« L'intégrisme fait partie des choix personnels de chacun », nous dit Philippe Couillard. De plus, il ne faut pas confondre « intégrisme » et « terrorisme » : il a beaucoup « d'amalgames qui sont faits sur ces concepts qui sont très distincts ». Le premier ministre a sans doute raison sur ce dernier point puisque l'intégrisme est une idéologie messianiste extrême, alors que le terrorisme est simplement une arme... aux mains de ceux qui défendent cette idéologie.
Plus encore, il n'a pas l'intention de mettre de limites à la promotion des idéologies extrêmes puisque ce serait s'en prendre au « choix personnel de chacun ». Par contre, il se veut rassurant en se servant du mot « sécurité » qu'il prononce en enfilade. La sécurité, « c'est une mission primordiale de l'État ! » Puis il ajoute : « Je dois souligner que nos forces policières sont en lien constant avec les forces fédérales ». Bref, jamais la sécurité publique n'aura été mieux protégée depuis le 7 avril 2014.
Puisque l'intégrisme et le terrorisme sont des concepts qu'il ne faut pas confondre, le premier ministre pourrait-il nous dire quelle est la distance qui sépare l'un de l'autre ? En matière religieuse, là où la dépense de la foi et de la vérité se transforme si facilement en cocktails explosifs, l'Histoire a amplement démontré que la distance qui sépare « l'intégrisme » de la « terreur » a bien souvent l'épaisseur d'une étincelle. Quand les forces de la Vérité sont exacerbées de part et d'autre, et virent à la paranoïa collective, il s'agit parfois d'un incident pour passer de la paix à la boucherie. Quand une société bascule de cette façon, les forces de l'ordre sont vite dépassées par le déchaînement des passions. Chacun est abandonné à lui-même, c. à d. à la merci du fanatisme du premier venu. La liberté de religion s'exprimer alors à l'état pur. Rappelons-en quelques exemples.
À Paris, le 24 août 1572, jour de la Saint Barthélémy, une crise de folie éclate entre catholiques et protestants. Résultats : 4,000 morts dans la ville de Paris, et 10,000 dans une vingtaine de villes de France.
Plus de trois siècles plus tard, cette fois à Londres, le 2 juin 1780. Une foule d'au moins 50,000 personnes s'oppose à un amendement aux lois anti-papistes dans le but d'autoriser le recrutement de catholiques dans l'armée. Frustrée de la détermination du gouvernement, la foule se déchaîne et se met à saccager et à incendier tous les édifices, maisons, et chapelles identifiés à des catholiques, ou à des sympathisants. Rien ne peut assouvir la colère des émeutiers, de sorte que la troupe se voit ordonnée de tirer à volonté. Résultats : 300 morts, 200 blessés graves, et plus de destruction en six jours que dans Paris pendant toute la révolution française.
Plus près de nous, certains se souviennent de la guerre civile qui a éclaté au Liban en 1975, et qui ne s'est calmée qu'en 1991. Là encore, un conflit religieux a libéré de vieilles passions suite à un incident armé. Résultats : les Libanais ont détruit leur pays, la « Suisse du Proche-Orient ». Et les chiffres sont éloquents : 150,000 morts, un nombre incalculable de blessés dont 75,000 handicapés à vie, une génération de jeunes qui ont quitté l'école pour ne plus jamais y retourner, et la moitié des professionnels du pays qui ont fui cette folie pour ne plus revenir. Ce n'est donc jamais banal une guerre civile qui carbure aux passions religieuses.
Bien entendu, nous n'aurons pas la guerre civile ici demain matin, ni dans dix ans, ni probablement jamais si nous ne sombrons pas trop profondément dans notre illusion d'invulnérabilité. Mais pourquoi se fermer les yeux et s'imaginer que notre belle tolérance et notre foi libérale nous préserveront des dérives religieuses qui annoncent un peu partout la fin d'un monde. L'intégrisme n'est-il pas l'expression d'une volonté farouche de défendre une Vérité transmise par Dieu à ses fidèles ? Philippe Couillard ne s'est-il pas lui-même comporté en défenseur de la Vérité libérale quand il a lancé son cri de guerre aux bricoleurs de la chicane : « On devra me passer sur le corps » avant que l'on adopte cette charte de la discrimination. Dans le Coran, une détermination farouche à défendre les droits de Dieu s'exprime par un mot, « qâtala », qui veut dire : combattre jusqu'à la mort. Par exemple, au verset 4 de la sourate 61, on peut lire : « En vérité, Dieu aime ceux qui vont jusqu'à tuer pour Lui, et qui restent fermes comme un édifice impénétrable ». Sans aller aussi loin, jusqu'à quel extrême Philippe Couillard est-il prêt à aller dans la sacralisation des droits individuels dans le combat qu'il nous annonce contre « les bricoleurs de la chicane ».
