La partition

Et si le Canada reconnaissait la déclaration d'indépendance du Kosovo en l'interprétant comme étant la partition d'une ancienne entité de la Yougoslavie !

Chronique de Louis Lapointe


Et si le Canada reconnaissait la déclaration d'indépendance du Kosovo en
l'interprétant comme étant la partition d'une ancienne entité de la
Yougoslavie !
Il en ferait alors un précédent pour la partition du Québec advenant une
éventuelle séparation de celui-ci. Cela serait cohérent avec la
reconnaissance antérieure de la nation québécoise par le gouvernement
Harper dont le caractère ethnique est toujours demeuré ambigu au sein du
Bloc Québécois et du mouvement souverainiste à cause d’une division entre
les tenants d’une nation civique et ceux d’une nation ethnique. On voit
maintenant le danger que constitue la position de nombreux nationalistes
québécois, dont l’idéologue Mathieu Bock-Côté, à l’effet que la nation
québécoise est avant tout ethnique et non pas civique.
Suivant cette nouvelle théorie de la partition ethnique, s’appuyant sur le
précédent du Kosovo à laquelle se rangerait probablement Stéphane Dion, il
existerait au Québec deux nations ethniques, celle formée par les Québécois
de souche et celle des Canadiens d’appartenance, comme il y avait en Serbie
des Albanais et des Serbes. Dans cette perspective, la situation du Québec
se comparerait à celle de la Serbie et celle du sud-ouest du Québec, au
Kosovo.
Pour les défenseurs de cette nouvelle théorie, il y aura maintenant un
précédent pour défendre à l'échelle internationale l’idée que si on peut se
séparer d’une ancienne République de l’ex-Yougoslavie, on peut également se
séparer d’une ancienne province du Canada. Il ne faut surtout pas oublier
que la fédération canadienne est perçue à l’échelle mondiale comme étant un
modèle de décentralisation. Ce n’est un secret pour personne, le Québec est
déjà considéré à plusieurs égards comme étant un État autonome au sein
d’une confédération très décentralisée.
Rien ne nous empêche d'imaginer qu'un groupe de partitionnistes puisse
présenter une demande de renvoi à la Cour Suprême au sujet d’une
hypothétique partition du sud-ouest du Québec dans l’éventualité d’une
séparation du Québec. Nul doute que la Cour Suprême du Canada pourrait
rendre un jugement plus nuancé qu’elle ne l’aurait fait auparavant, en
s’inspirant du précédent ethnique du Kosovo.
Ce ne serait pas la première fois qu'on subdiviserait le territoire
québécois en contexte de droit international et constitutionnel. Si on a pu
céder auparavant le Labrador à Terre-Neuve à l'occasion de son entrée dans
la fédération canadienne, qu'est-ce qui empêcherait la Cour Suprême
d'accorder la succession de la province du Québec au sud-ouest du Québec
partitionné?
Il ne serait donc plus uniquement question de partition, mais plutôt de
succession d'une province déjà existante sur un territoire partitionné.
Suivant cette dernière hypothèse, le sud-ouest du Québec demeurerait la
dixième province du Québec, la partition du reste du Québec étant une
condition suspensive à l’éventualité d’une déclaration d'indépendance.
Ce serait donc les indépendantistes québécois qui enclencheraient le
mécanisme de partition en déclarant l’indépendance sans que cela affecte
pour autant la survie de la dixième province canadienne circonscrite au
sud-ouest du Québec et majoritairement occupée par d’anciens Québécois
d’appartenance canadienne. Il y aurait deux Québec, comme il y a plusieurs
Congo, et il y aurait une nation ethnique québécoise habitant un de ces
territoires comme le défend avec tant de ferveur Mathieu Bock-Côté.
Ce ne serait pas la première fois que la Cour Suprême inventerait une
nouvelle théorie constitutionnelle défavorisant le Québec. D’ailleurs,
c’est une tendance lourde depuis l’abolition de tout recours au Conseil
privé de Londres.
Louis Lapointe

Brossard

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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