La dette du Québec en 15 questions

Dominique Froment, François Normand

Budget Audet 2006

Plusieurs ne remercieront jamais assez les auteurs du manifeste Pour un Québec lucide, avec Lucien Bouchard en tête, pour avoir remis la dette publique de 117 milliards de dollars en tête de liste des sujets d'actualité.
Aussitôt, le ministre des Finances, Michel Audet, répondait en tenant une tournée de consulation pré-budgétaire portant spécifiquement sur la dette nationale.
Et le 14 mars dernier, le premier ministre Jean Charest annonçait clairement ses couleurs dans son discours inaugural à l'Assemblée Nationale, dont voici un extrait.
"Dans quelques années, le vieillissement de la population, combiné à un faible taux de natalité, aura des répercussions importantes sur les finances publiques. Moins de travailleurs devront assumer le coût des services destinés à un plus grand nombre de personnes qui ne seront plus en âge de travailler. Compte tenu de ce déficit démographique, la question des finances publiques commande une attention immédiate."
Finalement, le budget que dépose cette semaine le ministre Audet témoigne de cette préoccupation envers la dette nationale.
D'un côté, les observateurs de la scène politique et économique ne s'entendent pas sur l'importance à accorder à la dette. D'un autre, les ailes jeunesses des trois principaux partis politiques québécois viennent de déclarer d'une seule voix qu'il fallait s'y attaquer, par souci d'équité intergénérationnelle.
Quelles sont donc les solutions pour améliorer les finances publiques du Québec ? Voilà la question que nous avons posée à 11 observateurs de la scène économique, de l'ancien premier ministre Bernard Landry au directeur de Greenpeace Québec, Steven Guilbault, en passant par l'économiste de la Banque Nationale, Clément Gignac.
Trois réponses sont revenues plus fréquemment.
1 Augmenter les tarifs d'électricité au-delà des hausses décrétées par la Régie de l'énergie.
2 Profiter de la baisse de la TPS de 1 % promise par le nouveau gouvernement Harper pour augmenter d'autant la TVQ québécoise, ce qui procurerait au gouvernement du Québec des revenus additionnels de plus d'un milliard de dollars.
3 Facturer les services en fonction de leur coût réel, ce qui comprend bien sûr l'électricité, mais aussi les frais de scolarité.
Les spécialistes qui proposent ces solutions mettent toutefois une condition : que les revenus additionnels ainsi générés soient appliqués intégralement au remboursement de la dette. L'un d'entre eux préconise par contre de laisser cet argent dans un fonds qui pourrait procurer un rendement annuel de 10 %, au lieu de rembourser la dette qui ne nous coûte que 5 % par année. Ce fonds servirait à financer les coûts futurs de nos services.
Mais, au fait, d'où vient cette dette ? À qui la devons nous ? Quelle est la différence entre la dette totale, la dette nette et la dette directe ? Ce langage technique vous rebute déjà ? N'ayez crainte : le journal LES AFFAIRES a concocté des questions-réponses pour vous permettre de mieux apprécier ces enjeux.
Encadré(s) :
1. De quoi parle-t-on au juste?
Quand Jean Charest affirme que la dette québécoise est de 117 G$, il fait allusion à la dette totale du gouvernement du Québec - ce qui exclut la dette fédérale. Par habitant, cette dette totale représente la rondelette somme d'environ 15 500 $. Elle représente aussi 44 % du PIB québécois, selon les documents de référence des récentes consultations prébudgétaires du gouvernement.
Au 31 mars 2005, la dette était composée de trois éléments : des actifs financiers nets de 18,6 G$ (par exemple, des placements et des avances), des immobilisations de 11,7 G$ (par exemple, des édifices publiques), et de déficits cumulés de 86,3 G$.
Cette dette de 117 G$ se divise aussi en deux sous-catégories : la dette directe de 80,3 G$ (principalement celle contractée par l'émission de titres gouvernementaux québécois sur les marchés nationaux et internationaux), et le passif net des régimes de retraite des employés de l'État, de 36,3 G$.
Quant à la dette nette (97,9 G$), elle tient non seulement compte du passif du gouvernement, mais aussi de ses actifs financiers nets de 18,6 G$. Précisions toutefois que le gouvernement paie les intérêts sur la dette totale, et non pas sur la dette nette.
