Le défi du ministre Audet

Budget Audet 2006

Au fil des ans, le discours du budget est certainement devenu l'intervention la plus importante et la plus marquante d'un gouvernement. En fait, un budget, un seul discours, mais trois choses à la fois.
C'est d'abord un exercice comptable, une opération de finances publiques où le ministre des Finances joue avec les revenus et les dépenses pour équilibrer son budget, crée un déficit ou enregistre un surplus, définit ses besoins d'emprunt, fait le point sur la dette, annonce les hausses ou les baisses d'impôt.
C'est aussi un discours éminemment politique à travers lequel le gouvernement fait ses choix, où couper, où investir, à quoi consacrer la marge de manoeuvre quand il y en a une. C'est dans le budget que le gouvernement annonce ses principales initiatives et distribue ses bonbons.
C'est enfin un document économique où le ministre fait le point sur l'état de l'économie et décrit les mesures et les initiatives pour améliorer la situation économique, créer de l'emploi, aider les régions. En fait, ce volet économique est la clé de voûte de tout l'exercice budgétaire car c'est la santé de l'économie, la croissance, la prospérité qui détermineront le niveau des revenus de l'État et donc sa marge de manoeuvre et sa capacité de faire des choix.
C'est encore plus vrai maintenant parce que le principal problème qui confronte le ministre des Finances, Michel Audet, tout comme ses prédécesseurs récents, Yves Séguin, Pauline Marois ou Bernard Landry, c'est le fait que le Québec ne génère pas une richesse suffisante pour permettre à son gouvernement de toucher assez de revenus pour s'acquitter élégamment de ses missions. La croissance économique reste trop faible, le niveau de vie est trop bas.
Le défi de chacun de ces ministres, c'est de se battre à chaque année, pour faire balancer des chiffres qui, en toute logique, ne balancent pas, sans réelle marge de manoeuvre et sans espoir que le temps arrange les choses. Les finances publiques du Québec sont, depuis des années, à la limite de la rupture.
D'abord, parce que le Québec est l'endroit où l'on taxe le plus en Amérique du Nord. Il n'est donc plus possible, pour des raisons économiques et politiques, d'augmenter les impôts. Il n'est pas possible non plus de les baisser comme on l'a vu avec l'incapacité du gouvernement Charest de tenir ses promesses.
Ensuite, parce que le Québec dépense plus que toutes les autres provinces, ce qui exerce de lourdes pressions. Le gouvernement du Québec est incapable de réduire le niveau de ses dépenses, en raison de l'énorme résistance au changement qui fait que même des mesures administratives mineures pour dépenser moins, comme les PPP, suscitent de fortes résistances. Tout cela dans un cadre où certains postes de dépenses, comme la santé, drainent une part croissante des ressources.
Enfin, le Québec a la plus importante dette au Canada. C'est un boulet, parce que 13,7 % des impôts servent à payer des dépenses du passé. C'est également une menace, parce que le poids de la dette s'alourdira à mesure que le vieillissement démographique fera sentir ses effets. Assez pour que le ministre Audet entreprenne maintenant de commencer à réduire cette dette, ce qui compliquera encore plus sa tâche déjà difficile.
Incidemment, ce triple record du Québec, le fait que les impôts, les dépenses et la dette du Québec soient plus élevés que ceux des autres provinces, nous rappelle que l'impasse financière du Québec s'explique très largement par ses propres choix, bien plus que par le sous-financement fédéral.
Pour équilibrer tout cela, il n'y a pas des milliards de solutions. Un virage franc vers l'austérité ne suffira pas. Il faudra plutôt mettre toutes les énergies pour augmenter le niveau de vie des Québécois et générer du même coup les revenus fiscaux qui permettraient au gouvernement de sortir de l'impasse. Si le niveau de vie des Québécois rejoignait celui des Ontariens, les revenus autonomes du gouvernement augmenteraient, en gros, de 8 milliards. C'est trois fois plus que le déséquilibre fiscal. La clé est là.
La priorité d'un budget, c'est donc de contribuer à faire augmenter ce niveau de vie, de combler nos retards en productivité, par des mesures qui favoriseront l'investissement, par des efforts en éducation, par une culture de création de richesse. Le gouvernement libéral a commencé à s'aventurer, timidement, sur le terrain de la création de richesse, sans trop le dire, sans en faire clairement l'axe central de son intervention.
Ce sera là le véritable défi du budget que M. Audet déposera demain. Sera-t-il capable de s'attaquer au coeur du problème, la pauvreté relative du Québec, et de donner à son gouvernement le sens des priorités et la détermination qui lui font défaut?


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé