Langue française : mourir dans l’indignité

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Une résignation indigne





Vendredi dernier, le Commissariat aux langues officielles nous apprenait que le français était en danger au Canada.


«Apprenait»: le terme n’est pas le bon. Car nous savons depuis longtemps que la langue française, à l’extérieur du Québec, est condamnée à vivoter.


Mais lorsque le cri d’alarme vient d’Ottawa, c’est que la situation est encore plus grave qu’on ne le pense. Le Canada officiel a besoin des francophones comme bibelots pour se différencier des États-Unis.


Canada


Longtemps, il a travaillé à les faire disparaître culturellement. Maintenant, il tient les francophones hors Québec sous respirateur artificiel.


Convenons que les mauvaises nouvelles s’accumulent.


Par exemple, récemment, on nous disait qu’il est de plus en plus difficile de se faire servir en français dans les aéroports du pays. Surpris? Le Canada est un pays bilingue de langue anglaise.


On le constate aussi quand on regarde le cabinet fédéral, où il n’y a plus la moindre trace de ce qu’on appelait autrefois le french power.


Justin Trudeau lui-même est plus à l’aise en anglais qu’en français. D’une génération à l’autre, le Canada nous digère.


Au Gala des Junos, dimanche dernier, le français était absent. Comme d’habitude, certes. À la Chambre des communes, Mario Beaulieu, du Bloc Québécois, l’a fait remarquer à Mélanie Joly, la ministre du Patrimoine.


Cette dernière a fait semblant de rien.


On voit encore une fois que le Canada pousse les politiciens fédéraux à renier leur identité québécoise sans même s’en rendre compte. Cela leur permet de le faire sans gêne.


Même au Québec, la situation régresse.


En janvier, Statistique Canada annonçait une baisse effrayante de la proportion de Québécois de langue maternelle française. Elle était de 79 % en 2011. Elle sera entre 69 et 72 % en 2036. C’est l’effet de l’immigration massive.


La tendance lourde, c’est la dilution du poids des francophones dans le seul État où ils disposent d’une masse critique.


À Montréal, c’est déjà le cas.


Il faudra, si on veut renverser le déclin, renforcer la loi 101. Mais est-ce que ce sera suffisant pour sauver l’identité québécoise? La démographie pèse lourdement.


Car qu’on le veuille ou non, au cœur de l’identité québécoise, il n’y a pas seulement le français, mais la bataille pour le français.


Les nouveaux arrivants ne ressentent pas spontanément au fond d’eux-mêmes cette peur de disparaître comme peuple francophone. Nous-mêmes, nous la refoulons et ne voulons y voir qu’une peur archaïque.


Nous avançons vers le point de non-retour en sifflotant. On maquille même notre déclin en renaissance.


Non-retour


Montréal s’anglicise? On célèbre plutôt son bilinguisme créatif.


Le franglais s’impose chez les jeunes? On célèbre leur modernité et on les grime en citoyens du monde.


Le poids des francophones régresse au Québec? On célèbre la diversité croissante du pays.


On se fiche de notre perte d’autonomie dans la fédération? On y voit le signe d’une réconciliation canado-québécoise.


Ce jovialisme débile est peut-être une marque de sénilité collective.




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