2. Quel genre de dette publique avons-nous au Québec ?
La dette de 117 G$ serait moins préoccupante si elle s'appuyait principalement sur des actifs physiques ou financiers. Or, ce n'est pas le cas. Au 31 mars 2005, les trois quarts de cette dette, soit 86,3 G$, étaient attribuables aux déficits enregistrés à partir du début des années 70, selon le ministère des Finances du Québec. Et ces déficits cumulés ont essentiellement servi à payer les dépenses courantes, c'est-à-dire, les "dépenses d'épicerie", selon l'expression populaire consacrée.
3. À qui doit-on cette dette ?
"Difficile à dire", souligne François Dupuis, chef économiste adjoint et stratège au Mouvement Desjardins, qui a participé à la rédaction d'une récente étude sur la dette, Le défi des finances publiques : le redressement de la situation fiscale du Québec, publiée conjointement pas Desjardins et CIRANO.
Non seulement Québec a peu d'information à ce sujet, mais il est pratiquement impossible de suivre la trace des titres émis par le gouvernement (principalement des obligations et des bons du trésor) une fois qu'ils changent de main sur le marché secondaire. Néanmoins, il est possible d'en faire une approximation.
Ainsi, Desjardins estime qu'environ 50 % de la dette du Québec est détenu par des intérêts québécois, c'est-à-dire des institutions financières et des gestionnaires de fonds qui ont leur siège social dans la province. Le reste est détenu au Canada anglais et à l'étranger (par exemple, aux États-Unis, au Japon ou en Europe).
4. Et la dette canadienne ?
À la fin de l'exercice budgétaire 2004-2005, la dette fédérale s'établissait à 499,9 G$, pour un ratio dette/PIB de 38,7 %, selon le ministère des Finances du Canada. C'est une nette amélioration par rapport à 1995-1996, alors que le gouvernement canadien avaient une dette de 562,9 G$ et un ratio de 68,4%. Enfin, si on ajoute la quote-part du Québec à la dette fédérale, la dette totale du Québec représente environ 80 % de son PIB.
5. À quelle époque la dette publique a-t-elle explosé ?
6. Et comment expliquer cette escalade ?
Au début des années 70, la dette totale du Québec avoisine les 5 G$. Oui, oui, vous avez bien lu. C'est avec la construction de l'État-providence qu'elle progresse. Tout au long des années 1970, et au début des années 1980, le gouvernement enregistre des déficits d'opérations. Ce qui signifie qu'il s'endette non seulement pour payer les intérêts sur sa dette, mais aussi pour payer une partie de ses dépenses de programmes de l'année courante.
"Il faut toutefois rappeler qu'au cours de cette période, le Québec finance la totalité de ses dépenses d'immobilisation à même ses dépenses d'opération de l'année où il en fait l'acquisition", soulignent Claude Monmarquette et Marcelin Joanis, respectivement économistes à l'Université de Montréal et à l'Université de Toronto, dans une étude intitulée La dette publique : un défi prioritaire pour le Québec.
Du milieu des années 80 à la fin des années 90, le gouvernement cesse toutefois de s'endetter pour financer ses dépenses de programmes, car il dégage généralement des surplus d'opération, mais il s'endette toujours pour financer son service de la dette.
Il faudra attendre la fin des années des années 90, sous le Parti québécois, pour que le gouvernement cesse de s'endetter - mais brièvement - pour payer les intérêts sur sa dette, l'équilibre budgétaire ayant été atteinte atteint de 1998-1999 à 2001-2002. Depuis près de 10 ans, la dette totale continue néanmoins de progresser d'environ 2 G$ par année.
7. Pourquoi la dette augmente-t-elle toujours ?
D'une part, Québec emprunte un peu plus de 1 G$ par année pour financer ses immobilisations, mais seul l'amortissement annuel est comptabilisé dans l'exercice budgétaire en cours, depuis la réforme comptable de 1997-1998 du gouvernement du Québec.
Prenons l'exemple d'un pont dont la construction est financé par un prêt de 1 G$ sur 10 ans. Depuis la réforme, Québec inscrit 100 M$ dans l'année fiscale courante, mais porte à sa dette le montant de l'emprunt. Avant la réforme, le gouvernement aurait comptabilisé la valeur du pont dans l'exercice en cours.
