La DÉbilinguisation canadienne en marche

Anglicisation du Québec




Le nouveau visage du bilinguisme canadien
Serez-vous surpris si je vous dis que l’idée du bilinguisme a du plomb dans l’aile au Canada ? Je ne parle pas du Parlement fédéral, où les députés du Parti conservateur, y compris les quelques députés Québécois, ont récemment applaudi, debout, la décision de nommer un unilingue anglophone au poste de Vérificateur général.
Non, je vous parle du bon peuple canadien. Il fut sondé en octobre par Léger Marketing à la demande de l’Association des études canadiennes, qui a partagé ses données avec votre blogueur favori. En voici les grandes lignes:
La dualité linguistique, une valeur en baisse
- Seule une minorité de Canadiens hors-Québec (49%) estiment que “la promotion par le Canada de la dualité linguistique est une source d’enrichissement culturel pour moi”
- Dans l’Ouest, 52% des Albertains, des habitants de Saskatchewan et du Manitoba affirment être en désaccord (et 24% très en désaccord) avec l’existence de cet enrichissement
- En fait, ces résultats sont dopés par les immigrants, ces nouveaux arrivants qui semblent croire encore au rêve Canadien. Lorsqu’on ne tient compte que des Canadiens nés au Canada, leur adhésion à cet “enrichissement” chute de 16 points.
- Évidemment, les Québécois sont au contraire très preneurs de cet enrichissement, à 58%
Apprendre le français ? Constat d’échec
On ne peut s’enrichir de la dualité si on n’apprend pas la langue seconde. Or seuls les Ontariens et les Québécois affirment majoritairement (52%) que leur système scolaire leur a donné l’occasion d’apprendre une langue seconde.
C’est Non en Colombie-Britannique (49%), en Alberta (50%), dans les Maritimes (52%) et dans les Prairies (57%).
Jack Jedwab, directeur exécutif de l’Association des études canadiennes, a comparé ces données à celles d’autres pays. Et on découvre que la proportion de Canadiens affirmant avoir pu apprendre une langue seconde à l’école (49%) est inférieure à la proportion de Français (60%) ou de Britanniques (63%) qui disent de même. Deux pays officiellement unilingues.
L’unité canadienne ne repose plus sur la dualité
On peut ne pas voir, dans les plaines, l’intérêt personnel pour la dualité. Mais l’intérêt pour l’unité nationale ? Dans les prairies, on n’y croit plus. En Ontario et dans maritimes, on trouve encore preneurs (55%), la Colombie-britannique est divisée (45/41). La défense du français comme rempart de l’unité canadienne ne fait plus consensus.
Relations francos/anglos : l’un dit que ça va bien, l’autre pas
Les Québécois sont formels. À 61%, ils estiment que les relations sont bonnes entre eux et les non-francophones. Bizarre, car seuls 41% des Canadiens hors-Québec pensent que cela va bien, 46% jugeant au contraire que les relations sont mauvaises.
C’est, comme toujours, particulièrement vrai chez nos amis des Prairies (de 51 à 59%). Mais même les Ontariens sont indécis (46% pensent que cela va mal, 41% que cela va bien).
Une hypothèse: si les Québécois parlaient davantage aux Canadiens des autres provinces, peut-être réaliseraient-ils que les relations ne sont pas si bonnes qu’ils le pensent. Vite: un programme d’échange !
Le français, une langue d’avenir ?
On a finalement demandé aux Canadiens si l’avenir de la langue française était en danger au Canada.
Pas moins de 70% des Québécois et 76% des francophones ont répondu Oui, 44% étant “fortement en accord”.
Dans le Rest of Canada, au contraire, on juge à 54% que le français n’est nullement menacé, ce que pensent 50% des sondés de Colombie-Britannique, 52% des Ontariens, 53% des Albertains, 62% des autres sondés des Prairies et 63% des habitants des Maritimes.
L’avenir du bilinguisme officiel
Lorsque des fédéralistes québécois lucides observent les dangers qui guettent la fédération à l’avenir, ils voient la remise en cause de la loi des langues officielles comme une grave menace à l’unité canadienne.
Le présent sondage doit alimenter leurs craintes. Car si les autres canadiens estiment que le français n’est pas menacé, c’est qu’il est inutile de le défendre. S’ils estiment que le français ne leur donne peu de choses personnellement, c’est qu’on pourrait arrêter d’en faire la promotion.
S’ils jugent que la dualité n’est pas si importante pour l’unité canadienne et qu’ils trouvent mauvaises les relations avec les francophones, pourquoi ne pas faire reculer le français ?
Heureusement, la Reine est bilingue !

Squared

Jean-François Lisée297 articles

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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.

Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.





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