La Fatigue culturelle du Canada français, dont est tiré ce texte, a été publié en mai 1962 dans la revue Liberté. Tous les jours de cette semaine, nous en publions des extraits correspondant au débat du jour auquel le public est convié, à la salle Marie-Gérin-Lajoie de l'UQAM à 20h (entrée libre). Le débat est animé par Michel Lacombe à la suite de l'émission de radio de la Première Chaîne diffusée à 19h30.
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Ce soir, le thème «Une société du consensus: sommes-nous capables d'accepter l'affrontement et donc de résoudre les conflits?» réunira Yvon Rivard, Jean-Marc Piotte, Jean-Christian Pleau et Christian Dufour.
C'est faire fausse route que de demander à des groupes constitués en groupes inégaux, inférieurs ou écartés de sauter une étape du processus dialectique qui régit les ensembles internationaux. Il n'y a pas de raccourci possible pour passer de l'infériorité, ressentie collectivement, à la collaboration d'égal à égal. À moins peut-être, que ce raccourci ne soit la suppression pure et simple du groupe en question en situation quelconque de minorité.
«En même temps que l'on vous invite à construire la civilisation de l'universel, on nous demande de renoncer à notre culture...», a dit Léopold Senghor, nous rappelant ainsi que l'«universel» ne doit exister que grâce à la participation libre et active de tous les éléments particuliers qui auront choisi de le créer. Si les particularismes sont vraiment des extravagances ou des caprices insolites, ils ne résisteront pas longtemps aux excommunications» dont ils sont l'objet.
«Si l'on nous avait donné l'exemple d'un pays qui, pour être plus progressiste que les autres, ait renoncé unilatéralement à la culture nationale, à son passé - pour mieux s'universaliser, nous pourrions suivre cet exemple. Mais cela n'existe pas encore... Nous nous soucions d'élaborer une culture nationale qui serait tout simplement, pour nous, un rempart de sécurité, en attendant que la sécurité de toute notre planète soit réalisable.» (Cheikh Anta Diop, dans Présence africaine, no 24-25, 1959, p. 376)
Le nationalisme, un rétrécissement?
[...] Faut-il cesser de faire des révolutions parce qu'on sait, de toute éternité ou presque, que les révolutions passent? Faut-il, au nom de grands corps politiques fédératifs ou impériaux qui, eux aussi, sombreront au fond des âges, condamner des entreprises ou des révolutions qui finiront bien par finir? Si le nationalisme de quelque groupe que ce soit, sénégalais ou canadien-français, est rétrograde, j'ose croire que c'est pour d'autres raisons que la pérennité de la Communauté française ou la supériorité inhérente à un grand ensemble comme la Confédération sur un petit ensemble comme l'État du Québec.
Ce serait alors parce que le nationalisme engendre des guerres? Je crois avoir démontré la fragilité de cette corrélation entre le nationalisme et la guerre. Ce serait donc parce que le nationalisme va fatalement vers la droite sociale-politique? C'est là préjuger d'une orientation future d'après d'anciennes aventures politiques: et rien ne m'oblige à croire que la réalité de demain sera selon celle, regrettable j'en conviens, d'hier et d'avant-hier.
Je ne crois pas plus à l'essence prédéterminée des peuples que je [ne] crois à celle des personnes; en politique, une doctrine essentialiste ne peut conclure qu'à l'immobilisme. Les peuples n'ont pas d'essence. Pendant un temps donné d'observation, ils peuvent se caractériser par des attitudes ou des institutions spécifiques; mais cela n'est pas une essence. Les peuples sont ontologiquement indéterminés, et cette indétermination est le fondement même de leur liberté. L'histoire à venir d'un groupe humain n'est pas fatale, elle est imprévisible. «Un homme se définit par son projet», a dit Jean-Paul Sartre. Un peuple aussi.
Le nationalisme serait condamnable parce qu'il préconise un rétrécissement communautaire alors que le mouvement de l'Histoire va dans le sens d'une mondialisation irréversible? À cela, je dirai que l'humanité offre à l'historien une belle anthologie de chutes d'empires: Alexandre, Gengis Khan, Soliman le Magnifique, Mahomet, Franz Joseph, Hadrien, César, Victoria... ont proclamé la pérennité d'empires polyethniques et polyculturels qui se sont tous également rétrécis.
Il se pourrait bien alors, si l'histoire avec un grand «H» a un sens, que ce soit dans le rétrécissement qu'on le trouve avec autant de preuves irréfutables à l'appui que dans l'intégration planétaire et mondiale. Mais je cherche encore pourquoi le nationalisme, selon Trudeau, et plus particulièrement son expression séparatiste actuelle au Canada français, est un ferment de régression historique, sociale, humaine et logique.
Yvon Rivard, Jean-Marc Piotte, Jean-Christian Pleau, Christian Dufour
L'événement Hubert Aquin: cinq questions aux nationalistes d'aujourd'hui
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