Deuxièmement, Québec doit aussi contracter une dette d'environ 1 G$ par année parce qu'il comptabilise dans ses revenus l'ensemble des bénéfices d'Hydro-Québec alors qu'il encaisse chaque année un dividende représentant la moitié des bénéfices comptabilisés. Par exemple, si la société d'État réalise un bénéfice de 2 G$, Québec comptabilisera des revenus de 2 G$, même si en fait le gouvernement ne met la main que sur le dividende de 1 G$. Pour équilibrer ses comptes, il doit alors emprunter 1 G$.
Troisièmement, Québec emprunte aussi pour effectuer des mises de fonds dans ses sociétés d'État.
8. La dette québécoise est-elle hors de contrôle ?
"Non, en disant ça, nous serions trop alarmiste", assure François Dupuis. À vrai dire, loin de se détériorer, la situation financière du Québec s'est même améliorée ces dernières années, comme le soulignait d'ailleurs le journal LES AFFAIRES dans son édition du 5 novembre 2005.
Même si la dette totale augmente, sa part par rapport au PIB, elle, diminue. De 1997-1998 à 2005-2006, le ratio a glissé de 52,2 à 42,7 %. Ce qui signifie que, pendant cette période, le rythme de croissance de la dette a été inférieur à celui de l'économie. La proportion du service de la dette a aussi reculé sur cette période, passant de 17,7 à 13,1 %.
Ce qui ne veut pas dire que la situation n'est pas préoccupante à long terme. "Si nous avions une population jeune, très productive, avec un taux de natalité élevé, et une bonne croissance du PIB à long terme, la dette ne serait pas vraiment un problème. Mais ce n'est pas le cas", précise François Dupuis.
9. Pourquoi la dette est-elle devenue une obsession pour le gouvernement Charest ?
Avec une dette totale de près de 120 G$, le Québec est la province la plus endettée au Canada. Pour mettre en perspective ce montant, soulignons que les coûts de financement de cette dette totalisent près de 7,5 G$ par année, soit 13,3 ¢ pour chaque dollar de revenus engrangé par le gouvernement. Le service de la dette représente aujourd'hui le troisième poste budgétaire du gouvernement après ceux du ministère de la Santé et des Services sociaux (environ 21 G$) et du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (environ 12 G$).
D'autres facteurs suscitent l'inquiétude, car ils aggravent la problématique de notre endettement collectif. Les principaux sont le vieillissement accéléré de la population, une moins grande richesse collective (le PIB par habitant au Québec est inférieure à la moyenne nord-américaine), des dépenses publiques plus élevées et un fardeau fiscal plus lourd que dans les provinces voisines (mais avec plus de services), un faible taux de productivité du travail et des capacités productives de l'économie inférieures aux principaux concurrents commerciaux.
10. Comment se situe la dette du Québec par rapport aux autres provinces ?
Toute proportion gardée, le Québec est l'un des provinces les plus endettées au Canada, selon Statistique Canada.
Ainsi, si on compare la dette nette au Canada, le Québec affichait au 31 mars 2004 un ratio de la dette sur le PIB de 38,5 % alors que la moyenne des 10 provinces s'établissait à 27,8 %. Par habitant, la dette nette québécoise s'élevait à 12 297 $, par rapport à 9 086 $ pour l'ensemble des provinces. Malgré ses récents déficits, l'Ontario fait nettement mieux que le Québec avec un ratio de la dette nette sur le PIB de 22 % et une dette par habitant de 8 761 $.
Le Québec arrive aussi au 8e rang lorsqu'on compare la dette totale au Canada : au 31 mars 2004, son ratio de la dette sur le PIB s'élevait à 66,3 % (22 265 $) par rapport à 55,2 % (18 528 $) pour la moyenne des 10 provinces.
11. Comment se compare le Québec au niveau international ?
Pour comparer des pommes avec des pommes, il faut ajouter la quote-part du Québec de la dette fédérale à la dette québécoise. Ce qui donne au Québec, en 2004, un ratio de la dette totale sur le PIB d'environ 80 %. Ainsi, le Québec affiche l'une des pires performances des pays industrialisés, à l'exception de la Belgique, de l'Italie et du Japon.
12. Quel serait le niveau acceptable pour la dette québécoise ?
13. Combien de temps cela prendrait-il pour atteindre ce niveau ?
D'ici 2025, le Québec devrait viser un ratio de la dette totale sur le PIB oscillant de 20 à 30 %, avec une cible à 25 %, selon Desjardins. En ce moment, ce ratio s'établit à 44 %. Si cet objectif semble ambitieux, il n'est pas impossible à atteindre.
