Éditorial de l'Action Nationale

La réponse est dans l'audace

Mai 2013

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Pour exorciser les effets de l'affligeant spectacle de Québec Inc affalé, une grande corvée nationale...

Les ingénieurs ont été les véritables icônes de la Révolution tranquille. Compétence, audace, confiance en soi et goût de bâtir, les cohortes qui ont forcé le jeu, qui ont fait mentir l’establishment anglais, qui ont renversé les cartels des ressources naturelles et donné à la nationalisation de l’hydroélectricité le supplément d’âme qui a propulsé dans l’épopée les grands projets de la Manicouagan, ces cohortes n’auront-elles eu de descendants que des parvenus ingrats ?
L’affligeant spectacle de la commission Charbonneau nous donne à voir ce qu’il est advenu de ce Québec inc qui s’est affalé. Des fleurons qui sont tombés aux mains de voyous sûrs de leur fait, fiers de leur forfaiture et tout fats de vénalité satisfaite. C’est toute une galerie de personnages qui n’en finissent plus d’élargir les motifs d’indignation devant le saccage des institutions. Le tout n’est pas terminé, mais l’on sait par cœur l’argument de la pièce, les ressorts de ce vaudeville sinistre : des pans entiers de notre élite économique et politique ont fait main-basse sur du bien d’héritage.
On n’aurait pu imaginer plus fort symbole du naufrage qui menace. La figure iconique s’est retournée contre ceux-là qui l’ont vénérée. La désaffection politique, une conscience nationale en lambeau et un climat de cynisme irresponsable ont établi le contexte. Et l’on prend mieux la mesure de ce que signifie cesser de servir le Québec. Ces barons du patronage auront incarné ce qu’il y a de plus désolant dans la dérive nationale. Ils sont devenus les vivants symboles de notre enlisement dans une médiocrité qui n’aura d’égale que les grosses cabanes prétentieuses qu’ils sèment orgueilleusement dans les banlieues cossues dont ils ont fait leurs fiefs.
Ce sont les plus puissants agents de folklorisation du Québec. Leurs témoignages font d’ores et déjà resurgir un certain Québec honteux de lui-même. Qui n’a pas entendu, s’il ne l’a lui-même pensé, que de pareilles histoires ont sans doute aussi souillé Hydro-Québec, perverti des bureaucrates de Desjardins, corrompu des analystes à Investissement Québec ? Qui ne craint pas que notre État, le seul levier sous notre contrôle pour sécuriser un tant soit peu notre destin, ne soit plus devenu qu’une agence de dissolution des consciences et de dilapidation de l’héritage ?
Tel est bien, là, le pire des périls : le dégoût de la politique que ces odieux personnages inspirent, les dégâts qu’ils laissent vont continuer de l’inspirer. Et fournir une matière fétide à ceux-là qui ont toujours pensé que nous ne sommes pas capables, qu’il nous faut un régime canadian pour nous protéger de nous-mêmes, que nous ne sommes qu’une minorité névrosée perdue dans ses rêves messianiques.
Une matière que les adversaires du Québec ne se gêneront pas de pétrir et qui ne manquera pas de fournir des alibis à tous ceux et celles qui ne veulent plus voir dans notre existence nationale qu’un accablant fardeau dont il faut se délester. La conjoncture politique risque fort de rester longtemps dominée par les réflexes de rejet de la politique et le retour d’un certain refoulé qui, hier encore, en détournait plusieurs de la question centrale de la nécessité de compter sur un État fort.
Nous aurons beaucoup de mal à nous en remettre. Malheureusement, nous aurons plus de facilité à nous habituer. Ce sera une pente si naturelle pour un petit peuple qui s’entête à minimiser ses pertes et à s’accommoder de la faiblesse de ses notables. La honte nous colle si facilement à la peau. La tentation du rapetissement, le consentement à vivre en pilant sur soi est si omniprésent. Le refus du politique pour mieux se laisser ballotter par la politicaillerie, voilà la pente où il sera facile de glisser collectivement pour mieux se justifier de tourner le dos à l’engagement, à la responsabilité citoyenne.
