Le chantier naval Davie embauche en anglais

L’entreprise de Lévis peine pourtant à obtenir son certificat de francisation

9e461ead6aee220be6c8bdc0f0d9d88c

Avancez en arrière ! Retour aux années 1960





Sommé de se conformer à la loi 101 par l’Office québécois de la langue française (OQLF), le chantier naval Davie recrute ses dirigeants et professionnels presque unique­ment en anglais, a appris Le Journal. La connaissance du français n’est pas un prérequis, sauf exception.


La direction du chantier a fait appel à deux firmes pour recruter son personnel. Il s’agit de Dovekie Management Solutions, dont le siège social est à Halifax et Tundra Technical Solution, dont le siège social est situé à Toronto. Cette entreprise a un bureau à Québec.


Depuis le début de l’année, Dovekie cherche à pourvoir plusieurs postes au chantier naval de Lévis: gestionnaires, directeur de projet, surintendants, acheteur, expéditeur, analyste, directeur de production, ingénieur.


Elle cherche notamment un directeur de projet relié au contrat de 700 millions $ octroyé au chantier de Lévis par le gouvernement fédéral, appelé «Projet resolve».


L’offre d’emploi est rédigée exclusivement en anglais, a constaté Le Journal. Il en est ainsi pour tous les autres postes à pourvoir à Lévis.


La maîtrise de la langue française et de l’anglais est exigée uniquement pour les postes de superviseurs à la construction.


Le bilinguisme est «considéré comme un atout» pour le poste de gestionnaire du projet Resolve et pour les candidats aux «nombreux» postes de spécialistes en planification que Dovekie cherche à pourvoir à Lévis. Dovekie est d'ailleurs propriété de Stephen O’Brien qui est aussi vice-président exécutif chez Davie.


«Une erreur»


Le Journal a pris connaissance de trois offres d’emplois publiées par Tundra Technical Solutions inc., concernant le chantier Davie. Toutes sont rédigées en anglais.


Une erreur, a fait savoir le patron de Tundra, à Québec, Antras Arevian. «Tous nos postes doivent être affichés dans les deux langues», a dit M. Arevian.


Parmi les emplois affichés par Tundra pour Davie, la connaissance du français est exigée pour un seul poste, celui de «responsable de bateau». Dans les deux autres cas, ingénieur/technicien et coordonnateur de la sous-traitance, ni la connaissance du français ni le bilinguisme ne figurent parmi les exigences.


Ultimatum de l’OQLF


Depuis la reprise de ses activités, en 2012, Davie cherche à obtenir un certificat de francisation. En juillet 2015, l’OQLF sommait l’entreprise de se conformer à la Charte de la langue française, au plus tard, le 31 mai 2016, sous peine de recours.


Le personnel francophone qualifié se fait rare à Québec, dit Davie


Davie soutient avoir de la difficulté à recruter du personnel francophone qualifié dans la région de Québec même si le chantier naval de Lévis existe depuis 190 ans.


Les nombreuses demandes d’entrevue faites à la direction du chantier ont été rejetées. L’entreprise a choisi de nous envoyer une déclaration écrite, par courriel.


«Davie travaille fort pour recruter des employés qui s’expriment en français [...] Complètement fermé avant sa relance en 2012, le chantier Davie a de la difficulté à trouver des candidats locaux qualifiés dans tous ses secteurs d’activité, mais nous tentons de le faire jour après jour», a écrit Melissa Morisson, vice-présidente aux ressources humaines.


«Pas de Québécois compétents»


Le syndicat des employés de Davie s’inquiète de voir l’entreprise recruter du personnel en utilisant uniquement la langue de Shakespeare pour pourvoir aux postes de gestion.


«J’ai vu sur internet que les annonces sont toutes en anglais», a confié le président du syndicat, Raphaël Jobin. Le président dit avoir demandé des explications à la direction de Davie. «J’ai fait part de mes inquiétudes à l’entreprise. Ils nous répondent qu’il n’y a personne au Québec qui a les compétences pour faire les travaux qu’ils demandent», a rapporté M. Jobin.


