Malgré la fin de la campagne qui approche, plusieurs sont encore indécis et se demandent s'ils suivront ce que leur dicte la rationalité ou l'émotion. Voter pour une équipe et un programme ou contre un candidat? Dans ce contexte, il n'est pas inutile de rappeler certains faits susceptibles de ramener la raison aux commandes.
La montée rapide de l'ADQ a surpris. Avant la campagne, le parti de Mario Dumont survivait de peine et de misère, et peu de Québécois s'intéressaient à son programme, encore moins à son équipe.
Ce qui s'est passé depuis s'explique après coup. D'un côté, Jean Charest n'est jamais parvenu à regagner la confiance de l'électorat, qui s'en était éloigné dès la fin de la première année de gouvernement. De l'autre, André Boisclair peine toujours à s'imposer comme chef des forces souverainistes. Or, comme ni l'un ni l'autre n'ont su se démarquer sur le plan des idées et des engagements électoraux alors même que la question nationale était reléguée à l'arrière-plan, ni les fédéralistes ni les souverainistes modérés ne se sentent aujourd'hui liés par leur appartenance à l'une ou l'autre option constitutionnelle.
C'est dans ce contexte particulier et certainement passager que l'ADQ est parvenue à s'imposer aux yeux de certains comme une force du changement en accusant ses adversaires de perpétuer un statu quo défavorable aux jeunes familles, aux travailleurs des régions et à ceux qui se sentent menacés par les transformations rapides de cette société. Fidèles au slogan «Tasse-toé, mon oncle!», les électeurs qui choisissent l'ADQ sont moins touchés par son programme, dont ils n'ont qu'une vague idée, que par la satisfaction de donner une leçon aux «vieux partis», qu'ils traitent de menteurs.
D'ailleurs, on comprend aussi pourquoi certaines propositions de l'ADQ plaisent à une partie de l'électorat. Par exemple, la promesse de verser 5200 $ par enfant aux familles qui ne profitent pas des CPE. Ce n'est peut-être pas politiquement correct de voir des limites à notre système de garde, mais il y a pourtant iniquité de traitement entre les 200 000 enfants qui profitent de l'aide quotidienne de l'État et les 170 000 autres qui n'ont rien. Et lorsque c'est la voisine qui garde l'enfant, le même État refuse de reconnaître la dépense sous prétexte d'encourager le travail au noir. Une bêtise que les bien-pensants doivent avoir l'humilité de reconnaître et à laquelle M. Dumont apporte un remède qui a le mérite de la simplicité.
Mais par-delà ces facteurs qui alimentent la grogne populaire et le bassin d'admirateurs de Mario Dumont, le programme de ce parti et surtout son cadre financier ne tiennent pas toujours la route. Jamais l'abolition des commissions scolaires ne permettra d'économiser un seul dollar, bien au contraire: ce type de changement radical coûte toujours plus cher qu'il ne rapporte. De la même façon, toutes les expériences prouvent que les programmes d'incitation au travail et de formation pour les assistés sociaux coûtent davantage que les économies réalisées. Et que dire de la réduction de 560 millions de dollars des dépenses publiques alors qu'il est admis qu'il faut renflouer les universités, embaucher des infirmières et des médecins, créer des places dans les centres d'hébergement et rehausser la qualité des soins à domicile? Dans ces domaines et dans bien d'autres, le Québec accuse un retard qu'il est illogique de penser pouvoir rattraper... en comprimant les dépenses.
Le discours de M. Dumont est réducteur, mais il séduit une minorité considérable d'électeurs. Contrairement à ses adversaires, le chef de l'ADQ a appris à toucher son public. En revanche, il faut constater que très peu d'éléments du programme n'ont jamais été expérimentés, surtout pas la «réingénierie» de l'État et les compressions budgétaires. Entre la raison et l'émotion, la première reste la meilleure conseillère.
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