Le cours Éthique et culture religieuse s’est avéré non réformable

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« Il faudra donc voir à ce que la réforme ne soit pas que cosmétique. »


Dans une entrevue accordée au Devoir le 11 janvier dernier, Jean-Pierre Proulx, ex-président du groupe de travail qui a conduit à l’instauration du cours Éthique et culture religieuse (ECR), déclarait que la révision de ce cours annoncée par le ministre Jean-François Roberge « constitue une éclatante victoire de l’athéisme militant québécois et de ses propagandistes ». Ouf ! Selon ces derniers, ajoutait M. Proulx, « la religion, même dans une perspective culturelle, n’a pas sa place à l’école ». Il reprenait les mêmes propos dans un texte d’opinion paru le 16 janvier.


Pourtant, M. Proulx souhaitait, en 2017, « qu’une plus grande place soit accordée à l’athéisme et à l’agnosticisme » dans ce programme. Il demandait aussi que soit inclus « un regard plus critique sur les religions » au secondaire.


L’incroyance est un sujet tabou intentionnellement occulté par les propagandistes de la pensée religieuse qui ont conçu ce cours. Au regard des objectifs d’ECR, il est impossible d’y inclure une perspective critique à l’égard des religions sans être en porte-à-faux complet avec l’ensemble des orientations et contenus qui visent le formatage de la pensée religieuse et la transmission des croyances et rituels de toutes les religions de la planète.


Objectifs multiconfessionnels


Jean-Pierre Proulx semble encore croire que le cours ECR en est un de « culture religieuse ». A-t-il pris la peine d’ouvrir ne serait-ce qu’un seul manuel utilisé pour l’enseignement de ce cours ? J’ai pour ma part analysé les contenus d’une vingtaine de ces manuels en couvrant chaque niveau scolaire et une diversité d’éditeurs. Les résultats sont publiés dans le volume collectif La face cachée du cours Éthique et culture religieuse (Leméac, 2016).


Le constat est pire que ce à quoi on pouvait s’attendre à partir d’une perspective laïque. L’analyse montre que l’approche dite « culturelle des religions » camoufle un enseignement multiconfessionnel qui ouvre la porte aux pseudosciences, à l’ésotérisme, au créationnisme et aux mythes de toutes sortes présentés comme des faits historiques avérés. Les aspects conflictuels des religions sont soigneusement occultés au profit d’un prosélytisme manifeste.


Dans ce même volume, Nadia El-Mabrouk et Michèle Sirois ont pour leur part analysé ces manuels sous l’angle des stéréotypes sexistes et culturels. Il en ressort une contradiction flagrante entre le volet éthique, qui valorise l’égalité entre hommes et femmes, et le volet religieux, qui « stigmatise les enfants en les obligeant à s’identifier à une religion précise et à des pratiques religieuses stéréotypées, sexistes et souvent fondamentalistes ».


Tous ces manuels ont pourtant été élaborés en fonction des objectifs du programme ECR et pour respecter les orientations et des contenus prescrits.


À la défense de ce cours, M. Proulx évoque une recommandation du Conseil supérieur de l’éducation qui date de 45 ans ! Pour expliquer la faillite du cours, il s’en remet à une série de faits conjoncturels comme la pédophilie de prêtres et la montée de l’islamisme politique plutôt que de regarder la nature même du cours et notamment ce à quoi il donne lieu dans la salle de classe.


Jean-Pierre Proulx rappelle également des sondages qui auraient appuyé le maintien du cours. Le plus récent, de 2015, demandait si le cours ECR (dans son entier) devait être aboli alors que la polémique ne porte que sur le volet « culture religieuse ». Une question mieux ciblée sur le volet problématique aurait donné d’autres résultats.


Produit culturel


Une véritable approche culturelle du fait religieux devrait conduire à considérer la religion et ses pratiques rituelles comme des produits de la culture, ce qu’elles sont effectivement, comme le sont la science, la philosophie, les arts et la technologie. Mais cette approche heurte la complaisance inhérente du cours envers la posture des croyants théistes pour qui la croyance provient de la révélation, que ce soit de Yahweh, de Jésus, de Mohamed, de Vishnou, de Bouddha ou de Guru Nanak.


Pour inclure de façon intelligente l’incroyance et la critique des religions comme le souhaite Jean-Pierre Proulx, il faut donc procéder à une refonte complète de ce cours, ce qui veut dire l’abolition du volet mal nommé « culture religieuse ».


Ce programme s’avérant non réformable, le ministre Jean-François Roberge est bien avisé de l’abolir. Le ministre a par ailleurs déclaré que son option « n’est pas d’évacuer la religion à 100 % du futur programme » et jamais il n’a parlé d’y inclure le développement de la pensée critique.


Il faudra donc voir à ce que la réforme ne soit pas que cosmétique. Si des contenus factuels sur les religions devaient être abordés à l’école, ça peut très bien l’être dans le cours d’histoire. Quoi qu’il en soit, on devra s’attendre à ce que l’élève puisse appliquer à ces contenus le même regard critique que face à tout autre produit de la culture et de l’histoire.









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