Évidemment, il se dit déterminé à combattre le terrorisme et les terroristes, mais nous prévient qu'il n'a pas l'intention de regarder en aval, c. à d. là où tout un bouillonnement idéologique prépare les plus décidés à passer de la parole aux actes. En libéral égaré au-dessus du bon sens, il nous prévient qu'il ne veut surtout pas s'en prendre au « choix personnel » de chacun. Bref, Philippe Couillard se retranche derrière une conception déraisonnable de la liberté au point où il nous affirme qu'il ne fera rien pour ralentir la progression, bien enclenchée, de l'Islam radical au Québec. Plus encore, il va jusqu'à tenir un discours de victimisation en faveur des radicaux : ce sont les « bricoleurs de la chicane » qui attisent les tensions avec leur charte de la laïcité. Par « leur immaturité, leur ignorance et leur incompétence », ils cherchent à les éloigner de nos valeurs en les maintenant dans l'isolement ». Il les comprend, il les plaint, et il se fait leur défenseur : Bernard Drainville devra « me passer sur le corps » avant qu'il ne fasse adopter sa charte de la discrimination.
Dans les faits, l'Islam radical ̶ c.à d. l'islamisme messianiste ̶ s'est invité chez nous dès après la révolution iranienne, et n'a jamais cessé de progresser depuis. À cette époque, le voile, en voie de disparition dans de nombreux pays musulmans, a resurgi brusquement comme l'un des grands symboles de soumission du politique au religieux. Le croyant se voyait rappelé à son devoir de prosélyte et combattant sur le chemin de Dieu. L'islamisme s'est mis
à diffuser son grand slogan : « l'Islam est la Solution », c. à d. que tous les problèmes sociaux et politiques ne seront réglés que par le retour à la pureté des origines cristallisée dans la sharî'a.
Aujourd'hui, plus ou moins 60 % des musulmans acquiescent à cette idée et aspirent à vivre selon la Loi de Dieu, c. à d. la sharî'a. Quand on entend certains musulmans « modérés » d'ici dire que Montréal est devenu un « territoire de l'Islam », ils nous disent que le temps est venu d'appliquer la sharî'a, et que la liberté de religion leur reconnaît ce droit. Bref, ils réclament bien humblement le droit de transformer les assises de leur pays d'accueil, et d'y réaliser une révolution sociale, politique et religieuse. Ce n'est pas de la terreur ! C'est simplement le droit d'établir un ordre nouveau dans le pays qui vient de les accueillir.
l'Islam ̶ dans sa version originale ̶ est une idéologie messianiste. Sa finalité est de préparer la venue du Messie afin d'établir le « Royaume de Dieu » sur la terre. C'est en raison de ce messianisme que l'Islam authentique ne peut dissocier le politique du religieux, et que ses croyants se montrent si outragés face à la laïcité, une idée sacrilège qui les brime dans leur droit d'imposer leur religion aux autres. Le « Royaume de Dieu » ne pourra advenir sur la terre que suite à l'éradication du Mal par la conversion ou l'extermination des mécréants. L'Islam est une allégeance absolue qui exige plus que des prières et un engagement spirituel : le croyant doit se faire prosélyte et s'investir, au sacrifice de sa vie, dans un combat à finir sur le chemin de Dieu.
Toutes les idéologies messianistes ont ceci en commun d'être déconnectées de la réalité et de chercher à sauver le monde en sacrifiant une grande partie du monde, c. à d. en mettant le cap sur l'apocalypse. On n'a qu'à penser à nos grands Messies du XXième siècle, et à leurs œuvres inachevées : Lénine, Staline, Hitler, Mussolini, Mao, Pol Pot, etc.
Tel que le clament clairement les grands théologiens de l'Islam, Dieu a chargé ses croyants d'une mission universelle. Par exemple, à la fin du XIXième siècle, Mohammed Abdouh rappelait, dans le cadre de son enseignement et en dehors de toute pression politique, l'une des plus belles promesses de Dieu au bénéfice de l'humanité
: «« Dieu n'a pas encore achevé pour nous l'accomplissement d'une promesse qu'il n'a réalisée qu'en partie. Il est fatal qu'il l'achève en donnant à l'Islam la maîtrise sur l'Univers tout entier, y compris sur l'Europe qui nous est si hostile »»1.
