Poudre aux yeux. Feu aux poudres. Québec offre un laissez-passer pour l'endettement, s'obstine toujours à refuser la discussion ouverte, fait donc la preuve que contrairement à ce qu'il dit, il n'a pas écouté. Plus que jamais, le dialogue s'impose.
Feu Robert Bourassa a instauré jadis une noble tradition que le premier ministre Jean Charest a bellement décidé de poursuivre: il porte le titre de responsable des dossiers jeunesse. Cette jeunesse donne du fil à retordre à son gouvernement depuis les six dernières semaines, mais il devrait pourtant s'enorgueillir de voir une relève si riche. Il n'y a pas là de quoi rougir, bien au contraire.
Le titulaire de ce dossier crucial et chef du gouvernement devrait donc s'asseoir avec les porte-parole des groupes étudiants, ce qui constituerait le premier véritable geste d'écoute d'un gouvernement responsable et attentif à un mouvement de protestation qui n'est pas anecdotique.
Car, il faut bien le dire, l'ouverture consentie hier par le tandem Bachand-Beauchamp n'avait rien de la «porte ouverte», mais tout de la porte de sortie. Loin du dialogue, le duo a offert plutôt une directive, présentée sans ambages comme une «décision». Comment peut-il prétendre ensuite qu'il a «écouté», quand il n'a de mots doux que pour le «contribuable», et pour l'étudiant, rien que la condescendance? Monsieur le Premier Ministre, tout est parfois dans la manière. Or, de manières, on en manquait hier.
Dans les faits, l'élargissement du régime de prêts de même que l'implantation du remboursement proportionnel au revenu (RPR) constitueraient peut-être une portion de la solution, si d'aventure on pouvait aussi reconnaître à cette hausse de 75 % en cinq ans son caractère insensé. Pourquoi pas plutôt un élargissement de l'accès aux bourses? Avec le RPR, Québec met en place le levier idéal pour continuer la hausse des droits.
Pour le gouvernement, voilà une proposition des plus habiles. Non seulement ne lui coûte-t-elle pas un denier (il refile aux universités une facture de 21 millions, qu'elles devront piger dans la poche des philanthropes), mais en plus, elle plaira dans la forme au «contribuable», lui qui en effet risquait de se retrouver par ricochet avec cette hausse démesurée. Puisque c'est Québec qui, dans l'esprit du public, formule une concession, les électeurs-citoyens verront mal que les étudiants durcissent le ton après cette main tendue.
Pour les étudiants, en revanche, voilà de l'huile sur le feu. Cet appel à «étudier maintenant et payer plus tard» confirme la marchandisation contre laquelle ils se battent, pour certains du moins. Élargir les prêts ne pourra que les conforter dans leur impression que c'est un passeport pour l'endettement cyclique — à l'heure où on se désole pourtant de l'endettement des ménages! Bref, voilà que l'étude à crédit est proposée comme rempart de l'accessibilité aux études, alors qu'il n'en est rien. Voilà un discours qui ne refroidira pas les ardeurs.
S'agit-il de l'étincelle qui enflammera la poudrière? Le premier ministre Jean Charest ne peut pas tenir un ballet préélectoral sur une question aussi divisive, en faisant le pari que l'électorat penchera pour lui. Pour le responsable du dossier jeunesse, l'heure est à la discussion.
Grève étudiante
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