L'Irlande, qui était à la fin des années 80 dans une situation plus précaire que le Québec, a réussi à redresser ses finances publiques. En 1988, ce pays affichait un ratio de la dette sur le PIB de 107,1 %. En 2005, il avait réussi à le ramener à 29,9 %, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
14. Que se passerait-il si le Québec ne faisait rien ?
Selon plusieurs économistes, on pourrait alors assister à une détérioration des finances publiques et de notre qualité de vie, une analyse partagée par le premier ministre. "Le montant de 117 milliards de la dette publique du Québec est préoccupant. Si rien n'est fait pour l'endiguer, la spirale de la dette finira par menacer notre richesse, limiter nos choix et compromettre nos programmes et nos services."
15. Quel serait l'impact d'une variation des taux d'intérêt et de la croissance du PIB ?
Le gouvernement du Québec - comme du reste tous les gouvernements - est à la merci d'une variation des taux d'intérêt et de la croissance du PIB, ce qui a un impact sur les finances publiques. Ainsi, chaque hausse d'un point de pourcentage des taux d'intérêt (par exemple, de 3 % à 4 %) ajoute un coût annuel additionnel de 300 à 400 M$ au service de la dette. Enfin, chaque réduction annuelle d'un point de pourcentage du PIB au Québec fait chuter d'environ 500 M$ les recettes fiscales de la province.
Sources : La dette publique: un défi prioritaire pour le Québec (Marcelin Joanis et Claude Montmarquette), Le défi des finances publiques: le redressement de la situation fiscale du Québec (Desjardins et CIRANO), ministère des Finances du Québec, ministère des Finances du Canada.
N'ACHETEZ PAS LES VOTES !
_ Bernard Landry
_ Ancien premier ministre du Québec
Il faut tout d'abord éviter la tentation d'acheter des électeurs. Et avec la faible popularité du gouvernement actuel, la tentation est forte. On n'a pas les moyens de se payer une "Grande séduction". Si le gouvernement crée de nouveaux programmes, ils devront être financés par des réductions dans d'autres programmes.
Il y a de plus en plus un consensus dans la population qu'il est inconvenable de faire payer nos dépenses courantes par nos enfants. D'autant plus qu'ils sont moins nombreux que nous. Le gouvernement du Parti québécois a mis fin au déficit. Le temps est maintenant venu de s'attaquer au remboursement de la dette.
Et à ce titre, l'étude réalisée par le Mouvement Desjardins (qui prône notamment une augmentation de 2 % par année des tarifs d'électricité, en plus des hausses décrétées par la Régie de l'énergie, pendant 20 ans) me semble sérieux, raisonnable et courageux.
Je suis aussi très favorable aussi à ce que l'on augmente la TVQ de 1 % immédiatement après qu'Ottawa aura abaissé sa TPS.
Et le gouvernement devra aussi continuer la lutte contre le déséquilibre fiscal.
La comptabilité d'abord, puis une réserve
_ Luc Godbout
_ Directeur, Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, Université Sherbrooke
L'amélioration des finances publiques passe par une meilleure compréhension de la comptabilité gouvernementale. Sinon, il est trop facile d'exclure un élément déficitaire du périmètre comptable.
Pour faciliter l'équilibre budgétaire, Québec doit créer une réserve pour éventualité, comme l'a fait Ottawa. Si le gouvernement fédéral baisse sa TPS, Québec pourrait augmenter sa TVQ pour aller chercher vite plus d'un milliard de dollars par année.
Mais il faudrait s'assurer que cet argent soit investi dans un fonds spécial. Il vaudrait mieux laisser l'argent investi dans ce fonds s'accumuler et rapporter des rendements annuels qui pourraient atteindre 10 %. Ce serait plus avantageux que de rembourser la dette qui ne nous coûte que 5 % par année en intérêts. Et politiquement parlant, ce serait plus facile à vendre.
Les sommes qui s'accumuleraient dans cette réserve serviraient à établir une péréquation intergénérationnelle pour maintenir les services dans 40 ou 50 ans sans augmenter le poids des impôts.
