face à un gouvernement qui a battu tous les records d’insatisfaction, il y a de quoi être perplexe. En prévision des turbulences à venir, la victoire tardive de son « goon », Yves-François Blanchet, a dû la soulager.
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En revanche, la défaite de Jean Charest dans Sherbrooke risque de faciliter les choses pour les libéraux, dont la résilience en aura surpris plus d’un, même si l’arithmétique imprévisible des luttes à trois les a bien servis. Même s’il l’avait emporté dans son comté, M. Charest ne se serait sans doute pas éternisé à l’Assemblée nationale, mais son départ probable permettra au PLQ de tourner la page sans psychodrame.
La bonne nouvelle pour le PQ est qu’il pourra compter sur les libéraux, non pas pour l’appuyer, mais pour l’empêcher de tomber trop rapidement. Il s’agira en quelque sorte d’un retour d’ascenseur. En 2007, le PQ, encore plus sonné que le PLQ l’est aujourd’hui, avait empêché Mario Dumont de précipiter le Québec en campagne électorale pour la deuxième fois en l’espace de quelques mois.
Le grand perdant de la soirée est incontestablement François Legault, qui trouvera le temps bien long à la tête du deuxième groupe d’opposition à l’Assemblée nationale. Il a dû envier secrètement son candidat vedette battu dans Terrebonne, Gaétan Barrette, qui pourra retourner à sa lucrative pratique médicale.
Dans l’esprit du chef caquiste, ce n’est sans doute que partie remise, mais la défaite de ministrables comme Dominique Anglade ou encore Maud Cohen risque de diminuer sensiblement l’attrait de la CAQ comme alternative valable la prochaine fois. Après cette douloureuse expérience, il est loin d’être assuré qu’ils voudront récidiver dans 18 ou 24 mois.
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Une majorité de Québécois se réjouiront de voir Françoise David entrer à l’Assemblée nationale. Maintenant que son duel avec Nicolas Girard est chose du passé, le PQ aurait intérêt à reprendre les discussions sur une alliance des forces souverainistes et progressistes.
Même si Québec solidaire n’a pas réussi à concrétiser dans l’urne les intentions de vote que lui accordaient les sondages, ses candidats étaient en voie de recueillir plus de voix qu’il n’en manquait au PQ dans une bonne dizaine de circonscriptions.
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