Mohammed Abdouh n'avait rien d'un fanatique. Réformiste influent et l'un des plus grands théologiens de son temps, il connaissait à fond les fondements messianistes de sa religion.
L'Islam authentique, même modéré, ne peut donc se limiter à la piété et à la spiritualité. Dieu lui a donné la mission ̶ politique et militaire ̶ de purifier l'humanité afin d'établir son Royaume sur la terre entière. Évidemment, l'application d'une telle violence purificatrice contre les ennemis de Dieu ne pourrait que conduire l'humanité à la catastrophe. Quand Philippe Couillard nous dit qu'il n'a aucune intention de limiter le droit des intégristes de pratiquer une version radicale de leur religion, on se demande où il y a la tête.
Les intégristes, convaincus d'une mission guerrière et apocalyptique, rêvent d'imposer la volonté de Dieu sur terre. Cette volonté a été exprimée dans le Coran. Chacun devrait avoir la curiosité d'aller le lire pour se faire une idée de l'idéologie déjà si bien engagée pour enliser le XXIième siècle dans la tourmente. Inutile d'imaginer qu'une si grande idée va s'essouffler toute seule dans dix ou vingt ans : le monde musulman, entré en crise profonde il y a plus de cent ans, ne connaît aucune idéologie de rechange vers laquelle il pourrait se tourner. Il faut donc prendre les islamistes au sérieux quand ils proclament qu'aucun croyant ne devrait avoir peur de l'apocalypse puisqu'elle annonce la fin des temps.
Christian Néron
Membre du Barreau du Québec,
Constitutionnaliste,
Historien du droit et des institutions.
RÉFÉRENCE :
1- Jacques Jomier, Le commentaire coranique du Manâr, Paris, éd. Maisonneuve, 1954, p. 325.
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5 commentaires
Archives de Vigile Répondre
24 février 2015L'Islam va s'effondrer avec les nouvelles découvertes sur son origine douteuse.
The Rise of ISIS & The Christian's Response
https://www.youtube.com/watch?v=SA8XuWegPcU
Jay Smith est un personnage fascinant qu'il faut connaître...
Jay Smith - What Is Radical Islam?
https://www.youtube.com/watch?v=2ntUae8Q-Vo
Me Christian Néron Répondre
24 février 2015Pour François qui demande des suggestions :
Il y a de nombreuses traductions du Coran.
La plus éditée est celle de Biberstein Kamirski (1841), rééditée dernièrement (2010).
Les chercheurs travaillent surtout avec l'édition bilingue de Muhammad HAMIDULLAH,
introuvable, et celle de Régis Blachère (1957).
Par contre, on peut se procurer une édition récente, bien écrite et bon marché, soit
celle de Malek Chebel dans la collection « Livre de Poche ».
La meilleure façon de lire le Coran est de travailler avec un dictionnaire du Coran
qui traite la matière par thèmes, tout en citant les versets concernés. Le lire au-
trement, sans clefs de lecture, peut être ennuyant et peu profitable.
Pour la question de traduction, il faut comprendre que le Coran n'a pas été originel-
lement écrit en arabe, mais traduit de l'araméen à partir de feuillets ou lectionnaires
de prières. La traduction de ces feuillets de l'araméen à l'arabe a été faite par des
Juifs de la secte nazaréenne. C'est peut-être pour ça qu'on lit souvent qu'il a été
écrit dans un arabe « pur et parfait ».
Mais officiellement il vient de Dieu et a toujours existé : il ne faut pas offenser
personne.
Gilles Verrier Répondre
24 février 2015Il est d'usage de qualifier le massacre de St-Barthelemy de fait religieux, ce qui masque le fait que le choc entre les réformistes et les catholiques constitue un épisode de l'avancement des idées libérales et individualistes destinées à si bien servir l'émergence et la domination subséquente du capitalisme. On pourrait prolonger l'analogie en parlant des guerres guerres du XXè et du XXè en Europe, qui furent les plus meurtrières de l'histoire de l'humanité, comme un produit du progrès de la laïcité. Ce serait certes abusif de masquer le caractère impérialiste de ces guerres, qui en est la caractéristique dominante j'en conviens, mais le biais de la laïcité n'est peut-être pas non plus entièrement dénué d'objet et pourrait mérité d'être considéré, tant qu'à y être !
