Kathleen Lévesque, Brian Myles - La lutte contre la corruption mène à des accusations de fraude et d'abus de confiance contre l'ancien ministre de la Famille, Tony Tomassi
L'Unité permanente anticorruption (UPAC) a porté son premier grand coup contre un politicien en vue, hier, en accusant l'ex-ministre de la Famille Tony Tomassi de fraude et d'abus de confiance. Enfin!, s'est exclamée l'opposition, qui reste cependant sur sa faim.
M. Tomassi a été accusé hier, par voie de sommation, de fraude envers le gouvernement et d'abus de confiance par un fonctionnaire public. Il comparaîtra le 14 novembre prochain au palais de justice de Québec.
Les faits reprochés à M. Tomassi sont de notoriété publique et ils ont mené à son expulsion du caucus libéral. Alors qu'il était député et ministre de la Famille, il aurait utilisé une carte de crédit de Petro-Canada fournie par Luigi Coretti, le président de l'agence de sécurité BCIA, pour payer son essence. Luigi Coretti est un grand ami de Tony Tomassi et un donateur important du Parti libéral du Québec (PLQ).
Le premier ministre Jean Charest avait lui-même révélé ces faits, qu'il qualifiait de «troublants» et d'«inacceptables», le 4 mai 2010, alors que s'amplifiaient les allégations de favoritisme dans l'octroi des places en garderie visant Tony Tomassi. Celui-ci a été expulsé du caucus le jour même, et l'affaire a été transmise à la Sûreté du Québec (SQ).
L'enquête a finalement été menée par l'escouade Marteau, dont le mandat est d'enquêter sur la corruption dans l'industrie de la construction. L'escouade a été regroupée le printemps dernier au sein de l'UPAC, qui a subi de nombreuses critiques pour sa lenteur.
Tony Tomassi est visé par deux accusations de fraude envers le gouvernement et une accusation d'abus de confiance. La peine maximale est de cinq ans de pénitencier pour chacune des infractions. Les faits seraient survenus entre le 1er juillet 2006 et le 6 mai 2010, période au cours de laquelle M. Tomassi est passé de simple député à ministre de la Famille, un poste qu'il a occupé de décembre 2008 jusqu'à son expulsion du caucus.
«Dans ce dossier, l'enquête se poursuit toujours et il n'est pas impossible que d'autres personnes puissent faire face à la justice», a dit par voie de communiqué le responsable de l'UPAC, Robert Lafrenière.
Démission réclamée
Élu sous la bannière libérale pour la première fois aux élections de 2003, Tony Tomassi siège aujourd'hui comme député indépendant de LaFontaine. Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, a réclamé hier sa démission pure et simple.
«Enfin! Il était plus que temps que quelque chose bouge. Mais ce n'est pas suffisant. Il faut défaire le système et pas seulement mettre des gens qui ont des choses à se reprocher derrière les verrous», a affirmé M. Khadir.
Tony Tomassi devra se poser des questions quant à la légitimité de son engagement politique, a renchéri pour sa part son collègue du Parti québécois, Stéphane Bergeron. «S'il devait décider de rester en poste, nous aurons l'occasion d'éprouver le code d'éthique que nous nous sommes donné récemment», a souligné le député.
Les deux élus s'entendent par ailleurs pour dire que le gouvernement Charest ne peut utiliser ces accusations comme prétexte à ne pas déclencher une commission d'enquête publique. À cet égard, M. Bergeron rappelle que les Québécois ne se contenteront pas de ce dossier puisque c'est d'abord l'infiltration du crime organisé dans l'industrie de la construction qui les tracasse. «Si on sort de la circulation un individu et qu'on l'envoie en prison mais qu'on n'a pas démantelé le système, cet individu-là sera immédiatement remplacé par quelqu'un d'autre. Donc, si on veut démanteler le système, les enquêtes policières ne suffisent pas», juge le député péquiste.
De son côté, Amir Khadir réclame que le Parti libéral réponde de ses actes sur la place publique. «Associés à ces méfaits, il y a eu des levées de fonds et le financement du parti de M. Charest. Comment le Parti libéral a pu tolérer ce genre de pratiques?», affirme le député de Québec solidaire.
L'Action démocratique réserve ses commentaires pour aujourd'hui.
Le cas BCIA
BCIA a alimenté de nombreuses controverses au cours des dernières années. L'agence, qui assurait notamment la surveillance du quartier général du Service de police de Montréal (SPVM), déclarait faillite le 28 avril 2010. Deux jours plus tard, le directeur du SPVM, Yvan Delorme, annonçait au maire sa retraite pour des raisons personnelles, alors que son mandat à la tête du service venait à peine d'être renouvelé pour cinq ans. Sa décision sera rendue publique le 3 mai. Puis, le lendemain, Jean Charest procédait à l'exécution politique de Tony Tomassi, après avoir passé des mois à défendre sa conduite dans le dossier des garderies. Enfin, le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, démissionnait le 9 août de la même année.
Les liens entre Luigi Coretti, Tony Tomassi, Yvan Delorme et Jacques Dupuis ont éveillé la suspicion de Robert Lafrenière, alors qu'il était sous-ministre à la Sécurité publique, à l'automne 2009. M. Coretti se serait notamment vanté de son influence dans l'embauche d'Yvan Delorme, et de l'accès dont il bénéficiait auprès de Jacques Dupuis en raison de ses liens d'amitié avec Tony Tomassi.
M. Dupuis s'est retrouvé aussi dans l'embarras à cause de Luigi Coretti, dès le lendemain de la démission de son collègue Tomassi. La Presse révélait alors que M. Dupuis avait intercédé en faveur de M. Coretti, deux ans auparavant, afin qu'il obtienne un permis de port d'arme malgré un premier refus de la SQ. M. Coretti était passé par son bon ami Tomassi pour obtenir l'aide de Jacques Dupuis.
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