La marmite linguistique bout si fort au Québec qu'il faut des efforts titanesques pour atteindre en cette matière l'ombre d'une pensée cartésienne. C'est pourtant à une logique cohérente, dénuée d'insécurité maladive, qu'il faut s'en remettre pour décrypter l'agitation politico-linguistique.
Ces jours-ci, les nouvelles à caractère linguistique n'en finissent plus de se croiser, créant un enchevêtrement qui alimente la peur des uns et provoque l'indignation des autres. En cette délicate matière, il ne faut ici-bas que dévoiler un tout petit bout du tableau pour exciter les cavaliers de l'Apocalypse.
Les faits: la commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier diffuse une offre de consultation auprès des parents de son territoire. Au bout d'une ligne 1 800, une employée dépêtre les citoyens confus devant les nombreux articles de la loi 101 et conforte les «élus» vers l'école anglaise publique, s'ils y ont accès.
Cette nouvelle suivait de près cette autre information: puisant dans leur budget, cinq commissions scolaires anglophones ont décidé de soutenir financièrement le recours judiciaire destiné à faire invalider la loi 104. Quatre autres n'ont pas franchi cette étape délicate.
La requête, destinée à la Cour suprême, vise à confirmer un jugement qui a consacré un odieux subterfuge: moyennant quelques milliers de dollars, faire transiter un enfant vers une école privée anglophone l'espace d'un an pour le pousser ensuite, tout bonnement, vers le réseau public anglais. Tout à fait contraire à l'esprit de protection du français consacré par la loi 101, le jugement a attisé les ardeurs de la communauté scolaire anglophone, qui craint de manquer d'inscriptions.
On le sait, la minorité anglophone du Québec s'articule solidement autour de son réseau d'écoles. Elle a beau s'ébrouer pour protéger le financement de la réussite de ses élèves, directement proportionnel au nombre d'inscrits, ces soubresauts ne devraient pas faire trembler la majorité. Si elle doit assurément veiller à ce que des incohérences ne troublent pas l'esprit des lois, la majorité francophone aurait toutefois intérêt à ne pas trembler devant la moindre trépidation anglophone.
Convenons qu'il est normal qu'une communauté scolaire s'active pour défendre son destin. Faisant appel à la plus cartésienne des logiques, recalons toutefois tout dénigrement et tout détournement de l'essence d'une loi.
Le même sens commun s'applique pour l'engouement apparent des étudiants français pour les universités québécoises... anglaises. Radio-Canada révélait mardi qu'à la grâce d'une entente de réciprocité, de jeunes Français s'inscrivent à peu de frais dans nos établissements. Cette belle idée a aussi permis à des milliers de Québécois de goûter aux études à la française.
Mais voilà! À l'époque où l'entente fut conçue, à la fin des années 70, les trois quarts des étudiants étrangers présents au Québec fréquentaient les universités anglaises. Le privilège financier consenti à la France avait pour but de mettre précisément l'accent sur les études en français, histoire de viser un meilleur équilibre.
Trente ans plus tard, les Français, attirés par l'anglais comme idiome de l'avenir économique, ouvrent les portes de l'Amérique en faisant le détour par le Québec. 3000 $ par année à McGill plutôt que les 35 000 $ exigés par Harvard? L'aubaine, pardi!
Des ententes plus récentes négociées par Québec avec d'autres pays prévoient qu'un pourcentage maximal d'étudiants (20 %) ait accès au réseau anglais. Pour respecter le sens premier de ces accords, qui consistait précisément à consolider le fait français au Québec, des ajustements seront peut-être indispensables. Nul besoin toutefois de hurler avec les loups: l'insécurité linguistique est bien assez ancrée.
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machouinard@ledevoir.com
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