Démission

La lettre d'Atïm León

le PQ est en train de foncer dans un mur électoral historique

Pacte électoral - gauche et souverainiste




Montréal, le 29 août 2011.
Chers amis et militants,
C’est avec un pincement au cœur que je vous annonce aujourd’hui ma démission du poste de président de la région Montréal-Centre, ainsi que du poste de vice-président politique de l’exécutif de Laurier-Dorion. J’ai eu énormément de fierté et de plaisir à travailler à vos côtés au sein de ce grand parti et je puis vous assurer de mon soutien lors des élections à venir en tant que militant.
Évidemment, mon départ sera interprété en fonction des circonstances difficiles que traverse le Parti Québécois aujourd’hui. Mais permettez-moi, malgré tout, de faire appel à votre générosité en vous soumettant que mes motifs sont d’abord personnels.
Lorsque j’ai accepté d’assumer la présidence de l’exécutif régional, c’était tout d’abord pour combler un vide (l’exécutif régional avait besoin d’une nouvelle impulsion). C’était également parce que je voulais contribuer au meilleur de mes compétences et de ma disponibilité à la réussite de notre congrès d’avril dernier. Je l’ai d’ailleurs clairement indiqué lors de mon discours d’acceptation. À ce moment, j’ai insisté sur l’importance que revêtait ce congrès à mes yeux et sur le mandat que je me donnais à cet égard, tout en indiquant que je ne garantissais pas pour autant de poursuivre ce mandat par la suite.
Après réflexion sur ma situation personnelle, j’ai pris cet été la décision qui me taraudait l’esprit depuis plusieurs mois, bien avant que la crise politique que nous vivons. Depuis l’automne dernier, j’ai déménagé et je tente l’aventure de bâtir une famille recomposée avec trois enfants, ce qui m’apporte d’immenses plaisirs tout en exigeant de moi une présence réelle à la maison. Parallèlement, je mène une vie professionnelle assez intense et vis-à-vis de laquelle je ne me sens pas assez engagé lorsque je dois, en même temps, faire face aux multiples sollicitations de mon mandat d’officier du parti. Cette situation intenable ne pouvait pas continuer et, surtout, dans un contexte où nos efforts doivent redoubler, où les débats à l’interne du parti vont s’intensifier. Voyant venir un automne riche en activités, j’ai compris que la quadrature du cercle ne serait pas possible dans mon agenda, alors j’ai pris la décision de céder ma place à une personne qui aurait le temps et l’entrain nécessaires pour la période qui commence.
Cela étant dit, je vous confirme que je demeurerai membre du Parti Québécois. Un membre actif, autant que possible. Les grandes causes qui mobilisent des milliers de militants comme nous sont ainsi faites : nous donnons notre temps et les moyens dont nous disposons pendant une période, puis c’est à d’autres de le faire. Un jour, je le sais, je redonnerai autant que vous.
Je demeure militant parce que j’adhère à la cause qui est la nôtre et que je suis convaincu que seul le Parti Québécois a la capacité de rallier tous les militants indépendantistes, d’accéder au pouvoir (un jour, oui) et de faire avancer le Québec vers sa pleine émancipation.
Mais, il y a plus. Je demeure militant parce que, même si je suis en désaccord avec certaines décisions prises par la direction actuelle, ce parti m’appartient et vous appartient autant qu’aux personnes qui en sont les fiduciaires à l’Assemblée nationale, en tant qu’élus, ou au sein de ses bureaux, en tant qu’employés.
Partir, ce serait renoncer à ma responsabilité de militant indépendantiste et ce serait admettre à tort que l’on peut faire du Parti Québécois ce que l’on veut sans devoir affronter le sain garde-fou critique de ses membres.
Donc, non, je ne pars pas. Et je le réitère, ce n’est pas parce que je suis critique vis-à-vis de certaines décisions de la direction du Parti que je laisse mon poste à une autre personne. Au contraire, si ma situation personnelle me le permettait, je resterai à mon poste justement pour mener les débats qui, je le pense profondément, doivent être fait(sic) au sein du PQ. Les récentes propositions de Bernard Drainville - et toutes celles qui pourraient venir, que ce soit à l’interne ou bien de la part de nos députés démissionnaires - sont d’ailleurs extrêmement encourageantes.
Enfin, je ne peux quitter sans vous dire que je suis très fier du programme adopté par notre parti en avril dernier. Je pense qu’une partie de la solution à la crise de notre parti se trouve dans ses pages. Il faut maintenant faire vivre les propositions audacieuses qui s’y trouvent et, surtout, ne pas craindre d’en ajouter de nouvelles même si elles ont été écartées au cours du processus du congrès. Je pense notamment à l’idée d’instaurer un mode de scrutin proportionnel et à la perspective de placer dans les mains du peuple, par le biais d’un mécanisme de référendum d’initiative populaire, la possibilité de déclencher un référendum sur notre indépendance nationale.
