LE RACISME AUX ÉTATS-UNIS

À rebours de l’histoire

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Avancez en arrière !

La multitude de manifestations, sous des formes diverses, observées jour après jour après que des policiers ont tué des citoyens noirs de peau, rappelle, et non révèle, qu’aux États-Unis le racisme a droit de cité. Les droits civiques des années 60 ? Ils ont été réduits à un accident de l’histoire.
Sociologue expert dans les relations entre les Blancs et les Noirs, Eduardo Bonillo-Silva est devenu célèbre auprès de ses collègues universitaires en affirmant, après étude évidemment, que les États-Unis d’Amérique étaient « une société raciste sans racistes ». Une société où habitent une multitude d’individus qui se défendent d’être racistes alors qu’ils entretiennent, souvent inconsciemment, des liens de subordination à l’égard de celui qui est différent. Bref, croire que leur pays est immunisé contre ce fléau depuis l’essor des droits civiques est une illusion.

Pour dire les choses telles qu’elles sont, un chapelet de calculs effectués par Bonillo-Silva et bien de ses confrères s’avère la mise en relief d’une terrible réalité : les inégalités de richesse, et tout ce que cela suppose de facteurs sociologiques, entre Blancs et Noirs excèdent celles constatées en Afrique du Sud lorsque l’apartheid était roi et maître. On en doute ? Le nombre de Noirs emprisonnés aux États-Unis versus le nombre de Blancs est proportionnellement plus élevé qu’il ne l’était dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. Soit l’Afrique du Sud, faut-il le rappeler, où la conception aryenne du monde était l’horizon indépassable.

Que ce soit sur le front de l’espérance de vie, des actes médicaux, du logement, du travail, de l’éducation, des violences physiques, de l’alimentation et autres variables qui rythment le quotidien, l’Afro-Américain est toujours le perdant. Hier comme aujourd’hui, il est le sujet de discriminations multiples que le tout-économisme qui sévit depuis le début des années 80 a exacerbées. En clair, le racisme s’est institutionnalisé. À telle…

À telle enseigne d’ailleurs que ce phénomène, ce racisme tous azimuts, a renvoyé, pour ainsi dire, la lutte pour les droits civiques et ses figures tutélaires à un épisode lointain de l’histoire. Comme si le combat des années 60 devait être conjugué, par un vice aussi historique que politique, avec l’Antiquité. Comme si Martin Luther King était un égaré de l’Histoire. Comme si les Noirs étaient condamnés à être les abîmés à perpétuité de l’Histoire.

On sait trop peu, beaucoup trop peu, qu’à peine le président Lyndon B. Johnson, et non John F. Kennedy, posait un geste ou faisait voter une loi pour favoriser l’égalité des Noirs ou leur ouvrir certaines portes, les chefs de file du racisme rampant s’empressaient de les culbuter. Par exemple, alors qu’il était gouverneur de la Californie, Ronald Reagan s’était appliqué à préserver les privilèges des Blancs en libéralisant le commerce immobilier. Quoi d’autre ? On tient à répéter et à souligner que les élites municipales des grandes villes se sont employées à contrer l’offensive antiraciale en huilant les courroies de son contraire grâce, notamment, à des balises géographiques destinées à l’enfermement et à la déstabilisation de l’exercice du droit de vote au ras des pâquerettes.

Ce travail de sape contre l’héritage de Martin Luther King et des justes qui l’ont épaulé a trouvé son point d’orgue, on ne le rappellera jamais assez, en juin 2013, lorsque la Cour suprême a décrété que la loi phare des droits civiques, soit celle garantissant le droit de vote, n’avait plus de raison d’être. De fait, le plus haut tribunal du pays a levé les obligations qui avaient été notamment imposées aux neuf États du Sud. L’argument phare de la Cour ? Les États-Unis d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier. Bref, l’histoire a encore été bafouée.


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