Je ne sais s'il y a encore au Québec beaucoup de gens qui s'interrogent sur les causes de l'impopularité de Jean Charest. Sa dernière gaffe, la voici : sans attendre les résultats de la Commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables, il décide de la court-circuiter en disant qu'il modifiera cet automne la Charte des droits et libertés de la personne du Québec pour accorder la primauté à l'égalité des sexes sur la liberté de religion. Le premier ministre profite aussi de l'occasion pour court-circuiter la ministre de la Condition féminine, Christine Saint-Pierre, qui est restée muette sur cette question de la primauté. Donc un doublé pour Jean Charest!
Le chef de gouvernement aurait dû être beaucoup plus prudent en la matière, au lieu de faire de l'esbroufe sur le sujet. La question est peut-être simple au plan politique, elle demeure toutefois fort complexe au plan juridique. Pour éviter de trop entrer dans les méandres du droit, disons simplement que les Chartes des droits et libertés de par le monde occidental ne hiérarchisent pas ces droits et libertés. Ils sont tous considérés sur le même pied et aucun n'a un caractère absolu.
Il appartient aux tribunaux de concilier le plus possible ces droits et libertés et, pour ce faire, inventer des principes et règles d'interprétation. Et la tendance nettement majoritaire des tribunaux canadiens est de donner une interprétation très large aux libertés fondamentales que sont les libertés d'expression, de religion et de conscience. Je me demande même s'il ne faudrait pas que le législateur québécois utilise une clause dérogatoire, mais permise, aux Chartes (québécoise et canadienne), pour aller à l'encontre de ces libertés fondamentales et assurer la primauté du droit à l'égalité des sexes. Tout un débat juridique et judiciaire en perspective!
Mais je doute fort que Jean Charest ait pensé à toutes ces considérations. Il a voulu manifestement marquer un bon coup politique. Mais je ne suis pas sûr que le tout se fera comme une lettre à la poste... ou un courriel!
Michel Lebel
Ancien professeur des droits et libertés de la personne
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