Ces premiers essais vont avoir lieu à Rochefort, à côté de la Rochelle...Quel magnifique défi de construire aujourd’hui une telle frégate du XVIIIème siècle, témoin d'une grande époque de la construction navale française.


« Pour que vive la Liberté, il faudra toujours que des hommes se lèvent et secouent l’indifférence ou la résignation. »
Le jeune Gilbert du Motier marquis de La Fayette a été l’un d’eux, il reste aujourd’hui un symbole. Reconstruire à l’identique la frégate Hermione, qu’il emprunta en 1780 pour gagner l’Amérique et rejoindre les insurgés anglo saxons en lutte pour leur indépendance, c’est rendre à La Fayette un hommage incontestable, mais aussi conserver la mémoire d’une grande aventure de solidarité entre les hommes.
Rochefort, ville du 17ème siècle doit sa naissance à la décision de Colbert d'implanter sur les rives de la Charente un nouvel arsenal du Royaume de France, dans le but de construire, armer, approvisionner et réparer une flotte de guerre capable de résister aux assauts ennemis. L’ancienne Corderie Royale patrimoine unique au monde, restaurée, dans le cadre des Grands Travaux de François Mitterrand, après 20 ans d'efforts, joyau de l'ancien Arsenal et par les formes de radoub dont la plus ancienne remonte au 17ème siècle. La mise en valeur de l’arsenal de Rochefort rappelle combien la mer, ses bâtiments et ses métiers, ont forgé et forgent encore notre identité et celle d’un pays doté d’une immense façade maritime.
En 1778, dans l'arsenal de Rochefort sur une cale de construction proche de la Corderie Royale, l'Hermione était mise en chantier. Navire de plus de 65 mètres de longueur hors tout, doté d'une voilure de 1500 m2 répartie sur trois mâts, l'Hermione fut construite sur les plans de l'ingénieur Chevillard Aîné. Elle faisait partie, avec la Courageuse, la Concorde et la Fée, d'une série de quatre frégates mises alors en chantier.
Appartenant à la catégorie de frégates dites légères, caractérisées par leur vitesse et leur maniabilité,telles les meilleures boulignières, l'Hermione était équipée de 26 canons tirant des boulets de 12 livres, d'où son nom de "frégate de 12". Longue de 44,20 m, large de plus de 11 m, la frégate nécessita 11 mois de travail pour des centaines de charpentiers, forgerons, perceurs, cloueurs, calfats... bagnards... pour un total de plus de 35 000 journées de travail.
Gilbert Motier, marquis de La Fayette, gentilhomme français âgé de 21 ans, s'était porté volontairement en Amérique, au service de la cause des Insurgés des colonies de Nouvelle Angleterre, contre l’avis de sa famille, mais en janvier 1779, ayant enfin atteint sa majorité, il peut revenir en France où il recevra le droit de jouir de sa fortune personnelle, et en même temps dès son retour d'Amérique il va immédiatement demander au roi Louis XVI le soutien officiel de la France.
Il réussit à convaincre le roi et son état-major d'apporter une aide militaire et financière aux troupes des milices de Georges Washington qui résistaient vaillamment aux assauts de l’armée anglaise envoyée sur place, mais sans arriver à gagner réellement de batailles ni leur indépendance. Depuis 1776, la rupture est certes affichée entre l'Angleterre et les "insurgés", ces partisans de l'indépendance des colonies anglaises en Amérique du Nord, leur lutte est rude, l’Angleterre n’acceptant pas la perte de ses colonies des bords de l’Atlantique !
Le roi Louis XVI, ayant enfin compris l’urgence d’apporter de l’autre côté de l’océan l’aide de la France, donne alors à La Fayette la frégate Hermione tout récemment construite dans l’arsenal de Rochefort. Le 21 mars 1780, le jeune major général de La Fayette embarque avec quatre mille uniformes et autant de paires de chaussures pour ces miliciens courageux qui combattaient sans rien ou presque, mais aussi des armes, des munitions, des vivres...
