Le Bloc Québécois et ses multiples scénarios

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Les carottes ne sont pas cuites





Si vous avez vu mes projections fédérales la semaine passée, vous avez peut-être remarqué que l’intervalle de confiance à 95% pour le Bloc (en termes de sièges) était plutôt large : entre 3 et 22 sièges.


Étant donné que ce parti ne présente des candidats qu’au Québec, il apparaît qu’il existe une grande incertitude pour projeter cette formation. Il ne s’agît pas d’un cas où je ne veux pas me mouiller ou prendre de risque. Non, le Bloc est dans une situation où ce parti peut en même temps espérer remporter la Belle Province (=remporter le plus de sièges) ou à l’inverse complètement disparaître avec 0 député.


Les autres partis ne font pas vraiment face à la même situation au Québec. Les Conservateurs sont retranchées dans les quelques circonscriptions qu’ils peuvent remporter (confortablement souvent) et ne peuvent varier qu’entre 8 et 17 sièges (malgré des intentions de votes similaires, c’est-à-dire aux alentours des 20%). Le PLC a un intervalle de 17-34 alors que le NPD peut fluctuer entre 18 et 44. Il s’agît du plus large intervalle. Mais les scénarios pour le NPD ne sont pas aussi extrêmes. On ne parle pas de terminer premier ou de ne remporter aucun comté. De plus, l’intervalle du NPD est large essentiellement car le Bloc peut varier considérablement.


J’avais déjà mentionné ceci il y a quelques mois de cela en portant un regard sur le choix de Mario Beaulieu comme chef du Bloc. Le Bloc, en étant à 20% en moyenne, se retrouve juste au seuil d’être compétitif dans bien des circonscriptions. Une bonne performance (et/ou une sous-estimation de la part des sondages) et ce parti peut espérer remporter un nombre non-négligeable de députés. À l’inverse, un scénario encore pire que 2011 n’est de loin pas impossible. Le tableau ci-dessous donne un aperçu de la situation du Bloc en 2011 et actuellement. Il montre surtout que ce parti est au moins dans la course dans un nombre important de comtés.




















 

Nombre de circonscriptions perdues ou gagnées par moins de 5%

Par moins de 10%

En 2011

5

9

2015 (proj)

17

32



 

 


Pourtant en 2011, le Bloc n’a en fait pas été dans la course bien souvent. Pour être exact, la formation souverainiste a remporté 3 de ses 4 victoires par moins de 5% et a perdu 2 comtés dans cette situation. Si l’on étend la définition de « course serrée » à une marge de victoire (ou défaite) de moins de 10%, alors on peut ajouter 4 comtés perdus de peu. La seule victoire confortable est venue de Jean-François Fortin dans Hautes-Gaspésie. Et ce candidat a quitté le Bloc après l’arrivée du nouveau chef (un effet dont il me faudra tenir compte dans le modèle, mais je l’ignore pour le moment). Et une autre députée du Bloc, Maria Mourani, a annoncé qu’elle représentera le NPD dans Ahuntsic. Donc vraiment, à première vue, la situation du Bloc est terrible (et je ne mentionne même pas ici les commentaires du future chef PQ, Pierre-Karl Péladeau -oh vous savez bien que ce sera lui !-, sur la pertinence de ce parti).


Alors, comment expliquer que les plus récentes projections ont ce parti avec une mince chance de remporter le plus de sièges ? Il y a essentiellement deux éléments de réponse. Tout d’abord, ce parti est en fait plutôt stable par rapport à 2011. Il y avait récolté 23% des votes contre 19-20% dans les sondages actuellement. J’avais d’ailleurs évoqué le choix de Mario Beaulieu comme une possible stabilisation pour les appuis au Bloc (au prix d’une croissance potentielle très limitée).  Deuxièmement, l’adversaire principal du Bloc, le NPD, a chuté fortement depuis la dernière élection, passant de 43% à un peu moins de 30% dans les sondages. Ainsi, on voit que si ceux-ci disent vrai, cela ne devrait permettre au Bloc que de récupérer au mieux les 6 comtés perdus par moins de 10% (13%-3%, soit la différence entre les deux baisses de ces partis ; c’est pourquoi le Bloc est projeté à 7-10 sièges en moyenne), mais pas davantage. Cependant, le Bloc est maintenant impliqué dans bien davantage de courses serrées.


Si l’on regarde les dernières projections, on voit que le Bloc est projeté avec 7 victoires (dont 5 par une marge de moins de 5%). Mais surtout, il y a 12 sièges que le Bloc perd par moins de 5% (et 15 autres sièges entre 5 et 10%). Ce que tout cela veut dire, c’est que si les intentions de vote actuelles devaient se maintenir, le Bloc serait dans la course dans près de 35 comtés, soit la moitié de la province. On est loin du temps où le Bloc dominait la province totalement,  mais avec un Québec fort divisé, cela pourrait être suffisant pour redevenir le premier parti de la province. Au-delà de ce titre honorifique, cela signifie surtout que si le Bloc se maintient là où il est (et cela est une autre histoire), ce parti pourrait avoir une influence importante sur la prochaine élection. Un Bloc réduit à 0 siège ou au contraire récoltant plus de 20 députés peut faire la différence entre le NPD finissant 2e ou 3e (ou 1er et 2e). Ou cela peut aussi faire en sorte que Justin Trudeau soit élu ou obtienne une majorité. L’impact est particulièrement important pour le NPD. En effet, la corrélation entre le nombre de sièges Bloc et NPD est la plus significatives, à -0.7. Les corrélations avec le PCC et le PLC sont proches de zéro (à l’inverse, le NPD est à la lutte contre tout le monde, y compris dans une moindre mesure avec les Conservateurs). Le destin du NPD est ainsi étroitement lié à celui du Bloc.



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