La démocratisation de l'hypocrisie

À propos de la violence dans le conflit étudiant

Tribune libre

« Le barbare, écrivait Lévi-Strauss, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie. » Pour celui-là, l’autre n’est plus qu’un monstre, qu’un déviant, c’est-à-dire quelqu’un qui appartient un peu moins que lui à la civilisation.
Ayons l’humilité de reconnaître qu’à cet égard, nous sommes tous, nous aussi, des barbares. Seulement, cette barbarie-là est plus insidieuse : nous la portons en nous, et la dirigeons non pas contre une figure extériorisée de l’autre, mais contre ceux qui nous entourent. Cette barbarie-là, elle est intérieure.
Étant moi-même impliqué dans le conflit étudiant, je vois, autour de moi, des gens qui s’injurient, des couples qui se séparent, des amis qui s’ignorent. Mais plus encore, je vois l’hypocrisie qui se généralise autour de la question de la violence, question accessoire eu égard au conflit actuel que les médias se sont pourtant empressés d’ériger en problème majeur. Doit-on blâmer le gouvernement ou bien les étudiants ? Doit-on blâmer les groupuscules anarchistes ? Cette dernière question, par ailleurs, ne manque pas d’être insultante envers les étudiants : elle sous-entend qu’ils sont incapables, par eux-mêmes, de passer aux actes !
Cela dit, il ne s’agit pas ici de chercher un coupable (car nous risquons de le trouver). Ce qui me semble plus digne de blâme, c’est l’hypocrisie générale qui occulte la violence symbolique du discours social. En condamnant les associations étudiantes qui refusent de condamner la violence, on se trouve en fait exprimer cette curieuse exigence qui veut qu’après avoir été superbement ignorés pendant dix semaines, les étudiants, à défaut de retourner prestement en classe, soient, à tout le moins, des saints !


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