La charte des valeurs

La maison de verre canadienne dans le débat québécois

Tribune libre

Titre d'un article signé par *Robin Philpot et publié dans le site de Mondialisation.ca (http://www.mondialisation.ca/la-maison-de-verre-canadienne-dans-le-debat-quebecois-sur-la-charte/5349952).
*Robin Philpot (Thunder Bay (Ontario), 1948- ) est un journaliste et un essayiste québécois d'origine ontarienne. Auteur de plusieurs ouvrages controversés, il a notamment publié Ça ne s'est pas passé comme ça à Kigali en 2003 et Les secrets d'Option Canada, en collaboration avec Normand Lester. Il a été le candidat du Parti québécois dans la circonscription de Saint-Henri—Sainte-Anne lors de l'élection générale québécoise de 2007. (Wikipedia)
Il s’agit d’une version française d’un article qui a paru d’abord en anglais et dont voici le texte:
«Le pire aspect du débat sur la Charte proposée par Québec est l’arrogance, la suffisance paternaliste et la prétendue supériorité morale du Canada anglais et des médias anglais du Québec. Les Canadiens anglais ne se rendent pas compte qu’ils vivent dans une maison de verre et que c’est dangereux de lancer des roches. Un peu d’autocritique, d’examen de soi peut révéler que le Canada anglais est une partie importante du problème.
Le Canada a constamment et unanimement refusé d’accommoder les demandes raisonnables de respect et de reconnaissance du Québec depuis plus de 50 ans. Jamais n’a-t-il regardé en arrière, jamais n’a-t-il remis en doute sa supériorité morale autoproclamée.
Par exemple, le Canada n’a pas hésité à promouvoir, pour ensuite porter aux nues, leur dirigeant « Canadien français » soigneusement choisi, Pierre Trudeau, l’envoyant au front pour faire la salle besogne, qui comprenait notamment la proclamation des Mesures de guerre en temps de paix afin d’arrêter et d’incarcérer des centaines de chansonniers, de syndicalistes, d’artistes et de militants politiques pacifiques – un coup d’intimidation inouïe – et l’occupation du Québec par l’armée canadienne. Par la duperie et la duplicité et en utilisant le même homme de paille « canadien français », le Canada a adopté la loi fondamentale du pays, la Constitution de 1982, contre la volonté de l’Assemblée nationale du Québec, qui a régulièrement réitéré son opposition à ce « coup d’État constitutionnel » depuis plus de 30 ans. De plus, la classe politique canadienne a combattu sans interruption toute tentative de réparer les torts du coup de 1982 (ex., l’accord du Lac Meech).
Lorsque la force et la duperie n’étaient pas les armes de choix, les dirigeants du Canada se sont tournés sans broncher vers la corruption en tentant d’acheter le Québec. Feue la grande Jane Jacobs disait, « ils sont passés maîtres en la matière ».
L’unicité de pensée des dirigeants du Canada à l’égard du Québec a permis au gouvernement du Canada et à de grandes sociétés canadiennes, lors du référendum de 1995, de violer cavalièrement les lois québécoises sur les consultations populaires – des lois canadiennes, jusqu’à nouvel ordre, adoptées démocratiquement. Ils ont dépensé illégalement des millions de $ pour mobiliser en faveur du NON et pour intimider les électeurs québécois. Quand il est question du Québec, les pires formes de jingoïsme, de patriotisme et de nationalisme aveugle l’emportent toujours au Canada. C’était le cas aussi lors de l’adoption de la Loi dite sur la clarté : appui unanime des députés du Canada anglais. Heureusement que le Bloc était là pour s’y opposer.
Jamais la classe politique n’a hésité à verser dans les politiques répugnantes et primaires de diviser pour régner : il a mobilisé, sans le moindre souci des impacts, les communautés minoritaires et immigrantes et les nations amérindiennes pour discréditer et stigmatiser même les plus nobles des efforts du Québec de bâtir une nation prospère et distinctive qui se tient, nation qui pourrait très bien coopérer étroitement avec le Canada, tout comme la Norvège le fait avec la Suède depuis le référendum norvégien de 1905 qui en a fait deux pays.
