Tout comme la pendaison de Louis Riel, l'assassinat symbolique et politique de Monsieur Yves Michaud par l'Assemblée nationale du Québec est une honte historique. Cette institution démocratique est devenue, au moins pour ce jour sombre du 14 décembre 2000, un "territoire sioniste occupé".

L'«antisémitisme» ... et la réalité du racisme

Malgré des excuses tardives d'une minorité des acteurs de ce délit moral, le refus de la majorité des députés de l'époque, ainsi que celle des députés actuels, de réparer ce dérapage historique, constitue une autre injustice. Car les effets pervers de cette unanimité dans une dérive éthique majeure continuent à produire d'insidieux effets: la démonisation officielle du citoyen Yves Michaud continue à se propager à travers d'infâmantes connotations d'«antisémitisme», et le cyberespace constitue le lieu privilégié de la propagation et de l'inflation des rumeurs portant ainsi atteinte à des citoyens. Faisant partie - modestement - du club des "antisémites québécois", reconnu comme tel par une ribambelle d'institutions aussi crédibles que l’Institut Canadien de Recherches sur le Judaïsme (*), je suis à même de comprendre les dommages identitaires résultant de la stigmatisation arbitraire et malicieuse d'une personne comme «antisémite» (*: diffusion d'un texte m'associant aux «intellectuels occidentaux [qui] déclarent que la saison de la chasse aux juifs est bel et bien ouverte» (sic)).

Dans le "très sérieux" quotidien Le Devoir, on pouvait lire récemment que Monsieur «Michaud a[vait] été blâmé pour des propos antisémites ... » («Une vingtaine d'ex-députés du PQ s'excusent auprès d'Yves Michaud», Mélissa Guillemette, Le Devoir, Montréal, 18 décembre 2010). Il est vrai que la journaliste faisait état de la rectification de Monsieur Yves Michaud: «Ces propos n'ont jamais existé [...]». Il aurait cependant été prudent de mettre le terme «antisémites» entre guillemets, car il est bien possible que ce que l'on retienne est le "fait" que Monsieur Yves Michaud nie les «propos antisémites» qu'il aurait - éventuellement (!) - tenus, et pour lesquels il a été unanimement blâmé par l'Assemblée nationale du Québec. Comme le dit approximativement le proverbe: «Diffamez, diffamez, il en restera toujours quelque chose !»

Je crois qu'il faut éviter, surtout dans un contexte médiatique, d'utiliser des termes comme «antisémitisme» ou «antisémite»: en effet, cette terminologie très ambigüe au départ, est devenue un simple procédé d'étiquetage pour diaboliser toute personne s'opposant aux politiques de l'entité territorialement indéfinie et autoproclamée sous l'appellation d"«État d'Israël».

Dans une perspective d'objectivité, rappelons que les Sémites sont un ensemble de populations originaires du Moyen-Orient dont les appartenances linguistiques sont entre autres celles des langues arabe et hébraïque. Il n'est pas prouvé que Monsieur Michaud ait tenu le moindre propos manifestant une hostilité à l'égard des locuteurs d'une ou plusieurs des langues sémitiques.

De fait, la notion éthiquement et politiquement corrompue d'«antisémitisme», est devenue de plus en plus une arme linguistique dans les stratégies d'un ensemble de milieux sociaux, économiques et politiques qui s'emploie, tout particulièrement depuis 2001, à déployer une entreprise renouvelée du maccarthysme, dans le contexte des conflits géopolitiques mondiaux actuels.

On a vu ce néomaccarthysme à l'oeuvre dans un pénible acharnement judiciaire dont a été victime le sociologue français [Edgar Morin->1231] (d'origine religieuse juive), diabolisé comme «antisémite» pour avoir simplement manifesté de la compassion à l'égard de la nation palestinienne. La tragique affaire de l'organisme canadien ["Droits et Démocratie"->rub1079] (qui ne semble plus mériter cette appellation...) relève des mêmes stratégies politiques d'un néomaccarthysme en expansion.

Une des prochaines victimes de ce néomaccarthysme pourrait bien être le député québécois Amir Khadir, c'est pourquoi il me semble qu'il faut être vigilant à ce sujet, pour prévenir une autre lamentable "affaire Michaud".

Dans les pratiques discursives, médiatiques, scientifiques et politiques entre autres, il importe donc de bannir des termes tels que «antisémitisme» ou «antisémite», afin de se situer dans des attitudes éthiques et factuelles adéquates.

Lorsque la réalité observée le justifie, il est plus juste, et factuellement objectif, d'utiliser le terme scientifiquement valable de racisme, pour caractériser tout comportement consistant à identifier un groupe social en tant que «race», en fonction de caractéristiques physiques réelles ou imaginaires.

Stratégies politiques

Le naufrage moral de l'Assemblée nationale du Québec survenu en décembre 2000, ainsi que le refus actuel de réparations symboliques pour Monsieur Yves Michaud, sont un indice des rapports de force réels qui se jouent dans la politique québécoise.

Tout cela nous indique clairement, que parmi les communautés culturelles qui se sont dotées d'un "lobby" ethnocentré, certaines pourraient avoir un poids politique disproportionné. On pourrait se consoler en considérant que la situation est pire en ce qui concerne l'État "fédéral" canadien, mais, malgré un climat évident d'intimidation et d'autocensure, il est certainement déraisonnable d'assister passivement à une autre forme de corruption de notre démocratie.

Même si elle a échoué face à ce qui constitue un "mur de la honte", il reste que l'initiative du député québécois Amir Khadir en vue de la réhabilitation morale de Monsieur Yves Michaud est courageuse: elle se situe dans une perspective citoyenne et non communautariste, hors des zones d'influences qui s'exercent à l'encontre de la démocratie. Monsieur Khadir mérite à ce sujet la sympathie et le soutien de la population québécoise, même si son parti est loin d'être exemplaire sur cette question de la citoyenneté et du communautarisme, comme on l'a vu à propos du port des signes religieux.

Yves Claudé

Montréal, le 22 décembre 2010