Merci de votre confiance et à bientôt,
Atïm León
***
Annexe à ma lettre de démission
En quittant, j’aimerais me permettre quelques remarques sur la suite des choses. Et puisqu’il n’y a pas eu d’instances officielles depuis ma sortie médiatique de juin dernier, je voudrais aussi expliquer, pour ceux que cela pourrait intéresser, pourquoi j’ai « osé » m’exprimer publiquement et de façon critique au sujet de l’entourage de Mme Marois.
Je pense que la situation actuelle est le résultat d’un lent processus qui a commencé au lendemain du référendum de 1995 et de la prise de pouvoir de Lucien Bouchard. Dans ce processus, le PQ a gouverné la province avec brio, mais à bien des égards en sacrifiant son crédo social-démocrate originel au lancinant discours néolibéral ambiant. Et - c’est sans doute la rançon du pouvoir - le PQ a défait au long de ce chemin plusieurs des alliances qu’il avait lui-même suscité(sic) autour du projet d’indépendance avant 1995. Ce démaillage discret mais constant en est aujourd’hui aux dernières mailles de la grande couverture péquiste.
Puisque je le fréquente quotidiennement, je peux donner l’exemple du milieu syndical. Très vivant au Québec, le mouvement syndical a été au cœur du mouvement indépendantiste depuis ses débuts. Ce n’est d’ailleurs pas le cas du milieu des affaires – n’en déplaise aux tenants du fameux « virage à droite ». Or, aujourd’hui, nous en sommes à un point tel d’éloignement de ce milieu que la simple évocation du PQ au sein des assemblées syndicales suscite une gêne palpable, du dépit pour plusieurs et, comble, des ricanements moqueurs de certains. Inutile de souligner que c’est précisément au sein de ces assemblées que se trouve la clientèle électorale naturelle du PQ.
Bref, dans cet exemple comme dans d’autres se trouvent les éléments d’un phénomène que nous ne pouvons plus ignorer : le PQ est en train de foncer dans un mur électoral historique. Comment en sommes-nous arrivés là? Il y a, bien entendu, de multiples facteurs. On peut évoquer des facteurs socio-historiques sur lesquels nous n’avons aucune emprise - je tiens tout de même à souligner que j’ai pu constater un rajeunissement extraordinaire des exécutifs de Montréal au cours des dernières années.
Pour ma part, j’ai l’impression qu’une partie de l’explication se trouve du côté du fonctionnement des personnes qui ont participé à l’exercice du pouvoir jusqu’en 2003. Ce sont ces mêmes personnes qui ont dirigé le PQ après 2003. Au lieu de mettre à profit les années d’opposition pour rebâtir les alliances perdues ou estropiées, elles ont imaginé un tout autre agenda pour le PQ. Le voici dans son plus simple appareil : attendre que l’alternance naturelle entre les deux grands partis ramène le PQ au pouvoir.
Le problème de cet agenda est qu’il n’en est pas un. Il n’a rien à dire sur rien et tout à gagner à ne rien trancher… avant le retour au pouvoir. De plus, il place les dirigeants du parti en position de faiblesse non seulement vis-à-vis de l’opinion publique, mais également à l’interne du parti.
Lorsqu’on gouverne la province ou le « pays », on le fait en tenant compte de tous les citoyens et des équilibres à respecter entre les différents secteurs d’intérêts. Évidemment, on ne s’attend pas d’un parti populaire et social-démocrate comme le PQ qu’il gouverne dans le sens des intérêts des grands détenteurs de capitaux privés, qui financent en sous-main le sabotage et l’opposition au projet indépendantiste. Cependant, force est d’admettre que le gouvernement doit parfois trancher des situations délicates en ménageant la chèvre et le choux, au risque de déplaire à ses propres supporters dans le camp de gauche.
Mais il en va d’une toute autre manière lorsqu’on dirige un parti politique qui aspire à prendre le pouvoir. Il faut lui donner une identité forte, bien identifier son électorat réel et, dans notre cas particulier, travailler avec tous les partenaires de la grande coalition souverainiste afin de s’assurer qu’ils s’identifient pleinement à notre proposition de gouvernement.
Mais ce n’est pas du tout ce qui est arrivé puisqu’en réalité ceux et celles qui ont dirigé le PQ ces dernières années, l’ont fait avec l’intime conviction que leur expérience au sein du gouvernement traçait clairement leur ligne d’action en tant que dirigeants du parti.
Ils et elles ont pensé, peut être inconsciemment, que l’intérêt du PQ était de ressembler à une sorte de parti-gouvernement ou de « gouvernement en devenir ». C’est bien sûr un réflexe compréhensible. Mais, cette façon de faire a été une erreur à un double titre.