Mais pour cette année, on pourrait commencer par mettre dans cette réserve les 200 M$ de transferts additionnels reçus par Québec, conséquence de la baisse fédérale de l'impôt sur le revenu.
Le vieillissement, le vrai problème
_ Jean-Luc Landry
_ Président, Landry Morin (gestion de portefeuille)
Il faudrait d'abord faire comprendre à la population du Québec que ce n'est pas vrai que la seule façon d'améliorer notre système de santé est d'y injecter plus d'argent. Il faut lui faire comprendre que le problème est le monopole de l'État qui, comme tous les monopoles, génère énormément d'inefficacité. Il faut introduire le secteur privé dans l'offre de services de santé.
On parle beaucoup du vieillissement de la population comme cause de l'augmentation des coûts des soins de santé. Mais on n'a encore rien vu. Les premiers baby-boomers viennent d'atteindre 60 ans. Imaginez ce que ça va coûter dans 10 ans quand la moitié d'entre eux auront atteint cet âge. Et dans 20 ans, quand les baby-boomers les plus jeunes auront 60 ans.
Ce problème m'apparaît beaucoup plus important que celui de la dette, parce que si on ne trouve pas une solution, on va être obligé de sacrifier beaucoup de choses pour se faire soigner (éducation, culture, infrastructures, programmes sociaux, etc.).
Au cours des prochaines années, je pense qu'on va assister à une vague de privatisation pour aller chercher de l'argent, comme la Société des alcools du Québec, les routes, les ponts, Hydro-Québec Distribution et la santé en dernier.
Les emplois d'abord, la dette ensuite
_ Henri Massé
_ Président, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
Il faut donner un coup de barre dans le secteur manufacturier, comme la forêt et le vêtement. On y perd des emplois; ils sont remplacés par des emplois dans le secteur des services, généralement moins bien payés. Donc, si le Québec compte plus d'emplois, les revenus de l'État provenant de l'emploi ont diminué.
La population vieillit et la pénurie de main-d'oeuvre s'accroît ? Pendant ce temps, des milliers de travailleurs sont licenciés. Il faut réinvestir massivement dans notre parc technologique. Avec un taux de chômage supérieur à 8 %, il y a de la place. Si on garde nos emplois manufacturiers et qu'on crée des emplois mieux rémunérés, on solutionne en partie le problème des finances publiques.
Quant à la dette, on n'a pas de marge de manoeuvre pour s'y attaquer. Commençons par stimuler l'économie pour augmenter les revenus de l'État et dans cinq à six ans, on s'occupera de la dette.
Il y a 10 ans, on avait suggéré au gouvernement de créer une taxe spéciale sur les institutions financières qui aurait rapporté plus de 300 M$ par année. Même si cette taxe coûterait plus de 20 M$ par année au Fonds de solidarité FTQ, je maintiens qu'elle est toujours une bonne idée. Les institutions financières ont grandement profité des taux d'intérêt élevés dans le passé et elles ont la marge de manoeuvre pour la payer. On devrait appliquer cette taxe contre la dette pour envoyer un message aux jeunes.
En outre, une grosse partie de la dette va aux immobilisations. Ce n'est pas dramatique puisque les immobilisations sont aussi des actifs.
Et puis plus les revenus des sociétés d'État augmentent, plus la dette augmente. Le gouvernement devrait mettre fin à ce jeu comptable et donner l'heure juste aux Québécois.
Il faut s'attaquer aux dépenses
_ Daniel Charron
_ Président-directeur général, Manufacturiers et exportateurs du Québec
Les revenus de l'État provenant des entreprises et des particuliers ont atteint la limite; il faut s'attaquer aux dépenses. Trois postes comptent pour plus de 80 % du budget : la santé, l'éducation et la dette, mais cette dernière est incompressible. Il reste donc la santé et l'éducation.
Le budget de la santé est de 23 milliards, en croissance de 5 % par année, et on a l'impression qu'il faudrait encore plus d'argent. Le Québec risque de devenir un gros hôpital si on ne fait rien. Il faut ouvrir les portes au secteur privé. Et peut-être instituer des frais modérateurs. Je n'ai pas la solution magique, mais il faut absolument trouver une façon de faire entrer plus d'argent dans notre système de santé, sinon il va finir par accaparer les deux tiers du budget de la province. Ça n'a pas de bons sens !
