En s’attaquant à la loi 101, Stéphane Gendron reprend toute une série de clichés qui ont souventes fois servi à réprimer le débat linguistique. Pendant longtemps, tout mouvement de défense ou de promotion du français a été taxé d’alarmisme ou de xénophobie.
Sous l'effet de telles accusations, la question linguistique est devenue un sujet tabou. Toute remise en question de la sécurité ou de la supposée paix linguistique était éludée promptement. Il fallait à tout prix éviter d'ouvrir «la marmite linguistique». C’est ce qui a permis d’affaiblir la Charte de la langue française par plus de 200 modifications sans susciter de réactions trop vives.
En fait, avoir une langue commune est un facteur d’inclusion et non pas d’exclusion. Le français est le ciment qui relie tous les citoyens qui forment le peuple québécois. Défendre le français au Québec, c’est inclure les Québécois de toutes origines et de toutes langues maternelles. Pour former une société cohérente, il faut pouvoir se parler, il faut connaître une même langue. C'est en participant pleinement à une culture publique commune que tous les citoyens peuvent s'y intégrer et l'enrichir des apports de leur culture d’origine.
C’est dans cet esprit inclusif que la Charte de la langue française a été établie. Voici ce qu’on pouvait lire en 1977, dans l’énoncé de politique qui précéda l’établissement de la Loi :
« Autant la pluralité des moyens d’expression est utile et féconde sur un même territoire, autant il est nécessaire que, comme un préalable, un réseau de signes communs rassemble les hommes. Sans quoi ne sauraient subsister la cohésion et le consensus indispensables au développement d’un peuple. »
Les lois linguistiques existent partout dans le monde et, dans la plupart des états nationaux, l’éducation publique se fait exclusivement dans la langue de la majorité. Ce sont les mesures scolaires de la loi 101 qui ont permis que les enfants de toutes langues et de toutes origines puissent fréquenter les mêmes écoles au Québec.
Ce sont précisément ces mesures qui ont le plus contribué à la fois à l’ouverture des écoliers francophones et à l’inclusion des nouveaux arrivants. Sans loi 101, il n’y aurait pas eu ces enfants de la loi 101 qui constituent sans doute le symbole le plus palpable de l’intégration des nouveaux citoyens à la société d’accueil québécoise.
La loi 101 n’a pas été conçue contre le bilinguisme individuel, mais contre le bilinguisme institutionnel. Elle visait à faire du français non pas l’une des langues officielles, mais plutôt la seule langue officielle du Québec. Elle devait faire du français non pas la langue des seuls francophones, mais la langue commune de tous les Québécois.
Que les Anglo-Québécois parlent anglais entre eux, les Sino-Québécois, mandarin, les Maghrébo-Québécois, arabe, etc., rien de plus normal. Cependant, lorsque des personnes de langues diverses se croisent au Québec, le français devrait être la langue normale et habituelle de leurs échanges.
Le statut du français comme langue publique commune est la condition première afin d’assurer l’avenir du français au Québec, seul État majoritairement francophone de l’Amérique du Nord. C’est pourquoi la Loi 101 visait à faire du français non pas une langue officielle, mais plutôt la seule langue officielle du Québec.
La connaissance de plusieurs langues constitue un enrichissement personnel. Mais le bilinguisme anglais-français des institutions publiques crée un clivage qui nuit à l’intégration. René Lévesque affirmait qu’à sa manière, chaque affiche bilingue dit à l’immigrant : il y a deux langues ici, le français et l’anglais; on choisit celle qu'on veut. Elle dit à l'anglophone : pas besoin d’apprendre le français, tout est traduit.
De même, si les services publics sont systématiquement disponibles dans les deux langues, les nouveaux citoyens comprendront que la société d’accueil québécoise ne tient pas plus qu’il ne le faut à ce qu’ils apprennent le français. Dans le contexte canadien et nord-américain, le français est alors forcément perçu comme une langue utile, mais non nécessaire.
Pour inclure, il faut d’abord commencer par ne pas s’exclure. Il faut oser soulever le vrai débat de fond. Il faut le faire rationnellement et sereinement avec tous les citoyens. C’est une condition d’ouverture et de solidarité.
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Mario Beaulieu
L’auteur est président du Mouvement Québec français
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