Le syndicat dit ne pas pouvoir contredire les prétentions de la direction, mais reconnaît que ça ne facilite pas la tâche du chantier dans sa tentative de se conformer à la Charte de la langue française. «Ils n’ont pas l’air de faire les efforts nécessaires. Il n’y a pas vraiment de résultat», a dit M. Jobin.


Le président du syndicat se dit aussi préoccupé par «une apparence de conflit d’intérêts» impliquant un membre de la direction de Davie, Stephen O’Brien, qui dirige aussi Dovekie, chargée de faire du recrutement pour le chantier





  • Depuis novembre 2014, trois plaintes ont été portées à l’OQLF par un employé de Davie en raison de l’usage extensif de l’anglais sur le chantier.

  • En juillet 2015, l’OQLF donnait jusqu’au 31 mai 2016 au chantier Davie pour achever son programme de francisation.

  • Une représentante de l’OQLF est attendue au chantier mercredi.




 




Langue française: Québec a la Davie à l'oeil




Le gouvernement ordonne au chantier Davie de recruter son personnel en français et lui demande de compléter son processus de francisation d'ici le 31 mai 2016.


«Ce n'est pas une option, c'est une obligation d'afficher les postes (à pourvoir) en français (...) L'entreprise a reconnu son erreur, on s'attend à ce que ça ne se reproduise plus», a prévenu, mercredi, Luc Fortin, ministre de la Culture et responsable de la Protection de la langue française.


M. Fortin réagissait à un reportage publié dans notre livraison du jour révélant que le chantier naval de Lévis, qui peine à compléter son processus de francisation, recrute son personnel presque exclusivement en anglais. L'entreprise soutient avoir du mal à trouver du personnel francophone qualifié dans la région de Québec.


La maîtrise du français ne figure pas comme prérequis dans la majorité des emplois à pourvoir, a révélé Le Journal. Cette nouvelle est tombée le jour même où une représentante de l'Office québécois de la langue française (OQLF) débarquait au chantier Davie pour vérifier dans quelle mesure l'entreprise se conforme à la Charte de la langue française.


«Je me suis assuré ce matin qu'on allait réitérer cette obligation à la Davie (...) Ça (le recrutement du personnel en français) va devoir faire partie du processus de francisation. Il est important qu'on puisse maintenir la langue de travail, qui est le français au Québec. Ça sera à l'entreprise de le prévoir dans le processus de francisation», a insisté M. Fortin.


Les partis d'opposition à l'Assemblée nationale ont vivement réagi à la situation qui existe au chantier Davie. «C'est tout à fait inacceptable, c'est au gouvernement de prendre ses responsabilités, de procurer des ressources et d'appliquer la loi (...) de dire, au Québec, nous parlons français», a commenté le chef du Parti québécois Pierre Karl Péladeau.


Le chef de la Coalition Avenir Québec, François Legault, a pris la balle au bond suggérant lui aussi au gouvernement d'offrir des ressources à la direction du chantier pour l'aider à se conformer aux exigences de la loi 101. «Que ça soit à Québec, à Lévis ou ailleurs, on a besoin d'ajouter des ressources, et puis je pense que ça fait partie des responsabilités du gouvernement de fournir des cours de français (...) Il doit y avoir des ressources investies par le gouvernement, c'est payant économiquement (...) Il ne faut pas exclure de donner des cours de français en entreprise», a dit M. Legault.


La Société Saint-Jean-Baptiste a elle aussi dénoncé, la situation chez Davie. «On a l'impression de reculer un demi-siècle en arrière, à l'époque où les grandes entreprises canadian refusaient de confier leurs postes de haute direction aux French pea soups, considérés comme incapables de faire la job», a écrit le président Maxime Laporte dans un communiqué. Québec doit cesser de couper le budget de l'OQLF, a demandé Me Laporte.




Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé