Antoine Char - Depuis 1999, l’Écosse, une région semi-autonome, a son propre Parlement.
Que peuvent bien porter les Écossais sous leur kilt ? Pour couper court à toutes supputations, certains ont trouvé une réponse simple : « The future of Scotland. » L’avenir de l’Écosse se joue en ce moment à Édimbourg, où Alex Salmond, le premier ministre, bataille ferme pour le « oui » au référendum sur l’indépendance prévu à l’automne 2014.
C’est le 25 mai, dans un cinéma de Fountainbridge, un ancien quartier ouvrier où Sean Connery vit le jour il y a 80 ans, que Salmond a lancé sa campagne. Le plus célèbre des James Bond, un fervent indépendantiste, n’était pas au rendez-vous. Si son état de santé ne lui permet pas de trop se déplacer, son message est toujours le même : l’Écosse se portera beaucoup mieux en devenant un pays.
Le Scottish National Party (SNP, centre-gauche), élu par un raz-de-marée le 5 mai 2011 pour être « un bon gouvernement », devra convaincre les 5,3 millions d’Écossais. Selon les derniers sondages, ils diraient « non » à l’indépendance pure et simple.
Inquiet de se retrouver à la tête d’un « Royaume-Désuni », David Cameron, le premier ministre britannique, insiste pour que la question référendaire soit claire, courte, directe et décisive. Bref, pas de formulation alambiquée entre une indépendance totale et une autonomie accrue doublée d’une quelconque souveraineté-association.
« Je connais bien Alex, c’est un homme prudent, rusé. C’est un parieur, un spécialiste des courses de chevaux. Il attendra à la dernière minute avant de formuler la question référendaire », croit David McCrone, professeur de sociologie à l’Université d’Édimbourg.
Référendums québécois
Pour l’heure, Salmond, 57 ans, évite de parler des deux référendums québécois. « Ils ont été perdus ! », note McCrone, qui connaît bien le Québec pour y être venu une demi-douzaine de fois. Inlassablement, le premier ministre écossais répète ce message: « Je veux que l’Écosse soit indépendante, pas parce que je pense que nous sommes meilleurs que les autres pays, mais parce que je sais que nous sommes aussi valables que les autres pays. » Si son message passe encore difficilement - 30 % des Écossais opteraient pour l’indépendance -, il estime avoir un allié de taille dans sa quête pour sortir l’Écosse du Royaume Uni : son homologue britannique.
« Cameron est la meilleure carte entre les mains de Salmond. Plus il durcit ses politiques sociales, plus il s’enfonce dans un conservatisme pur et dur, plus les Écossais, traditionnellement à gauche, voudront soit avoir leur propre pays, soit réclamer plus d’autonomie », lance McCrone dans son petit bureau rempli de livres jusqu’au plafond.
Le premier ministre écossais a donc deux bonnes années pour les convaincre de quitter le giron britannique, qu’ils ont choisi librement en 1707. D’ici là, il fait circuler une pétition pour l’indépendance et espère recueillir un million de signatures. John Duncan, la cinquantaine, chauffeur de taxi, l’a signée. « Ce sont les jeunes qui feront l’indépendance ! »
Vanessa Van der Velde, 26 ans, serveuse dans un restaurant du Royal Mile, le coeur touristique de la capitale, n’est pas d’accord. « Nous sommes certes Écossais, mais aussi Britanniques. Nous sommes heureux qu’il en soit ainsi ! »
Pour fouetter la fibre nationaliste, Alex Salmond compte également profiter des célébrations du 700e anniversaire, en 2014, de Bannockburn, bataille au cours de laquelle les Écossais ont défait l’armée anglaise. « Contrairement au Québec, nous n’avons jamais été conquis », rappelle fièrement McCrone, qui se dit indépendantiste, mais accepterait que l’Écosse ait davantage de pouvoirs, une « sorte d’indépendance au sein du Royaume-Uni ».
Pour Lesley Riddoch, chroniqueuse au Scotsman, « la vérité est que de nombreux Écossais veulent une solution entre les deux ».
Pleins pouvoirs, mais pas assez…
Depuis 1999, la région semi-autonome a son propre Parlement, un complexe ultramoderne planté dans le quartier médiéval, au coeur d’Édimbourg. Les Écossais ont désormais les pleins pouvoirs en matière d’éducation, de santé, d’environnement et de justice. Ce n’est visiblement pas assez. Salmond le sait. Mais il est conscient que l’indépendance ne fait toujours pas l’unanimité. Pour éviter de l’enterrer à jamais avec un « non », il pourrait choisir une question subsidiaire réclamant davantage de pouvoirs. Une option appelée « devo-max » (dévolution maximum).
Les deux grands quotidiens d’Édimbourg, The Scotsman et The Herald (conservateurs), tireraient alors moins à boulets rouges contre Salmond. Pas un jour ne passe sans qu’ils discréditent sa campagne référendaire et les divisions dans son camp. Il a besoin d’alliés et il ne les trouvera visiblement pas dans la presse londonienne. « En ce moment, il n’y a aucune couverture de la question écossaise. Il y a les Jeux olympiques, les problèmes de coalition du gouvernement [Cameron] et la Syrie… De toute façon, elle ne croit pas que le référendum de 2014 conduira à une complète indépendance, tout au plus à plus d’autonomie », précise George Brock, professeur de journalisme à la City University de Londres.
C’est ce que le SNP a toujours demandé depuis sa création en 1934. Plus de « self-government » « à l’intérieur du Commonwealth et avec la reine comme chef d’État » a longtemps été l’objectif premier du parti nationaliste.
Avec l’arrivée d’Alex Salmond, une page est peut-être en train de se tourner et la possibilité que l’Écosse devienne indépendante n’a jamais paru plus probable, malgré les sondages actuels. « On nous disait qu’il n’y aurait jamais de Parlement écossais, et il y en a un. On nous disait que nous n’aurions jamais la majorité absolue, et nous l’avons. Aujourd’hui, on nous dit que nous ne gagnerons jamais un référendum sur l’indépendance. »
Alex Salmond est certes un parieur, mais son optimisme d’ex-banquier reste teinté de prudence. À l’image de l’Écosse.
L’Écosse en quête d’un pays
Le référendum sur l’indépendance aura lieu, mais Londres exige une question claire, courte, directe et décisive
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