L'homme de Toronto

Denis Coderre a beau avoir réaffirmé hier sa confiance en M. Ignatieff, il lui a porté un coup très dur en faisant de cette affaire une victoire de Toronto sur Montréal.

Ignatieff - le PLC et le Québec



(Québec) C'est vrai que Denis Coderre a déjà eu des ambitions à la direction de son parti. Et c'est probablement vrai qu'il a pu faire preuve d'autoritarisme à titre de lieutenant du Québec. Mais ce qui est plus vrai encore, c'est que sa démission porte un coup dévastateur à la crédibilité de Michael Ignatieff au Québec. Un chef national qui cède aux pressions de Toronto dans le choix d'un candidat à Montréal, c'est un chef lourdement handicapé. Denis Coderre a beau avoir réaffirmé hier sa confiance en M. Ignatieff, il lui a porté un coup très dur en faisant de cette affaire une victoire de Toronto sur Montréal.
Ce dénouement est d'autant plus surprenant que l'ancien ministre libéral Jean-Marc Fournier a joint le bureau de M. Ignatieff à titre de conseiller pour le Québec, il y a quelques semaines. Il aurait dû le mettre en garde contre une telle crise.
Mais que s'est-il passé pour en arriver à un tel gâchis? Un membre influent du comité consultatif de Michael Ignatieff au Québec m'a confirmé hier les allégations de Coderre. En juin dernier, le comité s'est fait dire que Martin Cauchon n'était pas intéressé à un retour en politique, pour des raisons familiales. C'est ce qui a mené le comité à se tourner vers une autre candidature pour Outremont.Toujours selon la même source, M. Cauchon aurait changé d'idée pendant l'été, après avoir été sollicité par Bob Rae.
Il faut se rappeler la course à la direction du parti de 2006 et l'élection de Stéphane Dion, pour mieux comprendre ce qui s'est passé. M. Cauchon était alors coprésident de la candidature de Bob Rae, tandis que Denis Coderre était l'organisateur québécois de Michael Ignatieff. Il n'est donc pas surprenant que M. Rae ait sollicité la candidature de M. Cauchon cet été. Il bâtit ses assises en vue du prochain leadership. Pour la même raison, il n'est pas surprenant que M. Coderre ait été tiède à l'endroit du retour de Martin Cauchon.
Mais peu importe le contexte historique, c'est Michael Ignatieff qui préside aux destinées des libéraux depuis le départ de Stéphane Dion. Et c'est Denis Coderre qui gérait le recrutement des candidats québécois... jusqu'à la semaine dernière.
Le fait que M. Ignatieff ait cédé aux pressions de Bob Rae et désavoué son lieutenant Coderre plaçait ce dernier dans une position intenable. Il faut connaître l'homme pour comprendre qu'il ne pouvait pas accepter une telle traîtrise.
M. Ignatieff a soutenu hier qu'il était «à l'écoute du Québec», mais son bras droit québécois démissionne et l'accuse d'avoir cédé aux pressions de Toronto. Il sort affaibli de cette épreuve. Qui plus est, il admet qu'il lui est impossible de remplacer son lieutenant démissionnaire «pour le moment».
Denis Coderre a mis beaucoup de temps dans le recrutement des candidats du PLC au cours de la dernière année. Il a ratissé le territoire et même invité certains anciens députés de Mario Dumont à se joindre aux troupes libérales. La crise qui vient d'éclater au sein du PLC n'est pas de nature à rassurer ceux qui hésitent.
Qui pourrait remplacer Denis Coderre au poste de lieutenant du Québec? Martin Cauchon? Il devra d'abord se faire élire, ce qui ne sera pas une mince tâche contre Thomas Mulcair dans Outremont. Et même élu, il devrait diriger une aile québécoise profondément divisée, et convaincre les militants qu'il n'est pas l'homme de Toronto.
Originaire de Charlevoix et intéressé lui aussi à la direction du Parti libéral du Canada, M. Cauchon n'avait surtout pas besoin qu'on lui accole une telle image qui fera les délices de ses adversaires bloquistes, néo-démocrates et même conservateurs.


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