Le courage des autres

Élection Québec 2012 - analyses et sondages



La plateforme électorale d’un parti politique ne reprend pas nécessairement de façon intégrale le programme qui est adopté en congrès par ses membres, mais on s’assure généralement qu’elle ne le contredise pas ouvertement. À la CAQ, on ne se soucie pas de ces détails.
En avril dernier, à Victoriaville, les délégués au congrès de fondation du nouveau parti avaient résolu de donner la priorité au remboursement de la dette. Une réduction de l’impôt des particuliers n’était pas exclue pour l’avenir, mais seulement « lorsque l’état des finances publiques le permettra ».
Il importe de « respecter le principe fondamental d’équité intergénérationnelle et ouvrir l’avenir des générations montantes », explique le programme caquiste. « Dans les circonstances qui sont les nôtres », le soulagement du fardeau fiscal imposé aux classes moyennes devrait donc attendre.
Que s’est-il donc passé en moins de quatre mois pour que François Legault soit maintenant en mesure de promettre aux contribuables de la classe moyenne une baisse de 1000 $ au cours des cinq prochaines années ? En avril dernier, l’abolition des agences de santé et des commissions scolaires, le ménage à Hydro-Québec, la réduction du coût des médicaments étaient déjà prévus. Pourtant, cela ne suffisait pas à financer une baisse d’impôt. Le chef caquiste dit miser sur les fruits de la lutte contre la corruption. Faut-il comprendre que Jacques Duchesneau aura aussi un droit de regard sur les finances ?
Comme Jean Charest l’avait fait en 2003, M. Legault publiera prochainement un cadre financier pour démontrer que cette promesse est tout à fait possible sans alourdir le déficit. S’il devient premier ministre le 4 septembre, mandatera-t-il à son tour un ex-vérificateur général qui découvrira - ô surprise ! - que le gouvernement précédent a laissé les finances publiques dans un état désastreux ?

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En mai 2007, François Legault avait voté contre la baisse d’impôt de 700 millions que M. Charest avait promis dix jours avant les élections du 26 mars. Soit, il s’agissait toutefois d’une opposition essentiellement symbolique, puisque seulement quatre députés péquistes avaient participé au vote, de manière à éviter de renverser le gouvernement minoritaire formé à peine deux mois plus tôt, mais M. Legault ne trouvait pas de mots assez forts pour dénoncer l’électoralisme irresponsable des libéraux.
Le premier ministre a raison de présenter le chef de la CAQ comme un fervent partisan des hausses d’impôt et de taxes depuis le début de sa carrière politique. À l’époque où il était ministre de la Santé, il avait publié un plan d’action qui aurait nécessité un alourdissement significatif du fardeau fiscal, mais le premier ministre Landry et sa ministre des Finances, Pauline Marois, s’y étaient catégoriquement opposés.
Dès le printemps 2006, quand le gouvernement Harper avait décrété une première baisse de la TPS, il avait vainement tenté de convaincre André Boisclair de s’engager à occuper l’espace ainsi libéré en annonçant une augmentation de la TVQ.
Évidemment, bien des choses ont changé depuis la lointaine époque où M. Legault pouvait signer un texte intitulé « Cap sur la souveraineté et la gauche efficace » (mai 2003), dans lequel il présentait le projet souverainiste comme « un modèle de développement humain » que le Québec allait offrir au reste du monde.
Dans un autre texte intitulé « Le courage de changer » (octobre 2004), dans lequel il invitait le PQ à un sérieux examen de conscience, il écrivait : « Surtout, on ne réduit pas les impôts quand on a le souci d’une véritable équité intergénérationnelle. Cet argument doit être au coeur de la politique fiscale des prochaines années. »
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La pensée fiscale du chef de la CAQ semble avoir évolué parallèlement à sa pensée constitutionnelle, sa soudaine découverte des vertus d’une baisse d’impôt suivant de très près celle des mérites du fédéralisme canadien, dont il est maintenant tout disposé à s’accommoder, au point où il voterait « non » à un éventuel référendum. À quand la signature de la Constitution ?
En 2004, la dette du Québec totalisait 111 milliards, ce qui représentait 44 % du PIB. Dans l’esprit de M. Legault, c’est déjà beaucoup trop. Le poids de la dette allait bientôt mettre nos services sociaux en péril. Elle dépasse maintenant les 183 milliards, soit 55 % du PIB. Le ministre des Finances, Raymond Bachand, ne prévoit revenir à une proportion de 44 % qu’en 2026, mais il n’y a aucune garantie que cet objectif pourra être atteint.
Pour une fois, M. Legault avait l’occasion de prêcher par l’exemple. Avec la baisse d’impôt qu’il a promise cette semaine, qui représente un coût de 1,8 milliard pour l’État, force est de constater que son beau discours sur « le courage de changer » n’était que du vent. Il est facile de parler du courage des autres.


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