Il en va de même du discours d'actualité trop convenu qui est le vôtre en ce qui concerne l'islam, d'une part, et les circonstances qui ont donné naissance aux excès qu'on lui reproche et à sa soudaine et inexpliquée (?) puissance militaire et idéologique dans le monde, d'autre part. Les raccourcis habituels sont de chercher et de trouver dans la doctrine plusieurs fois centenaires la cause du mal. Or, comme l'ont montré le massacre de la St-Barthelémy et les guerres plus proches de nous, et là je vous réfère à Karl Marx jamais contredit sur ce point, la superstructure est déterminée par la base économique.
Si vous référez principalement au Coran, c'est vous qui en faites une affaire de religion, faut-il remarquer, vous privant par là de la possibilité de lire le dessous des cartes.
J'évoquerai rapidement quelques faiblesses, que plusieurs sur Vigile et non les moindres reproduisent aussi un peu trop machinalement, sans trop se poser de questions.
1- Pour une société laïque, il faudra cesser de dissimuler la présence insidieuse du religieux sous forme de la marque cachère sur des milliers de produits dans nos supermarchés. Une taxe rabbinique discrète dont, selon certaines sources, une partie retourne en Israël, un État violent et pas laïc du tout. Cette dissimulation est assez répandue, elle dénote un manque d'objectivité et laisse planer le doute d'un parti pris religieux sur les défenseurs de la laïcité à deux vitesses et leurs motifs.
2- Votre article refuse de prendre en compte la manipulation par les États-Unis et par Israel le pistonage du fondamentalisme islamique afin de servir dans un jeu trouble ses propres objectifs géopolitiques. Et il ne prend pas en compte l'appui du monde occidental, des USA et de l'OTAN qui soutient notamment l'Arabie saoudite et d'autres pays rétrogrades qui sont une cause identifiée du terrorisme et de la propagation d'une lecture radicale du Coran (Wahhabisme et takfirisme). Les populations des pays qui se plaignent du radicalisme musulman ne devraient-ils pas regarder d'abord du coté de leurs propres dirigeants politiques qui ont soutenu et continuent de soutenir en sous-main son émergence ?
3- L'article fait également silence sur l'omerta qui règne sur les politiques d'immigration adoptées «par hasard» et sans consensus populaire par les pays occidentaux, politiques qui semblent être pour ce qui est du cadre général assez communes à tous les pays de l'OTAN. On voudrait délibérément diviser la population qu'on ne s'y prendrait pas autrement.
4- Pour les accusations contre l'Iran, il faut savoir que la révolution islamique en Iran a été une révolution contre le Shah d'Iran et son rôle de marionette de l'impérialisme américain. L'Iran ne poursuit pas une politique impérialiste ou terroriste à l'extérieur mais combat aujourd'hui l'État islamique (DAESH) de manière plus cohérente que les grands pays occidentaux, comme l'Iran s'était défendue à l'époque contre l'agression de l'Irak de Saddam Hussein soutenu par les États-Unis.
Je ne vous attribue naturellement aucune mauvaise intention mais il serait intéressant de lire de temps en temps sur Vigile autre chose que ce qui nous est donné de lire partout et tout le temps. Un esprit critique plus aiguisé pour traiter de ces question ne nuirait certainement pas.
Archives de Vigile Répondre
24 février 2015En lisant votre texte Me Neron et chaque fois que l'on commente le Coran, cela me rappelle un documentaire qui m'a profondément marqué et qui avait été diffusé à Télé - Québec il y a quelques années:"Mein kampf, c'était écrit".Ce documentaire d'une durée d'une heure raconte l'aveuglement dont ont fait preuve les démocraties face à l'idéologie nazi. Une partie de cet aveuglement était l'absence d'une traduction fiable de ce livre. Somme - nous aujourd'hui placé dans la même situation face à cet autre livre, le Coran? Cette question me hante. Vous avez parfaitement raison d'affirmer que l'on doit avoir la curiosité de lire le Coran mais encore faut - il en avoir une traduction fiable et en ordre chronologique. Une telle édition existe - elle? J'attends vos suggestions.
Archives de Vigile Répondre
24 février 2015On devrait obliger tout le monde à lire le coran et les hadiths. Ainsi les gens pourraient enfin comprendre que l'islam est une religion d'amour et de paix. Aime mon dieu et tu auras la paix.....sinon, gare à toi infâme mécréant.