Après 38 jours de mer, la frégate de la Liberté entre dans le port de Boston, La Fayette accueille à son bord les membres du tout nouveau Congrès de Philadelphie. Puis sans plus attendre il rejoint Georges Washington pour lui annoncer l'arrivée imminente de renforts français… comme Jean-Baptiste Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau à la tête d’un corps expéditionnaire français de six mille hommes, qui allait débarquer à Rhode Island le 10 juillet 1780 suivant.
Dix-huit mois à peine, après le retour de La Fayette et son arrivée sur l’Hermione, deux victoires sont brillamment remportées, avec l’appui des Français.
L’une au large de la baie de la Chesapeake, grâce à la flotte française de l’amiral De Grasse qui par sa victoire navale repoussa la flotte anglaise de l’amiral de Graves, empêchant ce dernier d’apporter des renforts au général Cornwallis, enfermé dans Yorktown... et enfin eut lieu la capitulation anglaise à Yorktown même, ce 19 octobre 1781, grâce aux forces convergentes de l’armée de Virginie commandée par La Fayette, de l’armée française de Rochambeau et des troupes de Washington.
Toutes ces forces réunies arrivèrent enfin à contraindre Charles Cornwallis le chef de l’armée anglaise de se rendre, après s’être enfermé dans Yorktown permettant ainsi à la lutte pour l’indépendance des insurgés anglo saxons de prendre un tournant décisif et de devenir les nouveaux états qu’ils désiraient, les Etats-Unis d’Amérique.
L'ambition de l'Association Hermione-La Fayette a donc été de reconstruire à l’identique, le plus fidèlement possible la frégate d'origine, tout en tenant compte des contraintes règlementaires actuelles, notamment en matière de navigabilité, pour un navire de plus de 50 m de long portant trois mâts et au total 2 200 m2 de voilure. Un navire dont la coque est entièrement réalisée en chêne. Un véritable défi.
Quelques chiffres, relevés à Rochefort, l’illustrent parfaitement :
• un grand mât à 54 mètres au-dessus de la quille
• 2 000 chênes sélectionnés dans les forêts françaises
• un puzzle de plus de 400 000 pièces de bois et de métal
• 1 000 poulies
• 1 tonne d'étoupe pour le calfatage
• 26 canons tirant des boulets de 12 livres sur le pont de batterie et 8 canons tirant des boulets de 6 livres sur le pont de gaillard
Ce chantier, avec ses nombreux talents, ses savoir-faire, ses artisans, ses entreprises, ses scientifiques, ses bénévoles pour la réussite de ce projet collectif, aura été le fruit d’une volonté commune, qui est aussi une prouesse technique et une formidable occasion de se ré-approprier notre Histoire.
Dès l’origine du projet, il ne s’agissait pas uniquement de reconstruire au cœur de l’ancien arsenal de Colbert, un navire du XVIIIème siècle, mais en même temps de faire partager au public cette aventure, afin que tout un chacun puisse découvrir les grandes étapes de cette reconstruction. Le chantier a donc été installé dans une forme de radoub classée Monument historique, sorte de « berceau » de pierre qui a permis l’installation d’un ensemble de passerelles et de coursives rendant possible la découverte du navire tout au long de sa construction.
C’est ainsi que depuis, juillet 1997, date d’ouverture du chantier, plus de 2 millions de visiteurs sont déjà venus suivre le travail des charpentiers, menuisiers, forgerons,... La reconstruction de l’Hermione a pour objet de lancer une frégate capable d’un mode de navigation hauturière et transocéanique, avec un équipage de professionnels, pour une navigation exceptionnelle.
L’Hermione, une fois totalement achevée, traversera l’Atlantique depuis Rochefort jusqu’à Boston, sur les traces de La Fayette…Le voyage définitif tout d’abord prévu en 2011, est à présent arrêté pour 2015. Les diverses étapes suivantes de la côte Est des Etats Unis sont évoquées : Annapolis, Baltimore, Philadelphie, Newport, Hampton, Portland, New York, Boston... Puis ce sera un retour à quai à Rochefort, son port d’attache, pour y être visitée par un public enthousiaste.
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