Les Canadiens se permettent en même temps de monter sur leurs grands chevaux et de crier, « Nous sommes multiculturels, nous accueillons les autres, nous ne sommes pas comme les racistes du Québec. » Or combien de Canadiens savent que la politique du multiculturalisme canadien a été conçue non pas comme un geste de générosité envers les minorités et les immigrants, mais pour contenir le Québec? Adoptée le 8 octobre 1971, dans moins d’un an après les Mesures de guerre de 1970, la Loi sur le multiculturalisme canadien a été la réponse de Pierre-Elliott Trudeau à une très importante commission royale établie pour désamorcer la crise dans les relations Canada-Québec. Alors que cette commission a recommandé un Canada bilingue et biculturel, le Canada de Trudeau a répondu avec le bilinguisme et le multiculturalisme, ce qui avait pour effet désiré de reléguer le Québec et la culture québécoise au statut des Ukrainiens du Manitoba ou de la communauté italienne de Toronto. Et on se surprend que le Québec s’y oppose?
Le Canada n’a jamais regardé en arrière, jamais pris du recul. Contrairement au Québec où, pour le meilleur ou le pire, tout est ouvert au débat, le Canada se satisfait de contrôler tout débat, de sourire, de s’absoudre de ses péchés passés et actuels, de les oublier, se confortant en disant : regardez le Québec, ils sont tous racistes et ils ne le savent pas. (Peu de Canadiens veulent le savoir, mais le Québec était la première juridiction dans l’Empire britannique à voter en faveur de l’émancipation des Juifs (1832); deux villes dans le nord du Québec, Mont-Laurier et Amos dont la communauté noire se compte sur les doigts de la main, ont élu et réélu un maire noir, né à Haïti; le ministre de la culture du Québec est né au Cameroun; la liste est longue.)
Maintenant ce débat sur la Charte. Considérant comment au cours de 50 dernières années, le Canada a enfermé le Québec et enterré ses aspirations les plus profondes en se servant de méthodes et de moyens qui viennent de la même état d’esprit qui, ailleurs, a érigé des murs et des clôtures barbelés et déployé des armes, doit-on se surprendre de voir que le débat est maintenant réduit à celui de l’identité, au lieu de porter sur le statut politique du Québec et sa relation avec le Canada?
La plupart des Canadiens et des Québécois seraient d’accord sur bien des éléments proposés dans la Charte. Personne ne s’oppose à la séparation de l’Église et de l’État (sauf quelques zélotes dans l’entourage de Stephen Harper)? Le seul point qui fait l’objet d’un débat vif est celui sur le port de signes religieux par les employés du secteur public, et plus particulièrement dans le réseau scolaire, le réseau de santé et les CPE. Les Québécois sont divisés, les souverainistes aussi, y compris les membres du parti au pouvoir. Le Canada peut-il laisse le débat se poursuivre en paix?
Et si les Canadiens anglais sont sérieusement préoccupés par le sort des gens qui pourraient être touchés par l’éventuelle Charte, voici une proposition très modeste. Pourquoi ne pas regarder d’abord le sort des minorités dans votre propre cour – et tant qu’à y être, le sort des Premières nations? Il y a sûrement lieu pour de l’amélioration.
Plus important encore, pourquoi pas un peu d’autocritique? Pourquoi ne pas examiner comment les Canadiens et leurs représentatifs à Ottawa et dans les législatures provinciales ont répondu aux demandes légitimes du Québec au cours des 50 dernières années? Les Canadiens anglais, leurs médias et leurs politiciens ont-ils participé à la campagne incessante visant à dénigrer et à salir le Québec en recourant à des arguments toujours sans fondement. Ont-ils participé à la campagne illégale pendant le référendum de 1995, soit dans le mal nommé « Quebec Love-In »?
Y a-t-il quelqu’un qui a défendu le droit du Québec de disposer de lui-même?»