C'est vrai aussi pour l'éducation. Les frais de scolarité trop bas ne permettront pas à moyen terme de maintenir la qualité des services. Il faut avoir le courage de les augmenter, sinon c'est notre avenir qu'on hypothèque.
La question de la dette me semble moins urgente. Elle était à 116,6 milliards au 31 mars 2005, soit 44 % du produit intérieur brut (PIB). Si on la gèle à 116,6 miliards, elle ne représentera plus que 38 % du PIB en mars 2009. Il faut de la discipline, mais c'est faisable.
Augmentez les tarifs d'électricité
_ Pierre Emmanuel Paradis
_ Économiste principal, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante
Depuis 1997-1998, la ratio de la dette sur le PIB du Québec est passé de 52 % à 44 %. Maintenir le statu quo démographique et économique permettrait de poursuivre la descente. Mais ce scénario est illusoire !
Nous privilégions la création d'un fonds énergétique notamment alimenté par des hausses de tarifs d'électricité. Il faudrait aussi poursuivre le développement du réseau, intensifier les programmes d'efficacité énergétique pour dégager la marge pour accroître nos exportations. Les sommes accumulées dans ce fonds devraient être utilisées pour rembourser la dette.
En outre, le gouvernement devrait songer à privatiser des actifs, comme la Société des alcools du Québec et la Société immobilière du Québec, à condition d'appliquer le produit de la vente au remboursement de la dette.
On pourrait aussi instituer un compte individuel qui permettrait à chaque contribuable de rembourser à son rythme sa part de la dette en échange d'une réduction d'impôt permanente.
L'idée d'augmenter la TVQ si Ottawa réduit sa TPS ne me sourit pas beaucoup. D'abord, il ne faut pas que cette façon d'aller chercher de l'argent rapidement soit une excuse pour ne pas faire le travail qu'on a à faire. Et puis, une baisse de taxe est toujours bienvenue pour nos entreprises.
La dette avant les impôts
_ Clément Gignac
_ Économiste en chef, Banque Nationale
Il faut continuer à garder un bon contrôle sur les dépenses parce que les revenus de l'État québécois n'exploseront pas comme en Alberta. Avec 43 % du budget de la province (la santé) qui augmente de 5 % par an alors que les revenus de l'État augmentent de seulement 3,5 % par an, il va falloir gérer très serré.
Je suis très heureux que le gouvernement de Jean Charest ait décidé de mettre de côté les baisses d'impôt pour se concentrer sur la réduction de la dette. C'est mobilisateur; comme plus de 40 % des contribuables ne paient pas d'impôt, ils se moquent de ces baisses.
En outre, je pense qu'augmenter la TVQ de 1 % si le gouvernement fédéral baisse sa TPS de 1 % est une belle occasion de corriger partiellement le déséquilibre fiscal. Québec pourrait aller chercher 1,2 milliard par année sans augmenter le fardeau fiscal des Québécois. À condition d'appliquer cette somme intégralement au remboursement de la dette jusqu'à ce que celle-ci atteigne la moyenne canadienne de 25 % du PIB.
La hausse des tarifs d'électricité serait aussi une bonne façon de rembourser la dette. Mais il faudrait aussi accélérer le développement de l'hydroélectricité et profiter des économies d'énergie générées par la hausse des tarifs pour accroître nos exportations et augmenter les revenus de l'État.
Un coup de barre
_ Diane Bellemare
_ Vice-présidente à la recherche, présidente intérimaire, Conseil du patronat du Québec
Les entreprises du Québec sont les plus lourdement imposées au Canada. Depuis le premier budget Séguin, en 2003, le gouvernement est venu chercher 1,46 milliard dans leurs poches. Il faut donner un coup de barre pour les aider à prendre de l'expansion, à investir et à créer de l'emploi. Et aussi pour attirer des entreprises étrangères chez nous. Cela augmenterait les revenus de l'État.
Un pays aussi socio-démocrate que la Suède l'a fait avec succès parce que les Suédois ont compris que les entreprises sont de plus en plus mobiles, et que si on veut les garder et les attirer, on ne peut pas les imposer plus qu'ailleurs.
Quant à un fonds spécial pour réduire la dette, je n'y crois pas. Ce n'est qu'un artifice pour frapper l'imagination populaire. Même si on créait un tel fonds, on n'aurait pas fait le travail de créer de la richesse et de réduire les dépenses.