Nous aurons donc à lutter sur deux fronts : contre nos démons intérieurs et contre un régime qui profitera de la vulnérabilité à laquelle ces scandales nous exposent. Ce n’est donc pas de moins de politique que nous aurons besoin, mais d’une politique plus forte, plus intense. Nous aurons besoin de remobiliser, de reconquérir le terrain démocratique. Et cette reconquête ne sera rien d’autre que la relance du combat national, le seul moyen, comme l’a bien montré Pierre-Paul Sénéchal, de contrer le désamour du Québec qui unit ces deux forces adverses.
Le redressement national est possible. Et nous le réussirons si nous cessons de nous consoler avec la pensée molle, de nous leurrer avec la complaisance. Nous devrons regarder en face les exigences de la rupture et de l’arrachement qu’elle exige avec ce qui, dans notre culture politique aussi bien que dans notre psychologie collective, pervertit jusqu’à notre conscience d’exister. Nous devrons nous forger une intransigeance à l’égard de nos propres rêves et en finir avec la rêvasserie de compensation qui sert tous les alibis. Le nettoyage des institutions et l’assainissement des mœurs et de l’éthique du service public ne se feront cependant pas dans le discours. C’est dans l’action historique que ces choses se règlent.
Cela pourra se faire avec de grands projets mobilisateurs. Des projets qui miseront sur ce qu’il y a de meilleur dans notre société et qui donneront des réalisations qui inspireront fierté et sentiment d’accomplissement. Des projets qui incarneront, autant qu’ils les forgeront, les solidarités qui pourraient nous donner les moyens de dénouer les fils dans lesquels la démission et l’indigence morale et intellectuelle nous ont enfirouapés. Ce pourra être long comme cela pourrait surgir en un sursaut exaspéré. Les circonstances peuvent parfois déclencher des mouvements qui, autrement, ne se construisent que dans la patience entêtée. Notre aptitude collective à rebondir pourrait bien nous surprendre nous-mêmes.
Une chose est certaine, la prochaine page de notre histoire ne s’écrira que dans l’audace d’agir enfin pour plus grand que notre condition. En franchissant ce que Pierre Vadeboncoeur, en d’autres temps troubles, a défini comme la ligne du risque. Notre peuple n’a jamais été aussi instruit, il n’a jamais eu autant de moyens, rien ne le condamne à se faire lui-même l’instrument de son déclin. Rien ne devrait le réduire à la faiblesse morale et à ce que Colette Moreux a si durement qualifié de « pratique tranquille du non-sens ».
La confiance ne se rebâtira que dans l’action inspirée par des promoteurs qui en appelleront au dépassement et qui sauront voir dans les contraintes non pas des raisons de se résigner, mais de formidables défis pour notre volonté de vivre. Une Politique nationale pourrait le faire. Une grande corvée pour en finir avec cette part d’ombre en nous-mêmes qui nous annule jusqu’à justifier le consentement à l’autodissolution, cette grande corvée s’impose. Elle nous propulsera en avant, nous fera rompre aussi bien avec le régime qu’avec ce qu’il produit de délétère dans l’intériorisation de la dépendance et du doute sur soi-même.
Seule une telle Politique nationale pourra nous éviter de tituber dans notre destin avec le pas incertain que la culture de l’échec nous a imposé avec les défaites que nous cuvons comme un vin mauvais. La régression historique qui menace ne se fera pas dans l’allégresse. Elle fera de nous un peuple nauséeux, étourdi de se voir, étourdi de s’étourdir pour ne plus se voir. À moins que du fin fond de l’hiver ne vienne comme une envie de bâtir, comme une envie de se sentir exister dans ce que le poète Pierre Morency a si bien nommé : la froide merveille de vivre.

