Québec -- Le Québec ira voter le 26 mars prochain. Le premier ministre Jean Charest en a fait l'annonce officielle hier lors d'une conférence de presse dans le hall du Parlement. Entouré des femmes du conseil des ministres, il a indiqué que dans sa bataille pour obtenir un deuxième mandat, il ripostera coup pour coup aux attaques de son principal adversaire, le chef péquiste André Boisclair.
Adoptant un ton grave, le premier ministre s'est montré particulièrement irrité par le fait que M. Boisclair, «depuis plusieurs semaines [...], se promène en criant "menteur" [à son sujet] à chaque occasion». Affirmant qu'il préférerait faire la campagne «sur le fond», sur son «plan», sur les «idées», le premier ministre a toutefois dit que «si le Parti québécois, lui, choisit le sujet de l'intégrité, il devra vivre avec les conséquences de son choix». Autrement dit, les libéraux vont se «défendre», et s'il le faut en faisant référence au passé d'André Boisclair. Mardi, en Chambre, Jacques Dupuis a répliqué aux attaques péquistes en évoquant la consommation de cocaïne du chef de l'opposition, ce qui «enfreint le Code criminel».
Or, hier, le chef péquiste, en réaction à l'annonce du déclenchement des élections, en a remis et a encore une fois affirmé que le premier ministre avait énoncé des propos mensongers, notamment sur la question des frais de scolarité.
M. Charest a reconnu en anglais qu'il n'a pas «un score parfait» en matière de réalisation de ses promesses de 2003. Ainsi, même s'il n'a pas livré les baisses d'impôt promises d'un milliard de dollars par année, même s'il a haussé le coût d'une journée de garderie à 7 $ alors qu'il s'était engagé à le maintenir à 5 $, même s'il n'a pas totalement résolu le problème de l'engorgement des urgences, il a dit se sentir «très à l'aise» de se présenter devant l'électorat puisque, selon lui, le PLQ a réalisé l'essentiel de ses engagements. Il en veut pour preuve une étude de 27 universitaires sous la direction de François Pétry, Éric Bélanger et Louis-Marie Imbeau, qui conclut que le gouvernement Charest a rempli 60 % de ses promesses électorales. Les universitaires écrivent ceci: «La principale cause de la profonde insatisfaction des Québécois face au gouvernement de Jean Charest ne se trouve ni dans les promesses non tenues, ni dans le non-respect des valeurs libérales, ni dans la couverture médiatique biaisée de son action, mais plutôt dans l'absence de délibération publique et d'un véritable dialogue avec les citoyens.» (Le Parti libéral - Enquête sur les réalisations du gouvernement Charest, Presses de l'Université Laval, 2006.)
Sur les baisses d'impôt, le premier ministre a fait évoluer son explication hier au sujet des raisons pour lesquelles il y est allé «en marchant» alors qu'il aurait souhaité y aller «en courant». Il a encore une fois rappelé que le Parti québécois avait, à ses dires, caché un trou financier de quatre milliards. Mais il a ajouté que le PQ l'avait fait intentionnellement: «De manière délibérée, [le PQ] a laissé un trou financier avec lequel on a dû composer. Et on a fait nos choix à partir de là.» À une question à propos du «pacte» sur la santé qu'il avait proposé aux Québécois en 2003 -- il avait dit que s'il ne remplissait pas sa promesse, les Québécois sauraient ce qu'il leur resterait à faire --, il s'est montré intarissable sur les actions qu'il a entreprises en ce domaine et a encore fait de la santé sa «priorité absolue».
Par ailleurs, M. Charest a dit que les Québécois doivent choisir entre le progrès et le retour en arrière, entre la responsabilité et l'irresponsabilité. Quelle est la solution de rechange à son gouvernement? «Un référendum le plus vite possible? Est-ce qu'on va mettre les freins? Est-ce qu'on va briser l'élan? On va arrêter de faire ce qu'on fait en éducation? [...] On va se rediviser entre nous et se chicaner à nouveau?»
Par ailleurs, M. Charest ne croit pas que le dépôt annoncé d'un budget fédéral, le 19 mars, à une semaine du vote au Québec, soit une ingérence d'Ottawa dans les affaires du Québec.
La lieutenant-gouverneur cachée
Vers 11h15 hier matin, M. Charest, comme le veut la coutume, s'était rendu chez la lieutenant-gouverneur, Lise Thibault, afin d'obtenir la sanction royale pour les deux décrets que le conseil des ministres venait d'adopter: un premier qui proclame la dissolution de la Chambre et un second qui lance le processus électoral dans toutes les circonscriptions. Contrairement à son habitude en pareilles circonstances, Mme Thibault est restée dans ses bureaux. Elle aurait demandé à ne pas rencontrer la presse, elle qui a récemment fait l'objet de plusieurs articles au sujet de ses comptes de dépenses jugés douteux. D'ailleurs, à sa demande, le Vérificateur général du Québec fera enquête sur cette affaire.
Le premier ministre, âgé de 48 ans, a lancé sa campagne -- dont le slogan est «S'unir pour réussir le Québec de demain» -- dans sa circonscription de Sherbrooke hier soir. Une vingtaine de manifestants de l'Université de Sherbrooke se sont pointés hier, devant le Vieux Clocher, pour protester contre la promesse libérale de hausser les frais de scolarité. Il fera campagne à Québec aujourd'hui, où il tiendra un point de presse au Manoir Montmorency en matinée et lancera la campagne de la région de Québec au Montmartre canadien.
Un sondage CROP-La Presse indiquerait aujourd'hui que 31 % des Québécois estiment que le chef du PLQ est le plus compétent de tous les chefs. Mario Dumont devancerait André Boisclair avec 24 % des répondants qui lui sont favorables. Le leader du PQ obtient quant à lui un score de 22 %. Françoise David, de Québec solidaire, suit avec 4 %. Le chef du Parti vert, Scott McKay, arrive bon dernier avec 2 %.
Notons qu'à la dissolution de la Chambre, les libéraux détenaient 72 sièges, le Parti québécois, 45, et l'Action démocratique, cinq. Un député siège comme indépendant et deux sièges sont vacants.
La campagne électorale, qui durera 33 jours, devrait coûter environ 78 millions de dollars aux contribuables. Le 31 janvier, 5 605 991 millions d'électeurs étaient inscrits, selon le Directeur général des élections. Ce chiffre est sujet à changer avec les révisions de la liste électorale pendant la campagne. Dans les 125 circonscriptions québécoises, les directeurs de scrutin embauchent environ 100 000 personnes.
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