Ottawa — Justin Trudeau a remporté une victoire incontestable dimanche dernier. Un raz-de-marée, rien de moins, qui sera, pour un bon moment, un gage d’unité au sein d’un parti qui a fait le plein de membres et de sympathisants.
Le nombre de partisans qui se sont exprimés est aussi un record pour l’élection d’un chef au Canada. L’idée de permettre à des non-membres de voter semble avoir eu certains des effets escomptés : attirer des gens qui auraient été normalement réticents à s’impliquer et s’assurer que le chef soit élu par la base la plus large possible.
Il est vrai que moins de la moitié des quelque 294 000 membres et sympathisants se sont enregistrés pour voter, mais ceux qui l’ont fait étaient généralement motivés. Un peu plus de 80 % d’entre eux ont exercé leur droit de vote. Quant aux efforts faits pour recruter les autres, ils ne sont pas perdus. Le parti y gagne une banque d’électeurs à relancer et à solliciter. On peut en conclure que le Parti libéral bénéficie maintenant de fondations intéressantes sur lesquelles rebâtir, mais cela n’est pas vrai partout.
Un examen détaillé, non pas des votes obtenus par les candidats, mais de la répartition géographique des personnes pouvant voter (donc inscrites) révèle de sérieuses faiblesses du côté du Québec et, dans une moindre mesure, de la Saskatchewan.
De toute évidence, le Parti libéral du Canada porte encore le poids de son histoire au Québec, quoi qu’en dise le nouveau chef. Les sondages montrent peut-être un regain d’intérêt, mais pas encore assez fort pour inciter les gens à s’associer au parti.
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Avant même le début du scrutin, on savait qu’un faible nombre de Québécois avaient le droit de vote : 14 586 sur un total de 127 261. On ne savait toutefois pas dans quelles circonscriptions ils se trouvaient.
Les chiffres sont maintenant disponibles et, comme on s’y attendait, les maigres appuis du PLC sont fortement concentrés dans les régions traditionnellement libérales : Montréal, les banlieues ouest, quelques secteurs de Laval, l’Outaouais. Plus préoccupante pour le parti est la comparaison avec ce qui se passe ailleurs, dans d’autres provinces et châteaux forts libéraux. Les écarts sont ahurissants.
Le PLC a huit députés au Québec. Marc Garneau affiche le meilleur résultat avec 880 personnes inscrites dans sa circonscription. Il est suivi de près par M. Trudeau (732), mais ce dernier en a moins que l’association locale de Calgary Centre (869). Oui, oui, en Alberta. Ou de la candidate défaite Joyce Murray (1700).
Trois députés québécois, dont Denis Coderre, font même moins bien que l’association de Calgary Sud-Ouest, bastion de Stephen Harper (319 inscrits). Dans la circonscription de M. Coderre, 183 personnes étaient admissibles à voter pour le chef. Dans celle de Massimo Pacetti, 240 et dans celle de Lise Saint-Denis, seulement 103. Et on parle ici de l’ancien fief de Jean Chrétien.
Au Québec, le nombre d’inscriptions dépasse la barre des 200 dans seulement 24 des 75 circonscriptions. Dans 21 autres, il y en a moins de 100. Dans toutes les autres provinces, c’est le nombre de circonscriptions avec moins de 200 inscrits qui se comptent sur le bout des doigts.
Il n’y en a qu’une en Ontario, une seule encore dans toutes les provinces atlantiques, quatre en Colombie-Britannique, quatre au Manitoba, neuf dans la très conservatrice Alberta, dont une seule avec moins de 100 inscrits (99). À l’extérieur du Québec, on compte des dizaines de circonscriptions qui passent la barre des 300 inscrits et plusieurs qui franchissent le cap du millier (deux en Colombie-Britannique, cinq dans les provinces atlantiques, neuf en Ontario).
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La lecture de ces chiffres confirme que le PLC est fort là où il l’était sous Jean Chrétien : en Ontario, dans les provinces atlantiques et en Colombie-Britannique. Il semble même prendre du muscle en Alberta. Sur le plan organisationnel, du moins.
Cela plaira au nouveau chef qui, comme tous les autres candidats dans cette course, a dépensé beaucoup d’énergie à courtiser l’Ouest. Si le nombre de personnes inscrites est un indicateur, on peut dire que cela a porté ses fruits. Ce n’est pas gagné, mais le chef libéral sait maintenant qu’il a sur le terrain des militants intéressés sur lesquels il peut compter.
Au Québec, même chose. M. Trudeau sait qu’il peut s’appuyer sur ses militants, l’immense majorité d’entre eux l’ayant appuyé. Ils étaient peut-être moins nombreux, mais leur vote comptait autant. Le poids du Québec lors de l’élection du chef était en effet à peu près proportionnel à son poids démographique parce que le parti a adopté un système de pondération qui accordait un nombre de points identiques à toutes les circonscriptions, peu importe leur nombre de membres et de sympathisants.
C’est pour la suite des choses que Justin Trudeau a un problème. Il ne peut espérer gagner les prochaines élections sans faire de gains au Québec. Et pour cela, il doit lui accorder suffisamment d’attention et le faire de la bonne façon. Le fait que la course à la direction n’ait pas réussi à convaincre davantage de Québécois à redonner sa chance au PLC a valeur de message. Ils n’y trouvent pas ce qu’ils cherchent.
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