L'opposition à l'anglais intensif s'amplifie

Crise linguistique au Québec 2012



Marie-Hélène Côté, enseignante de sixième année à l'école Beausoleil, dans Beauport, est l'auteure d'une lettre envoyée jeudi dernier à la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, dénonçant le programme d'anglais intensif au primaire.

Marc Allard Le Soleil (Québec) Une quarantaine d'enseignants et de professionnels d'écoles primaires de Québec joignent leur voix aux opposants au programme d'anglais intensif en sixième année, craignant que son implantation freine la réussite des élèves, sape l'apprentissage des autres matières et alourdisse la charge de travail à la maison.
Les 40 enseignants et professionnels de l'éducation, qui travaillent dans 18 écoles de la capitale, de la maternelle à la sixième année, ont signé une lettre envoyée jeudi à la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp. Cette lettre critique la décision prise au début 2011 par le premier ministre Jean Charest d'obliger, d'ici 2015-2016, tous les élèves de sixième année des écoles francophones à consacrer la moitié de leur année scolaire à l'anglais.
Le programme d'anglais intensif imposera aux professeurs d'enseigner la matière de sixième année en cinq mois, alors que ceux-ci manquent déjà de temps pour passer la matière en 10 mois, déplorent les signataires.
Ces derniers ajoutent que «ce ne sont pas que les notions qui seront traitées avec moins de temps, mais aussi les comportements, les émotions des enfants et tous les problèmes de la maison qui rebondissent à l'école», écrit l'auteure de la lettre, Marie-Hélène Côté, une enseignante de sixième année à l'école Beausoleil, dans Beauport. «Le quotidien difficile de certains enfants ne deviendra pas moins difficile parce qu'on est en mode "intensif" à l'école.»
Jusqu'à maintenant, le débat sur l'anglais intensif a beaucoup tourné autour des élèves en difficulté, remarque Mme Côté, que Le Soleil a rencontrée vendredi. Mais la sixième année en accéléré aura aussi des conséquences sur les élèves «moyens», croit l'enseignante, ceux dont les notes stagnent habituellement dans les 60 % et ne sont pas soutenus par des orthopédagogues «parce qu'ils ne sont pas assez faibles».
«C'est la majorité de nos élèves. Qu'est-ce qu'ils vont faire eux autres? demande Marie-Hélène Côté. Est-ce qu'ils vont devenir les élèves faibles de demain?»
Selon les signataires de la lettre, les parents auront aussi beaucoup plus de mal à suivre le rythme, notamment en français et en maths, si leurs enfants se retrouvent avec un surplus de devoirs et de leçons.
«Chaque année, nous accueillons les commentaires de certains parents qui, de bonne foi, voudraient bien, mais n'arrivent plus à suivre les apprentissages de leur enfant parce que les notions vues en devoirs et en leçons sont devenues trop lourdes [et nous les comprenons bien!]», peut-on lire dans la lettre. «Imaginez si on double ou triple la dose!»
Marie-Hélène Côté croit qu'avec l'anglais intensif, le ministère de l'Éducation n'aura pas le choix de couper dans les autres matières s'il ne veut pas compromettre la réussite des élèves.
«On n'est pas contre l'anglais et on veut que les élèves s'améliorent, dit-elle. Mais on ne veut pas que ça se fasse au détriment des autres matières», dit-elle.
Mme Côté et ses cosignataires estiment que le gouvernement devrait plutôt songer à enrichir le programme actuel d'anglais, déjà en place de la première à la sixième année.
Vague de mécontentement
Depuis un mois, les enseignants québécois sont de plus en plus nombreux à s'opposer publiquement au programme d'anglais intensif. En décembre, des enseignants de l'école primaire Marguerite-d'Youville, dans Cap-Rouge, ont aussi envoyé une lettre à la ministre Beauchamp, l'accusant d'improviser une implantation «brutale, rapide et unilatérale» de l'anglais intensif.
Trois jours plus tard, la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE), qui représente plus de 60 000 enseignantes et enseignants des commissions scolaires du Québec, annonçait son opposition au programme d'anglais intensif, qu'elle qualifiait d'«utopique».
En entrevue au Soleil, le premier ministre Charest avait réagi à la sortie de la FSE en promettant de ne pas faire du «mur à mur» avec l'anglais intensif. «On va y aller en respectant le rythme des milieux et les capacités d'adaptation», avait-il indiqué, tout en maintenant sa volonté d'aller de l'avant avec le programme.
Selon la FSE, l'implantation de l'anglais intensif grugera 400 heu­res par année aux autres matières dans le programme de sixième année.


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