La frileuse

Affaire Michaud 2000-2011



La bonne foi se présume, dit-on, mais on dit aussi que toute règle a son exception. En ce qui concerne l'affaire Michaud, présumer de la bonne foi des libéraux aurait été de la dernière naïveté.
Pauline Marois avait parfaitement raison de croire qu'ils auraient profité de la motion d'excuses présentée par Amir Khadir pour faire un deuxième procès à M. Michaud et dénoncer par la même occasion le prétendu nationalisme ethnique du PQ.
Il était même gênant de voir Jean-Marc Fournier saliver à cette perspective. En sa qualité de ministre de la Justice, il aurait au moins pu manifester une réserve de façade. Depuis quelque temps, le premier ministre Charest répète continuellement que l'Assemblée nationale ne doit pas de transformer en tribunal populaire.
M. Michaud dit brûler d'envie de lui faire parvenir une sommation de rétractation à la suite des propos qu'il a tenus en point de presse vendredi dernier. M. Fournier ne demande certainement pas mieux que d'en remettre.
Si l'on suit la logique de Mme Marois, il faudrait toutefois s'abstenir de toute motion contraire aux positions du gouvernement, de peur qu'elle ait finalement pour effet de les consolider. Au jeu parlementaire, celui qui dispose d'une majorité finit toujours par imposer son point de vue. L'important est ce qu'en retient l'opinion publique.
M. Michaud a envoyé un mot à la chef du PQ pour s'excuser du courriel virulent qu'il lui avait expédié sous le coup de la colère, allant jusqu'à remettre son leadership en question. Il n'en demeure pas moins que Mme Marois a fait preuve d'une frilosité désolante.
Aussi bien pour M. Michaud que pour le PQ, il aurait été nettement préférable que les médias rapportent que les libéraux refusaient de réparer l'injustice du 14 décembre 2000, plutôt que de titrer, comme l'a fait Le Devoir: «Réhabilitation d'Yves Michaud - Le PQ refuse le débat sur la motion».
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Cela fait maintenant dix ans que le PQ traîne cette histoire comme un boulet, tout en sabotant systématiquement les occasions d'en finir. Pourtant, le dossier est parfaitement documenté. Il est maintenant clair que M. Michaud n'a pas tenu devant la Commission des états généraux sur la langue les propos antisémites qu'on lui a reprochés.
De toute évidence, certains refusent obstinément d'admettre leur erreur. Le député de Richelieu, Sylvain Simard, que M. Michaud a déjà qualifié d'«olibrius» et de «quémandeur de maroquin aux loyautés successives», en fait manifestement une affaire personnelle.
De tous les élus péquistes qui avaient condamné M. Michaud en décembre 2000, dont dix sont toujours en fonction, seulement quatre lui ont présenté des excuses: Joseph Facal, Louise Beaudoin, François Gendron et Claude Cousineau. Pauline Marois s'y refuse toujours.
M. Michaud, qui a 80 ans, se demande s'il deviendra centenaire avant qu'on lui rende justice. C'est plutôt à se demander si l'on n'attend pas lâchement le jour où il emportera son honneur blessé dans la tombe.
Dans la lettre qu'elle a adressée la semaine dernière au président de l'Assemblée nationale, Mme Marois lui demande simplement de faire en sorte qu'à l'avenir, une personne faisant l'objet d'une motion de blâme soit entendue au préalable.
Cette démarche n'a aucune chance d'aboutir, et la chef du PQ le sait très bien. En février 2002, le conseil national de son parti avait déjà adopté à l'unanimité une résolution demandant au gouvernement Landry de modifier le règlement de l'Assemblée, malgré les objections des libéraux. Cette résolution était restée lettre morte. Le dossier avait été renvoyé à la commission de l'Assemblée nationale où il avait fini de s'enliser.
M. Michaud s'était alors adressé aux tribunaux qui avaient dû s'incliner devant la suprématie du Parlement. Dans ses commentaires, le juge Jean-Louis Beaudoin, de la Cour d'appel, avait cité l'adage latin: Summum jus, summa injuria. Le comble du droit peut être le comble de l'injustice.
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Quand elle est devenue chef du PQ, Mme Marois a choisi de réhabiliter le discours identitaire, qui était proscrit au PQ depuis la tristement célèbre phrase prononcée par Jacques Parizeau le soir du référendum.
Le geste était courageux et nécessaire. Mme Marois a bien compris que les Québécois n'opteront pas pour la souveraineté tant qu'ils ne seront pas débarrassés de cette mauvaise conscience que le camp fédéraliste a si bien réussi à exploiter.
Encore faudrait-il qu'elle assume pleinement l'orientation qu'elle a voulu donner à son parti. Il y a dix ans, M. Michaud a été victime de cette mauvaise conscience qu'elle cherche à extirper. Certes, Lucien Bouchard voulait à tout prix empêcher ce trouble-fête de remporter l'investiture péquiste dans Mercier, mais il l'avait également sacrifié sur l'autel du «nationalisme civique».
Plutôt que de régler une fois pour toutes cette malheureuse affaire, Mme Marois marche sur des oeufs. À quelques mois du congrès national du PQ, c'est pourtant le moment de démontrer du leadership.
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mdavid@ledevoir.com


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