Dans la thèse de doctorat intitulée « De l’obsession sécuritaire européenne au besoin de prospérité maghrébin : plaidoyer pour un réel dialogue euro-maghrébin« , qu’elle a présentée et soutenue publiquement le 4 décembre 2008, Nora Méniaoui rapporte tout d’abord les propos tenus en 1992, par Abel Matutes, Commissaire européen alors chargé des relations avec le bassin méditerranéen :
« Sur le plan politique, nous devons mettre au point un nouveau concept, basé sur le passage d’une logique d’assistance à une logique de partenariat. Ce partenariat serait fondé sur une stratégie à long terme justifiée par la perception claire des intérêts communs et sur des engagements réciproques portant, de la part de la Communauté, sur un soutien résolu aux politiques d’ouverture et au développement économique, et, de la part du Maghreb, sur un engagement de mener à bien ces réformes, et d’avancer sur la voie de l’ouverture, notamment par le biais du libre-échange. » (page 7)
Le libre-échange… Voilà le grand mot lâché.
Et Nora Méniaoui de constater dès la page suivante : « Cependant, l’enthousiasme de l’époque s’est éteint face à la faiblesse des progrès. » (page 8)
En décembre 1997 déjà, Agnès Chevallier et Gérard Kébabdjian écrivaient sous le titre « L’euro- méditerranée entre mondialisation et régionalisation » :
« La Méditerranée est restée à l’écart de ce qui est apparu, au cours des dix dernières années, comme l’évolution la plus marquante de l’économie mondiale : l’émergence, en nombre de plus en plus important, de pays en développement dont la croissance s’est accélérée et dont l’insertion dans les flux commerciaux et financiers internationaux a fortement progressé. » (Cité par M. Méniaoui, page 241)
Nora Méniaoui ajoute, pour sa part :
« En effet, même si les pays maghrébins ont entrepris une libéralisation de leurs économies, par le biais de politiques d’ajustement amorcées au début des années 1980, leur insertion dans le marché mondial et plus particulièrement européen, s’avère encore timide; le revenu national brut a peu progressé depuis 1985 dans l’ensemble de la région ; les taux d’investissement restent insuffisants ; les échanges commerciaux ne sont pas assez diversifiés et très dépendants de l’UE ; l’assainissement macro-économique est fragile ; les flux financiers peu porteurs de développement et le commerce intra-zone quasiment inexistant. » (page 241)
Et dans une note du bas de cette même page, elle écrit :
« La plupart des accords commerciaux entre les pays méditerranéens ne se sont pas concrétisés, hormis l’accord commercial entre le Maroc et la Tunisie, et plus récemment le processus d’Agadir de 2002 (zone de libre-échange entre le Maroc, la Jordanie, l’Egypte et la Tunisie). De nombreux facteurs explicatifs peuvent être donnés de cette faible intégration, tels que le conflit israélo- palestinien, la fragmentation du monde arabe, le poids des économies de rentes, les rivalités nationales, les disparités des niveaux de développement… Ces pays demeurent déchirés entre un ancrage à l’économie européenne et leur appartenance au monde arabo-islamique. »
Retenons que les points de suspension sont bien de Nora Méniaoui, et qu’il est assez clair qu’ils mettent en valeur la raison essentielle que la phrase suivante annonce : le « monde arabo-islamique » résiste sourdement au libre-échange.
Ainsi, l’islamisme radical n’explique pas tout. Il n’est que le fer de lance d’une société arabo- islamique qui vit très mal les exigences que tend à lui imposer l’impérialisme occidental…
En frappant très fort sur le premier, il doit donc être possible de liquider les principales aspérités de l’islam qui interdisent cette dynamisation de la valeur d’échange qui doit permettre l’extraction de la plus-value dont se nourrissent les grands pays occidentaux au détriment du reste du monde.
C’est donc ici qu’il faut placer cette phrase de Nora Méniaoui :
« Appréhendée dans les cénacles de réflexion stratégique, issue indirectement des conséquences de la crise intra-européenne autour de la guerre en Iraq et approuvée en deux temps par les Vingt-cinq, la stratégie de sécurité de l’UE fut adoptée par le Conseil européen le 12 décembre 2003. » (page 25)
Nous apprenons ensuite que :
« L’UE se doit d’avoir recours à une conjugaison de ses moyens d’action, tant politique, qu’économique, policier, judiciaires ou militaire, pour atteindre ses objectifs stratégiques et pour s’attaquer à l’acuité des menaces nouvelles, qui suppose une « culture stratégique propre à favoriser des interventions en amont, rapides, et si nécessaire, robustes ». Propos qui se trouvent éclairés par cette citation reprise du document sur la stratégie de sécurité de l’UE adopté par le Conseil européen le 12 décembre 2003 : « En tant qu’Union constituée de 25 membres, qui consacre plus de 160 milliards d’euros à la défense, nous devrions être en mesure de mener plusieurs opérations simultanément. Nous pourrions apporter une valeur ajoutée particulière en concevant des opérations faisant appel à des capacités tant militaires que civiles ». » (page 34)
Et c’est encore en s’appuyant sur ce document, que Nora Méniaoui ajoute :
« Dans ce contexte, les implications politiques pour l’UE engendrent des « actions au plan politique, diplomatique, militaire et civil, commercial et dans le domaine du développement ». Les rapports de bon voisinage avec les Etats frontaliers, et leur stabilisation sont inclus dans ces actions concrètes et plurisectorielles : « il est dans l’intérêt de l’Europe que les pays situés à ses frontières soient bien gouvernés », d’autant que l’élargissement de l’Union va étendre sa sécurité, ayant « pour effet de rapprocher l’UE des zones de troubles ». La coopération économique et politique doit circonscrire les problèmes politiques que subissent ses voisins orientaux. » (pages 34-35)
Mes lectrices et lecteurs habituels auront reconnu la mise en oeuvre de la doctrine de Voltaire :
« La tolérance les armes à la main » et ce qui en est la forme définitivement améliorée : « Les droits de l’homme à coups de fusils« … Bravo !
Et ceci a pu être écrit par Nora Méniaoui dès 2008…
Il ne restait plus, alors, qu’à décider sur qui les premiers coups allaient tomber. Nous le savons maintenant : il s’agirait de la Libye de Muammar Gaddhahi. Ensuite, il y aurait la Syrie de Bachar el-Assad. Et maintenant ?…
À propos de Voltaire : http://voltairecriminel.canalblog.com
À propos de la Libye de Muammar Gaddhafi : http://www.francoisepetitdemange.sitew.fr
Sur la préparation de l’intervention en Libye : http://micheljcunysitegeneral.sitew.fr
Michel J. Cuny
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