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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    17 novembre 2013

    Monsieur Philpot
    Entièrement d'accord avec votre texte mais ça ne fera pas bouger nos politiciens québécois qui vivent de ce système fédéraliste en y faisant carrière; ils ne connaissent pas autre chose que la dépendance face à leurs bourreaux colonisateurs "canadian" soit depuis 1759. Ces temps-ci, ils nous parlent beaucoup de charte des valeurs (j'en suis tellement gavé que ça me sort par les oreilles!) Belle diversion pour nous faire oublier les vrais problèmes tels que l'entrée massive annuelle de 50 000 immigrants, la mort du projet de loi sur la réforme des mines (lire mon commentaire adressé à Marois suite à son dernier article sur Vigile: UN DISCOURS FRANCHEMENT ET FAROUCHEMENT INDÉPENDANTISTE.
    Comment peut-on se dire souverainiste en créant une charte des valeurs et laisser entrer 50 000 immigrants annuellement? Ce gouvernement péquiste fait le jeu du multiculturalisme d'Ottawa qui est en train de nous assimiler. Je le dis et je le répéte: LE QUÉBEC EST VICTIME D'UN GÉNOCIDE bien planifié avec la coopération. la complicité de nos politiciens collabos de Québec; le réveil va être très brutal bientôt si les Québécois ne se réveillent rapidement. Il faut sortir urgemment de ce pays étranger, de cette tour de Babel du multiculturalisme "canadian" avant d'y laisser notre peau, est-ce assez clair?
    André Gignac 17/11/13

  • Archives de Vigile Répondre

    17 novembre 2013

    Voici ce que j'en pense de cette « Charte de la laïcité etc... » dite, de façon populaire et pompeusement, « Charte des valeurs québécoises ». Mais qui a peu à voir avec mes valeurs réelles.
    Moi qui suis Canadiens-français et pour la séparation du Québec et du Canada (une véritable affirmation identitaire, sans besoin d'une Charte semblable) afin qu'existe sans contraintes étrangères notre nation francophone. Elle qui, seule, a fondé l'État du Québec malgré l'occupation anglaise mais qui depuis près de 50 ans connaît une régression qui n'est pas seulement la conséquences des actes des anglos-canadiens.
    ( Quant à l'amélioration du français de l'après-guerre 39-45 jusqu'au milieu des années 80, elle n'est due qu'à la seule volonté « collective » du peuple canadien-français et non à cause de la loi 101. )
    Si l'indépendance du Québec ne sert pas la nation canadienne-française, alors elle ne sert à rien.
    Et puisque ce projet de Charte inclus bilinguisme (ne stipulant qu'une vague primauté du français) et liberté de religion en public (aux articles 11 et 12, donc aucune véritable laïcité), des valeurs toutes canadiennes, elle n'est pour moi qu'une mystification issue de la volonté de nous garder de force au sein du Canada.
    On détourne l'attention des Québécois sur des enjeux secondaires, tel l'identité et la religion, afin qu'ils pensent être sur la bonne voie en appuyant des projets sommes toutes sans progrès pour nous. Tandis que, pendant que la population mène un débat qui la divise, de tels projets de lois, une fois adoptés, consacrent l'adhésion du Québec à la fédération «canadian».
    Oui les anglos-canadiens devraient parfois se remettre en question, mais aussi nos élus québécois. Ces derniers n'ont pas autant de courage qu'ils prétendent en avoir.
    Pour conclure, je vous cite Monsieur Philpot:
    « Maintenant ce débat sur la Charte. Considérant comment au cours de 50 dernières années, le Canada a enfermé le Québec et enterré ses aspirations les plus profondes en se servant de méthodes et de moyens qui viennent de la même état d’esprit qui, ailleurs, a érigé des murs et des clôtures barbelés et déployé des armes, doit-on se surprendre de voir que le débat est maintenant réduit à celui de l’identité, au lieu de porter sur le statut politique du Québec et sa relation avec le Canada ? »

  • Archives de Vigile Répondre

    17 novembre 2013

    Bravo M. Philpot.En quelques paragraphes, vous avez génialement bien cerné et résumé les avatars de la coexistence Québec-Canada depuis 1968.
    Cette maison de verre canadienne (j'aime beaucoup votre métaphore), bien fragile et édifiée si outrageusement ces dernières décennies dans le ROC, bénéficie de la protection et reçoit l'approbation d'un trop grand nombre de nos élites politico-financières québécoises bien repues et de médias tout à fait dédiés à leurs intérêts.
    Elle bénéficie de l'amnésie profonde d'un trop grand nombre de québécois vis à vis notre histoire nationale. Votre rappel nous est très précieux. Vous qui n'êtes pas ¨pure laine¨, avez d'autant plus de mérite à exposer un point vue aussi critique.

