L'économie ontarienne a été frappée par une combinaison de facteurs que la Banque Toronto-Dominin a qualifiée de «tempête parfaite» : un huard fort qui fait mal aux manufacturiers, une industrie automobile en perte de vitesse, une concurrence accrue venue de l’étranger (de la Chine, particulièrement), et une flambée des prix énergétiques. Sans compter une immigration massive, concentrée à Toronto, qui tombe dans la pauvreté. (Photo The Globe and Mail)
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Personne au Québec (ou n'importe où ailleurs au Canada) n'a jamais versé une larme pour l'Ontario.
Chaque Canadien s'entend sur une chose: l'Ontario est riche, opulent et la province contrôle directement ou indirectement l'économie et la politique canadiennes. Bay Street est synonyme de richesse, d'argent et de pouvoir.
Il y a longtemps, Toronto a éclipsé Montréal et la ville est devenue le plus important centre économique du pays. La plupart des éléments de la capitale fédérale se trouvent à Ottawa, en Ontario. L'industrie automobile tourne en Ontario. C'est là que l'on retrouve également trois des cinq universités canadiennes les mieux cotées: Toronto, Western et Queen's. (Les deux autres sont McGill et l'Université de la Colombie-Britannique.) L'Ontario est encore riche comparativement à la plupart des autres provinces, le Québec inclus.
Et pourtant, l'Ontario pâtit. Lentement, sur de nombreuses années, les infrastructures de base de la province se sont détériorées. Au cours de la majeure partie des 20 dernières années, le gouvernement provincial a présenté un déficit. Récemment, l'économie ontarienne a été frappée par une combinaison de facteurs que, dans un récent rapport, la Banque Toronto-Dominion a qualifiée de «tempête parfaite».
Ces facteurs sont les suivants: un huard fort qui fait mal aux manufacturiers, une industrie automobile en perte de vitesse, une concurrence accrue venue de l'étranger (de la Chine, particulièrement), et une flambée des prix énergétiques.
La Banque Toronto-Dominion aurait pu ajouter un autre facteur: une immigration massive qui ne marche plus bien parce que de trop nombreux immigrants tombent maintenant dans la pauvreté et y restent. Étant donné que Toronto accueille à elle seule 43% des immigrants au Canada chaque année, lorsque l'immigration ne marche pas, la ville, et par extension, la province, connaît des ennuis.
Le Québec doit aussi composer avec une devise canadienne forte. La province doit également faire face à la concurrence internationale. Mais grâce à son abondante hydroélectricité, le Québec n'a pas à payer la facture de plus en plus salée que doit régler l'Ontario pour son électricité. Sa grande industrie manufacturière n'est pas aussi sensible à des prix de l'essence élevés comme c'est le cas pour l'industrie automobile en Ontario.
Le Québec et l'Ontario sont en recul par rapport aux trois provinces de l'Ouest: la Colombie-Britannique, l'Alberta et la Saskatchewan. L'essor dans le domaine des produits de base (le pétrole, le gaz naturel, la potasse, l'uranium) alimente une excellence croissance économique dans ces provinces qui éclipse de loin ce que peuvent connaître le Québec ou l'Ontario. La croissance est particulièrement vive en Saskatchewan au moment où les prix des produits agricoles grimpent et où la demande de potasse croît.
Différence fondamentale
Il y a toutefois une différence fondamentale entre le Québec et l'Ontario. Le Québec continue de recevoir de forts paiements de péréquation de la part d'Ottawa, paiements financés en transférant de l'argent des contribuables de l'Ontario et des autres provinces riches. De plus, il existe des dizaines d'autres programmes fédéraux conçus pour transférer de l'argent des régions plus riches du Canada aux plus pauvres, l'exemple classique étant l'assurance emploi.
Tant que l'économie ontarienne était vigoureuse, ni le gouvernement de l'Ontario ni les contribuables ne s'en faisaient trop à propos de tout l'argent transféré hors de la province. Les Ontariens étaient «canadiens» d'abord, «ontariens», ensuite. Ils souhaitaient un pays uni et ils savaient que leur province tirait parti d'être en mesure de vendre ses produits dans toutes les régions du Canada.
Aujourd'hui, cependant, la patience est à bout. Le premier ministre Dalton McGuinty a repris à son compte, en les amplifiant, les plaintes des premiers ministres précédents à propos du traitement injuste. Et presque tout le monde dans la province a été sous le choc en apprenant que le rapport de la Banque Toronto-Dominion prévoit que si la tendance actuelle se poursuit, l'Ontario recevra des paiements de péréquation dans deux ans.
L'Ontario recevant des paiements de péréquation! Imaginez. La raison tient principalement à quelque chose que le Québec (et quelques autres provinces aussi) a demandé. Le Québec a demandé que les revenus de toutes les provinces soient pris en compte pour déterminer les paiements de péréquation et non pas ceux de cinq provinces seulement, comme c'était le cas auparavant. Un compromis est intervenu: on utiliserait les revenus de 10 provinces, mais en incluant seulement la moitié des revenus tirés de ressources non renouvelables (le pétrole).
À la suite de la flambée des prix pétroliers, l'Alberta a tellement d'avance sur les autres provinces que même en incluant seulement la moitié de ses revenus pétroliers dans la formule de péréquation, il en résulterait que l'Ontario pourrait avoir droit à des paiements.
L'absurdité ultime dans le fait que l'Ontario puisse recevoir des paiements de péréquation tient à ceci: les paiements viennent du gouvernement fédéral et ils sont versés aux gouvernements provinciaux, mais l'argent vient en partie de ce que versent les contribuables à Ottawa. Étant donné qu'Ottawa tire tellement d'argent des contribuables ontariens, une partie de l'argent que le gouvernement de l'Ontario pourrait recevoir dans le cadre du programme de péréquation viendrait des contribuables de la province même.
La Banque Toronto-Dominion estime qu'environ 20 milliards par année vont des poches des contribuables ontariens vers d'autres régions du Canada. Ce qui enrage l'Ontario, c'est de voir cet argent prendre la direction de la Nouvelle-Écosse pour réduire les taux d'imposition des entreprises sous celui de l'Ontario, ou de voir cet argent aller au Québec pour financer des garderies à 7$ par jour ou des droits de scolarité les plus bas en Amérique du Nord, des politiques que l'Ontario n'a pas les moyens de se permettre.
L'Ontario a été la poule aux oeufs d'or pendant longtemps au Canada et ne s'est jamais plaint. La poule maigrit en ce moment et elle commence à se plaindre.
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Jeffrey Simpson
L'auteur est chroniqueur politique au Globe and Mail, à Toronto.
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