Gaz de schiste

Le BAPE, le bébé et l'eau du bain

Laissons le BAPE faire son travail

Gaz de schiste


Michel Yergeau - Vice-président du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) de 1979 à 1984
Dans la foulée du dossier orageux des gaz de schiste, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) lui-même, chargé de tenir les audiences, se retrouve dans la tourmente et fait l'objet de bien des critiques et d'attaques en tout genre. Cela ne manque pas de m'inquiéter.
Je précise, avant de poursuivre, que j'ai occupé la fonction de vice-président du BAPE de 1979 à 1984, soit à partir du moment de sa création. J'aurai été, à l'instar de Michel Lamontagne, de Luc Ouimet et de bien d'autres, un de ceux qui auront mis le navire à l'eau. J'y demeure attaché.
Un des joueurs importants à cette époque était André Caillé, alors sous-ministre de l'Environnement. Ce qui m'amène à déboulonner une légende qui prend de l'ampleur: M. Caillé n'a jamais été contre la création du BAPE et il ne l'a pas combattue, contrairement à ce que veut cette légende. Mais il s'est montré bien souvent sceptique sur certains aspects du processus d'évaluation environnementale et de consultation publique, ce qui ne faisait à ce moment-là qu'enrichir le débat.
Le BAPE pas servile
Cela dit, un peu de placidité s'impose dans le dossier des gaz de schiste. Or, dans la structure de l'organisation gouvernementale du Québec, seul le BAPE est en mesure d'en faire l'examen public avec discernement et mesure. Et l'histoire nous apprend que le BAPE, à l'intérieur du cadre que la loi lui impose, n'est pas servile.
Que d'aucuns, dont les signataires d'une récente lettre au Devoir, pour lesquels j'ai le plus grand respect, remettent en question la portée du mandat donné au BAPE et la période de temps qui lui est octroyée pour s'en acquitter est compréhensible. Cela ne permet pas pour autant de conclure que le BAPE ne fera pas le travail adéquatement, n'analysera pas avec indépendance le dossier et ne tirera pas des conclusions utiles. Toute l'histoire du BAPE est ponctuée de telles contraintes, j'en sais quelque chose. Il n'y a pas de modèle unique en cette matière.
Ce n'est pas la première fois que le BAPE doit se saisir d'un dossier pris dans la tempête. Les porcheries, les déchets dangereux, la ligne de transport de Grondines, certains projets hydroélectriques en sont des exemples. Dans chaque cas, le rapport du BAPE a été une contribution utile à la réflexion collective et à la prise de décision par les élus. Parce que celle-là relève toujours de ceux-ci, faut-il le rappeler, en vertu de la loi.
Juger sur pièces
Que, cette fois-ci, le BAPE doive développer une nouvelle façon de travailler en conviant de nombreux experts, mais sans bénéficier au départ d'une étude d'impact sur l'environnement sur laquelle se fonder, pourrait s'avérer un précédent intéressant procurant plus de souplesse pour répondre au questionnement du public. Laissons-nous à tous la possibilité de juger sur pièces plutôt que de condamner à l'avance.
Je crains parfois que les critiques répétées à l'égard du BAPE ne mènent un jour à jeter le bébé avec l'eau du bain et à mener à croire que le BAPE n'a plus de rôle utile. Ce serait une erreur. Dans bien des contrées, on nous envie le BAPE. Après 31 ans de bons services et quelque 300 rapports, le BAPE a trouvé sa place et a démontré qu'on pouvait lui faire confiance, même si on peut à raison critiquer telle ou telle initiative de sa part ou encore le manque de profondeur ou de discernement de tel ou tel rapport.
Dans le débat des gaz de schiste, laissons-le travailler. Si en cours de route, le temps lui manque, qu'est-ce qui nous permet de croire que les membres de la commission, de concert avec son président, M. Pierre Renaud, ne feront pas les démarches nécessaires pour obtenir la rallonge de temps leur permettant de terminer adéquatement leur analyse? Rien. Et si les dangers excèdent les bénéfices, je n'ai aucun doute sur le fait que les quatre commissaires chargés de ce dossier le diront sans détour.
Quant à tous les intéressés, à commencer par les titulaires de permis d'exploration, il est à souhaiter qu'ils se mettent maintenant au service de la commission pour apporter avec sobriété les éléments de réponse aux importantes questions dont la commission du BAPE devra disposer. C'est ce rôle qui sera attendu des experts de tout bord qui seront conviés ou consultés par le BAPE. Le fait qu'une personne travaille au sein d'une organisation reliée à l'exploitation gazière ne lui fait pas perdre du coup sa qualité d'expert; seule son objectivité doit être contrebalancée par le point de vue de ses pairs. Mais, encore là, rien de cela n'appelle cris ou injures.
À l'issue du processus, je suis enclin à croire que le rapport qui en sortira sera utile à tous et à toutes, tant du côté des élus, qui ont malheureusement un peu contribué à faire naître la tourmente, que du côté des citoyens, inquiets à raison de savoir ce qui les attend.


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