  • Rhéal Mathieu Répondre

    17 novembre 2013

    Dans ce débat sur la Charte, tout ce qui a rapport à la charia a un rapport direct à la Charte elle-même et est très pertinent.
    Le fédéral a déterminé le Canada avec ses valeurs : la monarchie, le militarisme, l'assimilation des francos, les droits individuels qui priment sur les droits collectifs, le profit qui prime sur l’environnement, l'acceptation de l'infériorisation de la femme pour motifs religieux, etc. Ceci, sans jamais adopter aucune loi au parlement, sinon que l'adoption de sa propre charte des droits individuels.
    Nous, au Québec, sommes aussi dans un processus de détermination de nos propres valeurs, par l’adoption démocratique de notre propre charte : une loi de l’Assemblée nationale.
    Ce processus de détermination de nos valeurs, ça s’appelle :
    l’autodétermination.
    L'exercice du droit des peuples à l'autodétermination est un droit reconnu internationalement. Et ça nous mène directement à l’indépendance nationale.
    C'est un pas majeur, une autre pierre d'assice de notre contitution de pays souverain.

  • Archives de Vigile Répondre

    16 novembre 2013

    De nos jours, le simple fait de tenir à son identité nationale te fait passer pour un raciste.
    Pourtant, s'il y a une richesse importante de l'humanité à conserver et à préserver, ce sont justement les identités nationales et ethniques avec chacune leurs caractéristiques propres.
    Mais les pouvoirs présents semblent tenir à leur tour de Babel.
    Pourtant, on sait que l'ancienne tour n'a jamais abouti.
    Dans notre monde du 21e siècle, il semble que seul l'argent peut donner une identité à l'être humain.
    C'est probablement l'écrivain français Yvan Blot qui a raison lorsqu'il affirme:
    "La domination de l’argent est assurée par l’idéologie de la non discrimination. Celle-ci se montre de façon flatteuse comme voulant assurer l’égalité des hommes mais en réalité, il s’agit de supprimer toute discrimination sauf celle par l’argent afin que l’argent devienne le seul critère sur lequel on juge les hommes. Une société où seule la discrimination par l’argent existe est en réalité monstrueuse, contraire à toutes nos traditions historiques chrétiennes ou nationales. C’est un moyen de détruire l’identité nationale au profit d’un monde matérialiste sans aucune frontière."
    http://archives.polemia.com/article.php?id=4815
    Ceci dit, de telles sociétés ont déjà existé par le passé, dans le temps de Noé et à l'époque de l'Atlantide.
    Historiquement, il semble que ce genre de société soit destinée à s'éteindre suite à des catastrophes naturelles.
    D'ailleurs, on est témoin d'une augmentation continue des tremblements de terre et des éruptions volcaniques depuis le début du présent siècle.
    C'est mon impression que c'est la nature qui va finir par mettre fin à notre contre-civilisation.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    16 novembre 2013

    Canada : Let me be your constitutional therapist.
    Le ROC a besoin d'un thérapeute constitutionnel pour l'amener à reconnaitre une réalité géopolitique : l'existence de l''État nation du Québec.
    Son comportement névrotique tient au fait de ce déni.En fait un double dénis :
    Celui pour la Couronne Britannique, suite à la défaite de la France sur notre territoire, d'avoir été forcé de reconnaitre un État nation dans ses caractéristiques essentiels (Religion, langue et code civil français) inscris dans les statuts de l'Acte de Québec de 1774. Cela afin de prévenir les Habitants de joindre la révolution américaines; ce qui eut été fatal à la présence britannique en Amérique.
    L'autre déni est celui de l'intention clairement exprimée de nous assimilé, en nous enfermant dans les institutions politiques britanniques. L'évolution de tous les statuts constitutionnels qui ont suivis visaient cette objectif.
    Ce que le Canada ne peut admettre, c'est qu'il doit son existence (comme débris de l'Empire colonial britannique) aux choix des Habitants. Et qu'il n'a cessé de travaillé à leurs assimilations.
    C'est ce double dénis qui les coupent de la réalité et les rends névrotiques, à chaque fois que nous manifestons notre existence comme nation.
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    16 novembre 2013

    Wow! Philippe Couillard aux Coulisses du pouvoir en terrain ami, ça promet. Questions amicales, des mots d'encouragement, une jambette au P.Q.
    Chantal Hébert va terminée en entonnant l'Haut Canada avec Claude C Auger.
    http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2013/11/16/003-philippe-couillard-plq-lutte-integrisme-dpj.shtml