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Robert Laplante173 articles

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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.

Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    20 mai 2013

    Il nous faut aussi de nouveaux modèles pour remplacer ceux de l'élite pourrie qui s'est illustrée dans les affaires et dans la politique. Et -le pire, nous n'avons pas fini d'en voir. S'il fallait que l'on passe d'une commission d'enquête dans le domaine de la construction à d'autres domaines d'activités: immobiliers, finances, informatiques, on trouverait sans doute le même degré de corruption et de vols du bien public. A-t-on encore une élite honnête et intègre, digne de notre confiance?
    Il fut un temps où l'on en avait dans le domaine des sports, aujourd'hui ce n'est plus le cas. Quand naît un modèle digne de ce nom, on s'empresse de l'assassiner, dirait-on, pour démoraliser le peuple.

  • Chrystian Lauzon Répondre

    19 mai 2013

    Monsieur Laplante,
    Vous dites : « Notre peuple n’a jamais été aussi instruit, il n’a jamais eu autant de moyens, rien ne le condamne à se faire lui-même l’instrument de son déclin. »
    Votre envolée patriotique est bien littéraire. À 49% d’analphabètes au Québec (et autant de votants perdus qui peuvent difficilement cocher oui plutôt que non à l’indépendance), il vous suffit de peu de vent pour planer plus haut que les nuages.
    Et quand vous dites d’un même élan d’insouciance verbale que le peuple « n’a jamais eu autant de moyens », vous ne parlez sûrement pas de moyens d’information : Télé-Québec, notre télé nationale maintenue en état d’inertie par des libéraux ingénieurs du privé au contrôle, demeure dans la dormance d’une imébécilisation programmée genre « Les appendices » au lieu d’être utilisé stratégiquement en émissions d’affaires publiques, bulletins de nouvelles et pubs contrecarant celles que Harper y diffuse en boucle en tordant notre histoire en tous sens.
    N’est-ce pas vos amis patriotes du PQ, Marois et Maka Kotto qui pemettent à cette propagande de nous acheter éhontément, pour des motifs marchands néolibéraux qui asservissent ceux auxquels vous prétendez.
    Vous de l’"ACTION" nationale devriez vous regrouper autour du texte qu’un de vos membres a produit pour redresser l’Histoire en rectifiant les faussetés répandues par Harper et « achetées » par Télé-Québec sur la guerre de 1812. Vous pourriez demander qu’une pub promotionnelle de l’indépendance rectifiant les déformations de cette histoire (tout en valorisant d’autres faits historiques mettant à l’honneur un Québec debout) soit subventionnée par ce PQMarois et diffusée sur nos ondes nationales par son supposé patron inactif Maka Kotto.
    Même ses pubs, sans conviction, à Pauline n’ont pu être télédiffusées sur le réseau national pour contrer celle de Harper contre le Québec! Et vous nous dites en possession de nos moyens? Vous rêvez de plus haut que ma conscience mon cher monsieur!
    Au lieu d’une présence de FAITS, UNE POLITIQUE-PRÉSENCE en occupations stratégiques des institutions et services d’État, actions offensives, combatives, la gouvernance actuelle abandonne l'État aux projets affairistes, arrosés d'une souveraineté théorico-fictive au patriotisme copié sur le vôtre.
    Sans aucun média pour diffuser un minimum de vérité aux yeux du peuple, M. Laplante, nous sommes sans miroir réel de nous-même, nié par des fédéralistes qui nous submergent de désinformation galopante, tant à TVA qu’à SRC. Comment ignorer les plus récentes recherches en communication : le résultat d’une campagne électorale repose à 80% sur la couverture médiatique! L’information politique la moindrement objective commence hic et nunc, ça urge.
    Je crains que les propos que vous tenez soient une distraction qu’aucun de ceux que vous pensez viser ne prend au sérieux, sauf le dimanche pour exercer son alphabêtisme, entre deux placements à la bourse de Toronto.
    Les moyens servent encore l'argent, pas la Cause.
    Cristal de Paix

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mai 2013

    Nous savons maintenant que nous ne sommes pas un peuple vaincu,loin de là.
    Non seulement nous avons survécu dans des conditions hostiles en apparence plus qu'en réalité : nous avons progressé et de colons, nous sommes devenus un peuple et de peuple, nous sommes devenus une nation sans pouvoirs et finalement, une Nation avec pouvoirs et potentiel pour aller encore plus loin, jusqu'au statut reconnu d'État-nation.
    La route est toujours ouverte devant nous et c'est nous qui avons peur d'avancer.
    Seul dans l'Armée canadienne, je n'ai non seulement réussi à faire valoir nos "droits" mais davantage, alors que capitaine indépendantiste, j'ai réalisé ce que j'ai voulu réaliser sans que personne ne me nuise, sans tuer ni blesser ni même insulter personne.
    Il m'a suffi de prendre ce qui était là et que personne ne voyait.
    Et maintenant ma femme et moi vivons dans le fameux Manoir Westmount et avons tôt réalisé que la ville de Westmount nous tombe tranquillement dans les mains, sans bruit ni mesure délètère, ce qui est tout à notre honneur.
    C'est nous qui devons maintenant sympathiser avec les Anglos, qui savent que la partie est perdue pour eux. Je les invite à s'adapter à notre État qui s'en vient.
    "Faites comme la minorité suédoise en Finlande" que je leur dis.
    Après l'indépendance de la Finlande, d'abord de la Suède à cause de la Russie puis de la Russie à cause de la révolution bolchévique,cette minorité a appris le Suomen, la langue des Finlandais et a assumé d'importantes fonctions, rendant de grands services à l'État finlandais, ces Suédois de Finlande qui avaient beaucoup d'expérience en matière d'État.
    L'un d'eux, Karl Emil Gustav Mannerheim, devenu régent de Finlande, commanda avec des succès militaires et diplomatiques extraordinaires la défense de la Finlande contre les Russes pendant la seconde Guerre mondiale.
    Déjè des Anglos de Westmount ne s'identifient plus comme Canadians mais comme Québécois, prononcé en français comme nous le faisons maintenant.
    Alors qu'on lève la tête et qu'on avance jusqu'au bout de notre Histoire.
    JRMS

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mai 2013

    Quel beau texte, inspirant, poétique... Merci Monsieur Laplante, merci.