La vraie nature du bloquisme

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Payne se trompe : l'indépendance n'est pas un souhait, c'est une somme. Il n'y aura pas de « Grand Soir » souverainiste : il faut construire l'État québécois un pas à la fois


En cette période électorale, çà et là dans le cercle des souverainistes fervents, on discutaille à savoir si le Bloc québécois « parle d’indépendance » suffisamment, s’il fait la « promotion » ou la « pédagogie » de cette option comme il devrait le faire, etc. Ce débat est nul et non avenu. Il existe sans aucun doute diverses bonnes raisons de voter pour le Bloc. Servir la cause indépendantiste, toutefois, ne fait pas partie de ces raisons, sinon que de façon extrêmement ténue et discutable.


Le Bloc n’est pas, en pratique, un parti indépendantiste. Son rapport à l’idée de l’indépendance est celui de la figure imposée ponctuelle sous forme de profession de foi sans suite. On a pu le constater pour la énième fois dans les récents débats des chefs, où le leader du Bloc s’est plutôt distingué par ses propositions en faveur d’un meilleur Canada. Il est normal qu’il en soit ainsi : à ce jour, jamais personne n’a imaginé ni promu une démarche de réalisation de l’indépendance qui émanerait d’un groupe parlementaire d’opposition au parlement d’Ottawa. Le Bloc, de ce fait, ne peut pas être indépendantiste, sauf dans le contexte très précis — et loin d’être en vigueur ces années-ci — d’un indépendantisme actif au pouvoir à Québec. Il doit, s’il veut être pertinent aux yeux de l’électeur, offrir un programme concret de participation, à la fois critique et constructive, au fédéralisme canadien. C’est précisément ce qu’il fait.


Bien sûr, des souverainistes voudront mettre un résultat électoral positif — ce qui semble apparaître à l’horizon, vu notamment les qualités d’Yves-François Blanchet et la faiblesse relative de ses concurrents, ainsi que la nouvelle synergie électorale et philosophique caquisto-bloquiste — au crédit de leur option politique.


Ce spin, comme toujours, n’aura pas beaucoup d’écho. Les Québécois qui appuient le Bloc, en dehors de la seule base très partisane, savent exactement pourquoi ils le font : pour se doter de la bonne vieille police d’assurance nationaliste à Ottawa. À cet égard, le chef du Bloc, comme Gilles Duceppe auparavant, rappelle constamment que tous, y compris les adversaires de l’indépendance, peuvent voter pour le Bloc puisque son rôle n’est pas de trancher la question nationale.


Ainsi, vingt-cinq ans de bloquisme post-référendaire, au fil desquels le Bloc a obtenu nombre de résultats électoraux spectaculaires, n’ont pas vu la cause indépendantiste avancer d’un iota. Qui plus est, le Bloc est, comme il l’a toujours été, l’allié indéfectible du péquisme, cette proposition de gouvernance provinciale qui a dévoyé le souverainisme jusqu’à son évacuation complète du débat public et sa désintégration en de multiples chapelles concurrentes qui n’ont en commun que d’avoir d’autres priorités que l’indépendance. Dans le démissionnisme forcené ayant produit ce navrant état des choses, le Bloc et le PQ ne font qu’un, encore et toujours.


Certes, les bloquistes peuvent dire — mais pas trop ! — qu’ils sont indépendantistes et que l’indépendance serait une bien belle chose. Mais leur travail concret, au quotidien, contredit l’indépendantisme en montrant qu’on peut faire fonctionner le Canada en y défendant correctement « les intérêts du Québec ». En conséquence, s’il est tout à fait légitime de chanter les vertus du Bloc et de souhaiter à ce parti le meilleur résultat électoral possible, le faire au nom de l’indépendance, toutefois, relève d’un réflexe incantatoire qui trahit la difficulté, immense et récurrente, qu’ont les indépendantistes à faire les remises en question qui s’imposent depuis si longtemps.









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