D’abord, aucune décision ne pouvait être prise sans passer par le filtre suivant : que ferions-nous à ce sujet si nous étions le gouvernement? Or, celles et ceux qui répondaient à la question avaient déjà gouverné et, donc, portaient un jugement-éteignoir sur toute initiative un peu innovante - en pleine connaissance de cause des puissantes limites budgétaires et politiques à toutes les innovations une fois qu’on est au gouvernement. Ensuite, parce que dans la période d’effervescence transitionnelle dans laquelle nous sommes, les éteignoirs nourrissent le sentiment d’impuissance qui s’est emparé des citoyens-électeurs, mais ne suscite pas leur adhésion.
À mon opinion sur cette erreur d’ordre stratégique, s’est ajoutée avec le temps une appréciation plutôt négative du travail de préparation du projet de gouvernement que la haute direction a effectué au cours des quatre dernières années. Un projet de gouvernement est d’abord un ouvrage de réflexion. Il faut évaluer à sa juste mesure la conjoncture, la direction que prend le Québec aux plans politique, économique, social, etc. Il faut ensuite proposer une direction, sans doute différente (en tout cas on s’y attend).
Autrement dit, et cela semble une évidence de le dire aujourd’hui, pour aspirer véritablement à remporter les élections, notre chef et les députés ne doivent pas ressembler aux ministres assis en face d’eux. Ils doivent plutôt se libérer des entraves de la langue de bois parlementaire et, surtout, PROPOSER. Proposer à la population des solutions concrètes à ses problèmes. Offrir des projets collectifs qui feront rêver et nourriront les aspirations de la majorité à un Québec meilleur.
Or, le projet de gouvernance souverainiste est complexe. L’expression « gouvernance souverainiste » n’est pas un bon slogan en soi, bien que sur le fond le projet demeure très pertinent. Ce projet, jumelé par exemple à un dispositif démocratique de référendum d’initiative populaire, aurait eu tout ce qu’il fallait pour redonner au PQ son élan. Mais il aurait fallu pour cela développer ce projet au cours des quatre dernières années. Le travailler, le faire vivre non comme un slogan mais plutôt à travers une série de propositions fortes. Puis s’assurer que tous nos militants s’imprègnent de ces idées. Quatre années! L’équipe entourant Mme Marois a eu plus de temps qu’il n’en faut pour effectuer ce travail ou le faire effectuer par d’autres. Malheureusement, force est d’admettre que c’est un échec, au moins partiel.
Évidemment, le processus de préparation du nouveau programme adopté lors du congrès aurait du(sic) permettre ce travail. Mais il n’en a pas été ainsi pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons. Ce qui n’enlève rien à la qualité des contributions des militants qui ont nourrit(sic) le document initialement proposé par la direction du parti, ni à la valeur du document final. Mais comme je l’ai souligné, en matière de « gouvernance souverainiste » et de ce que cela veut réellement dire concrètement, nous ne sommes pas plus avancés.
En somme, stratégie générale erronée et faible préparation du projet de gouvernement, voilà les deux raisons pour lesquelles je continue de penser que Mme Marois ferait preuve de leadership, telle une première ministre qui effectue un remaniement ministériel, en remplaçant les personnes qui, autour d’elle, exercent les responsabilités de plus haut niveau.
Bien entendu, le sauvetage de notre navire collectif ne tient pas uniquement à cela. C’eut été un geste fort en juin dernier, mais j’ai bien peur qu’aujourd’hui ce ne soit plus qu’un détail. J’espère que face à la détérioration des conditions de l’exercice de son leadership, notre chef sache saisir le caractère exponentiel de celle-ci. La détérioration est rapide. Or, même si je crois profondément qu’il n’y a rien d’irréversible en politique, la franchise m’oblige à admettre que je doute.
J’ai dit en juin dernier qu’il fallait être sourd – et depuis plusieurs années – pour ne pas entendre que le rôle joué par Mme Stafford n’était pas vu positivement. Je dois aujourd’hui avouer qu’il faudrait être sourd pour ne pas entendre, tout autour de nous, la rumeur lancinante – depuis plusieurs années – qui voue Mme Marois à la défaite électorale. En bref, on dit « elle ne passe pas ».
J’ai voulu combattre cette rumeur. J’ai voulu être volontariste, montrer que cela ne repose sur rien de réfléchi, rien de rationnel. On ne pourra pas me le reprocher : j’ai fait plus que ma part pour que le fameux vote de confiance dépasse la barre des 90% au dernier congrès. Et je n’en suis d’ailleurs pas particulièrement fier. Mais tous nos beaux efforts ne semblent pas porter fruit… La puissance des médias est devenue telle que notre petit travail de militant ne s’apparente plus qu’à des gouttes d’eau dans une vague océanique. Il faudra bien que nous en prenions acte un jour ou l’autre.


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