L'histoire du jour tient de l'étrange. Ex-secrétaire d'État de Bush père, James Baker en est le principal protagoniste. Il y a quelques mois, Bush fils l'a appelé à la rescousse afin de le sortir du guêpier irakien. Pour ce faire, on a créé une commission bipartisane, dont il est le coprésident. Après des mois d'analyse et quelques arrêts à Bagdad et dans les environs, Baker a dévoilé une de ses conclusions. Attention: elle est un tantinet brutale.
Ce vétéran de la scène politique suggère que l'administration Bush amorce rien de moins qu'un pas de deux avec le poids lourd de l'«axe du mal». C'est-à-dire l'Iran. Il propose également que Bush fils fasse un clin d'oeil, appuyé il va sans dire, en direction du garnement de la famille proche-orientale, soit la Syrie. Dans la foulée de cette confidence formulée lors d'un entretien télévisé, Baker a lancé des piques en direction, toujours, de l'administration.
Les voici. En résumé et en substance, l'ami de Bush père - qui, avec l'autre grand ami de l'ancien président et ex-patron du Conseil national de sécurité, Brent Scowcroft, s'était opposé à la guerre en Irak - a dit ceci: «Lorsque j'étais le patron de la diplomatie, je n'ai jamais hésité à parler à l'ennemi. À preuve, je suis allé 15 fois en Syrie.» Et il a insisté sur les vertus de la discussion en stipulant qu'elles ne sont en rien une preuve d'apaisement, voire de faiblesse, comme le clament à cor et à cri les néoconservateurs et leur mauvais génie en chef, soit le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld.
Il n'est d'ailleurs pas innocent de noter que l'intervention de Baker fait suite à une attaque en règle menée par certains hauts gradés contre Rumsfeld. Lors d'une récente audience de la Commission des affaires étrangères, les membres démocrates ainsi que les républicains, conscients que l'enlisement en Irak, si on croit les derniers sondages, risquait de leur coûter la majorité dont ils disposent au Congrès, ont pris soin d'inviter des généraux qui ont commandé des troupes en Irak mais qui sont aujourd'hui à la retraite. Autrement dit, ils sont libérés de leur devoir de réserve.
Et qu'ont dit ces braves soldats? Que Rumsfeld est «un incompétent en matière stratégique, opérationnelle et tactique», soit en tout. Qu'il est si arrogant qu'il a déchiré «douze années de préparatifs et de plans» en plus «de ne pas tenir compte du risque d'insurrection». Qu'il aurait mieux valu «maintenir notre effort principal en Afghanistan». Qu'en agissant comme il l'a fait, Rumsfeld a encouragé l'essor «du fondamentalisme islamiste». En un mot, Rumsfeld a écopé d'un zéro pointé.
Les faits reprochés par les gradés à Rumsfeld et au commander in chief sont graves, très graves. Les remontrances de Baker, même si elles sont plus policées, en sont l'écho, vite repris par le président de l'Irak, Jalal Talabani. Pas plus tard qu'hier, il a suggéré l'ouverture de discussions avec l'Iran chiite et une Syrie dominée par les sunnites.
Évidemment, il ne faut pas s'attendre à ce que le président Bush fasse sienne la proposition iconoclaste de Baker avant la tenue des élections de mi-mandat, prévues début novembre. Après, il n'aura pas d'autre choix que de modifier le cours que lui, Rumsfeld et le vice-président Dick Cheney ont imprimé sur le cours de l'histoire de l'Irak. Le choix de Bush? Docteur Jekyll ou Mister Hyde.
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