La fusillade de Tucson

L'«obsession» américaine pour le armes

Tucson - déliquescence démocratique US

Comme cela était prévisible, les événements de la fin de semaine dernière, à Tucson, ont provoqué une déferlante de condamnations des moeurs violentes du peuple américain, de son goût incontrôlé pour les armes et de sa Constitution exagérément populiste.
Bon nombre de ces âmes sensibles trouvent la cause de ces drames dans les dispositions de la Constitution américaine reconnaissant au peuple le droit de porter des armes. D'autres, moins nombreux, jettent le blâme sur les articles de cette même Constitution, qui attribuent à la population les droits qui ne sont pas par ailleurs conférés aux institutions. Contrairement à ce que semblent penser les auteurs de ces raisonnements, les rédacteurs de la Constitution américaine n'y ont pas inclus ces droits aveuglément.
Abordons en premier lieu les neuvième et dixième Amendements, lesquels se lisent comme suit:«9-The enumeration in the Constitution, of certain rights, shall not be construed to deny or disparage others retained by the people.»; et, «10-The powers not delegated to the United States by the Constitution, nor prohibited by it to the States, are reserved to the States respectively, or to the people.»
Ces deux dispositions doivent leur présence dans la Constitution à la pensée politique qui a présidé à la naissance des États-Unis d'Amérique. Par leur révolution, les colonies américaines ont affirmé leur volonté de s'affranchir d'une forme de gouvernement attribuant toute l'autorité aux institutions, voire à une seule personne, le monarque. Autrement dit, les Américains ont alors affirmé leur désir de vivre dans une république plutôt que dans une monarchie.
Ils appliquaient par là les théories républicaines de John Locke. En résumé, Locke enseignait que l'autorité fondamentale dans l'État appartient au peuple. Mais, pour des motifs d'ordre pratique, celui-ci délègue une partie de ses pouvoirs à des institutions dans le cadre d'une délégation essentiellement révocable. Pour abréger, disons que cette délégation est partielle et qu'elle n'est pas définitive.
Dans quelles circonstances, donc, le peuple révoquera-t-il les pouvoirs qu'il a consentis aux institutions mises en place par la Constitution? D'abord, il pourra le faire de façon limitée dans le cadre d'une élection. Dans ce cas, il ne modifie pas les institutions. Il ne fait que remplacer les détenteurs du pouvoir politique. Ensuite, il pourra modifier les institutions par consensus, ce qui devrait normalement aboutir à une modification de la Constitution. Mais, il pourrait bien arriver, aussi, que les détenteurs du pouvoir ne veuillent pas s'en départir, à l'encontre de la volonté de la majorité. Le peuple aura alors droit de se placer en état de révolution, une révolution juste. Mais, si les détenteurs du pouvoir sont armés, alors que le peuple ne l'est pas, il pourrait arriver que le droit à la révolution soit vidé de sa substance. Le droit au port d'armes ne relève donc pas du simple caprice. Le second Amendement de la Constitution américaine se lit d'ailleurs comme suit:«A well regulated Militia, being necessary to the security of a free State, the right of the people to keep and bear Arms, shall not be infringed.»
Les Québécois feraient bien de se rappeler que toutes les révolutions ne sont pas nécessairement «tranquilles». De même, ils devraient peut-être y penser deux fois avant de piétiner, au nom de la rectitude politique ou d'une sensibilité exagérée, la substance de leur droit à la révolution juste. À tout événement, il importait de rappeler que les rédacteurs de la Constitution américaine n'y ont certainement pas inclus le droit au port d'armes par simple penchant populiste.


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