Le PQ d'André Boisclair donne l'impression d'un drone, ce véhicule aérien sans pilote qu'utilisent les militaires. Engins téléguidés, les drones rappellent ces jouets de luxe que pilotaient ainsi à distance, il y a, disons, trente ans, les enfants dont les parents avaient les moyens. On ne s'étonnerait pas d'apprendre que notre dédé aimait bien ce jeu qui permettait des sensations fortes sans souffrir plus qu'il ne le fallait lorsque le machin finissait par s'écraser. Le gouvernement américain étant particulièrement friand de gadgets, on ne s'étonnerait pas que le programme de leadership pour chefs étrangers, suivi à Harvard par Boisclair, comprenne ainsi un volet de « pilotage à distance » d'un parti politique.
Dans une telle ambiance, le commentaire politique ne vole pas haut et, dans le vide créé par l'ennui, n'importe quoi peut prendre une importance, pour peu que la mécanique de la presse contemporaine s'enclenche. Dans la lumière des flashs, les pions souverainistes se mettent alors à parler comme si leur opinion personnelle sur la pluie et le beau temps prenait une grande importance. Ils se précipitent dans le piège comme si on ne leur avait pas déjà fait le coup. Comme le corbeau qui laisse tomber son fromage devant le micro qui lui permet de faire entendre sa « belle voix ».
Le monde des médias de masse est conçu pour réguler l'information de telle sorte que le système actuel reste en place. Les seuls changements qu'il favorise sont ceux qui ne portent pas à conséquences importantes : les changements de garde, la chute et la montée de personnalités particulières, les scandales qui éclaboussent mais ne font pas de vagues... C'est la ronde des danses de la cour qui en est le centre et les images simplifiées du monde qu'elle se fait qui en agrémentent le décor. Quand le réel fait irruption dans ce monde, c'est la panique et l‘on appelle la garde de la rectitude pour corriger toute atteinte au bon déroulement du discours du trône.
Il se passe des choses graves à plusieurs niveaux depuis l'arrivée au pouvoir de Jean Charest. Des forces imposantes visent la dislocation de toute cohésion nationale et poussent le Québec à la périphérie de lui-même. Quelqu'un parle à sa place et quand il cherche à reprendre la parole, des chefs traditionnels, de l'espèce qui se vend cher à l'ennemi, le réprimandent vertement. Selon ces élites de pacotille, la démocratie doit être subordonnée au discours du trône. Les favoris du régime sont prêts à se prêter au jeu électoral selon certaines règles sonnantes, mais ceux qui remportent la course peuvent revenir au temps des cathédrales et du pouvoir arbitraire du monarque.
La lutte réelle, pendant ce temps, est menée sur toutes sortes de fronts qui ne font pas les manchettes. La prise de parole des citoyens sur le développement, un peu partout au Québec, fait son œuvre. On aura beau, dans la grosse presse, chercher à tout confondre en appelant « lobbies » les groupes de citoyens librement constitués, il y a dans le fait de prendre la parole devant ses pairs, selon les compétences que l'on peut apporter à la collectivité, le potentiel de lutte démocratique le plus prometteur. En fait, en redynamisant l'exercice démocratique, en réussissant souvent à contrer ceux qui veulent l'assujettir, ces groupes de citoyens montrent qu'ils ont ce qu'il faut pour constituer la base de notre réseau de lutte de libération nationale.
Il faut maintenant faire les liens qui s'imposent et refuser l'histoire gommée qu'on nous raconte. Les « conflits » sont des réalités, pas des caprices. Ils résultent du choc des volontés. Quand on met le genou à terre, quand on se met à disputer les siens, il n'y a plus de conflits, seulement l'oppression d'un groupe sur un autre et la collaboration honteuse des tuteurs désignés pour administrer le chaos d'une nation niée.
Toutes les luttes démocratiques en cours au Québec peuvent être comprises dans un cadre national. La lutte des citoyens contre le projet de port méthanier Rabaska en face de l'île d'Orléans, par exemple, ne concerne pas que les citoyens à portée d'explosion de gaz naturel liquéfié. Elle attire également l'attention sur le mépris que peuvent avoir de gros intérêts pour l'un des joyaux de notre patrimoine. Elle indique aussi à quel point ce qui ne semble qu'un projet aveugle et mégalomane de chevaliers d'industrie est en fait sciemment pensé pour contrer le développement économique québécois en obstruant le « passage étroit » de Québec d'un port démesuré au service de l'approvisionnement gazier des Etats-Unis.
Pendant ce temps, on l'espère, le drone prend des clichés. Malgré les barbelés montés sur des clôtures branlantes et les écrans de fumée diffusés à profusion, on doit bien voir d'en haut que la lutte en bas est enclenchée. S'il y a un mystère de Québec, c'est bien celui de ne pas voir ce qui saute aux yeux et s'exprime dans divers mouvements de révolte. Si la lutte à Montréal est diffuse et s'empêtre dans des méandres de choix politiques multiples, les choses sont plus claires pour nos camarades de la Capitale nationale d'une nation qu'on veut faire disparaître. La bataille des murailles des Loco Locass en témoigne :
Des deux côtés de la rive
Les regards se rivent
La tension est vive
On est sur le qui-vive
En attendant que l'inévitable arrive
Et quand de main de maître
On perce le périmètre
La clique rapplique
Les flics paniquent
Comme des yaks
Passent à l'attaque
et matraquent du tac au tac
Rak Tak !
C'est le saccage,
la bête est sortie de sa cage
On nage en plein Moyen-Âge
Casqué, masqué, l'escadron
Fond sur tous les flancs
comme un faucon sur un faon
« Mais pas question qu'on capitule !
Hardi, pardi ! Par ici la catapulte !
Sylvain Deschênes
sdcom@sympatico.ca
Chronique du vendredi
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