Mon autre solution pour améliorer les finances est de faire payer les services en fonction de ce qu'ils coûtent, comme les frais de scolarité, l'électricité, les ponts et les autoroutes.
Enfin, je souhaite que notre structure fiscale des particuliers soit revue afin d'être moins pénalisante pour les personnes à faible et à haut revenus. La structure actuelle n'encourage pas l'effort au travail.
L'électricité au secours de la dette
_ François dupuis
_ Chef économiste adjoint et stratège, Mouvement Desjardins
Vu l'urgence du problème, il faut s'y attaquer vite. La voie royale consisterait à augmenter les tarifs d'électricité de 2 % par année pendant 20 ans, en plus des hausses décrétées par la Régie de l'énergie. Ce qui représenterait 40 milliards au bout de 20 ans, même en incluant une aide de 625 $ par an à 400 000 ménages défavorisés.
Il faudrait s'assurer que l'argent (les hausses annuelles de 2 %) serve à rembourser la dette. Cette mesure permettrait de réduire la dette de 44 % du produit intérieur brut, en 2005, à 15 %, dans 20 ans.
L'État peut aussi facturer les services en fonction de ce qu'ils coûtent, quitte à créer un programme pour compenser les plus pauvres. Tarifer trop bas crée de l'abus et du gaspillage, en plus d'être une mesure régressive qui profite davantage aux plus riches. Les revenus additionnels générés par cette mesure pourraient aussi aller au remboursement de la dette.
Si le gouvernement fédéral abaisse sa TPS de 1 %, on pourrait augmenter notre TVQ d'autant, mais en fonction du type de produits. Plus le produit est de luxe, plus la taxe serait élevée. Une partie des revenus générés pourrait être appliquée à la dette. Mais on n'a pas de contrôle sur la TPS.
Améliorer le transport en commun
_ Steven Guilbeault
_ Directeur, Greenpeace Québec
Si je vous dis que ma solution pour améliorer les finances publiques est le transport en commun, vous allez me répondre que c'est encore une affaire de granola. Mais comme je me base sur une étude réalisée par Secor pour le compte de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, deux organisations à qui on ne peut pas reprocher d'être trop à gauche, je pense que c'est crédible.
Cette étude confirme que le transport en commun engendre des bénéfices économiques très importants et contribue de façon notable à la compétitivité des régions métropolitaines.
Une autre étude, de Richard Bergeron, ancien analyste à l'Agence métropolitaine de transport, et maintenant chef du parti municipal Projet Montréal, révèle que les Québécois ont payé 23 milliards en trop l'an dernier parce qu'ils utilisent trop l'automobile et pas assez le transport en commun (ndlr : il s'agit du déficit auto-pétrole parce que le Québec ne fabrique pas d'autos et ne produit pas de pétrole).
Si une partie de cet argent restait au Québec, il y aurait plus d'emplois, les particuliers et les entreprises paieraient plus d'impôts et les finances publiques ne s'en porteraient que mieux.
Stimuler la création de la richesse
_ Françoise Bertrand
_ Pdg, Fédération des chambres de commerce du Québec
Il faut commencer tout de suite à parler de la réduction de la dette. Mais comme ses bienfaits ne se feront pas sentir avant longtemps, ça ne me semble pas prioritaire. Cela dit, il faut élaborer dès maintenant un plan pour la rembourser et expliquer à la population qu'on ne peut plus continuer à l'augmenter.
Il m'apparaît cependant plus urgent de stimuler la création de la richesse en réduisant la taxe sur le capital des entreprises qui nuit à leur compétitivité et pénalise les investissements. Ce n'est pas pour rien qu'on investit moins au Québec qu'ailleurs au Canada.
Pour améliorer les finances publiques, la filière hydroélectrique est aussi très importante. Il faut d'abord mettre fin à l'interfinancement, cette structure tarifaire en vertu de laquelle les entreprises financent le secteur résidentiel. Nous devons maximiser notre potentiel énergétique et encourager les économies d'énergie pour pouvoir exporter davantage.
Et parlant de création de la richesse, le gouvernement doit mettre en place des mesures afin que toutes les régions du Québec y contribuent.
Le gouvernement devrait poursuivre dans sa volonté de mettre sur pied des partenariats public-privé; il y a sans doute des avantages à y trouver. Privatiser certains actifs et augmenter les frais de scolarité sont d'autres solutions à envisager.
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