La nécessité d’unir ou de fédérer le b.n.a.
Les affrontements idéologiques
entre les partisans et les opposants à l’union
« Cette réflexion fait découvrir aux anti-canadiens-français assimilateurs
le besoin de compter sur le particularisme des Canadiens-français. »
La guerre canado-américaine de 1812 a grandement apeuré les britanniques royalistes du B.N.A. et en particulier ceux des deux colonies du Canada. Si bien que la lutte est ouverte entre les coloniaux et les métropolitains. Le chassé-croisé prend beaucoup d’ampleur. Les Britanniques de Montréal, des Townships, de la ville de Québec et de Kingston discutent du projet d’union que le gouvernement de Londres s’apprête à faire adopter par le Parlement en septembre 1822.
Le canevas de Sewell-Robinson prépare les idées en rapport avec une union législative des provinces. Il est combattu par James Stuart qui préconise d’abord l’union des deux Canadas. Même s’il existe des désaccords entre les Canadiens anglais, il n’en demeure par moins qu’ils cherchent les moyens pour diminuer la prépondérance ou l’influence des Canadiens-Français dans le système colonial de 1791.
Dans ce contexte, deux écoles de pensée se forment dans le camp des Canadiens-Français : d’une part, l’école « séparatiste » et, d’autre part, l’école fédéraliste. Le comportement politique de la nation québécoise est clairement résumé par Maurice Séguin au paragraphe no 17 ci-dessous. Les séparatistes acceptent « un séparatisme provincial » et les fédéralistes souhaitent un rapprochement entre Anglais et Canadiens-Français. Le « Mémoire » des Canadiens de 1814 exprime leurs arguments pour défendre leur nationalité à la fin de la guerre de 1812 (cf. RÉF., no 2 pour l’analyse et le texte intégral du « Mémoire » des Canadiens, p. 173-179 et 187-197). Papineau se rend à Londres en 1822 pour protester contre le projet d’Union (cf. Ibid., p. 211-212). Devant les protestations, le gouvernement britannique retire son projet de loi. Une bataille est gagnée ; cependant, la lutte politique et nationale ne se terminera pas là.
Cette période de l’histoire des deux Canadas illustre la permanence du conflit national jusqu’à nos jours. Pour leur part, les nationalistes Québécois-Français ne parviennent pas encore à comprendre le poids de cette histoire d’Annexion. D’autre part, le Canada-Anglais ne cesse de confirmer l’union de 1840 par-delà les péripéties des combats politiques que se livrent quotidiennement les Québécois et les Canadians d’hier à aujourd’hui. Bien sûr qu’il faut s’inquiéter de notre baisse démographique en tant que Québécois-Français. Mais mettre tous nos œufs dans ce combat est nettement insuffisant compte tenu de notre histoire. Le VRAI combat est celui de l’indépendance du Québec. Tout le reste demeure et demeurera accessoire. Une question s’impose : « À quand cette union de toutes les forces vives indépendantistes ? »
Bruno Deshaies
http://blogscienceshumaines.blogspot.com/
***
HIST 585 Introduction à l’histoire du Canada
Maurice Séguin
Synthèse générale de l’évolution
politique et économique des deux Canadas
10.– La réponse de Londres :
Liverpool, au Colonial Office, reconnaît l’erreur de l’Angleterre : avoir donnée une Assemblée aux Canadiens… un peuple encore étranger ; on s’est aventuré trop loin… Une analyse superficielle qui ne permettra pas de donner immédiatement une solution. Londres refuse de voir l’assemblée coloniale payer les dépenses de l’administration.
11.– Londres refuse aussi l’idée de considérer le Conseil exécutif comme un ministère :
L’exécutif peut administrer avec des revenus qui ne regardent pas l’assemblée : gouvernement métropolitain.
12.– Londres refuse donc d’intervenir :
À cause des circonstances (les guerres de Napoléon), après une analyse superficielle, Londres décide de ne rien faire ; l’Angleterre à ce moment est liée à la guerre avec la France et avec une menace de guerre de la part des États-Unis.
Comme lors de la première génération, ici encore les Canadiens ont bénéficié d’agitations extérieures…
III. – 1812-1814 Guerre entre le Republican North America et British North America
13.– Parmi les multiples causes […], il faut compter aussi la cause continentale américaine : c’est-à-dire le grand ensemble républicain, dont le centre était New-York, venait de s’approprier la région de la Louisiane et le Mississipi ; comment pouvait-il ne pas être tentée par le Saint-Laurent, intéressante voie de commerce ; le Saint-Laurent était encore plus près de New-York que le Mississipi. Il était tout naturel aussi pour ces Américains anglo-saxons d’effacer ce dernier vestige du colonialisme européen.
14.– Les forces en présence : les Américains l’emportent de ce côté et grandement… et pourtant ils essuyèrent un échec :
- divisés (Nouvelle-Angleterre)
- armée mal organisée.
- Mais aussi il fallait compter avec la puissance de la Grande-Bretagne qui peut se libérer à temps pour envoyer son armée et sa marine de ce côté-ci : ainsi elle peut tenir tête aux Américains et les forcer à demander la paix…
15.– Le Canada anglais (British Central Canada) a préservé son séparatisme :
C’est ce séparatisme qui est à la base de sa future indépendance qu’il n’avait pas encore ; indépendance à l’intérieur et à l’extérieur.
IV. – 1814… etc : Influence de cette guerre sur la crise politique et nationale dans le Bas-Canada
Fatalement… la crise en sera colorée :
16.– Chez les Canadiens-anglais :
(1) la guerre rappelle au B.N.A. que si le Canada français est un problème, un obstacle majeur, l’ennemi no 1 le R.N.A. au lendemain de la proclamation de l’indépendance des États-Unis, on pensait qu’ils rentreraient bientôt dans l’orbite anglais… L’Alarme a provoqué la peur… ils ont échappé à l’annexion… la guerre les a fait réfléchir : NÉCESSITÉ D’UNIR ? DE FÉDÉRER LE B.N.A.
(2) Cette réflexion fait découvrir aux anti-canadiens-français assimilateurs le besoin de compter sur le particularisme des Canadiens-français. Cette idée n’est pas neuve : des gens comme Murray, Carleton et Haldimand avaient joué cette note lors de la 1re génération. Ceux qui avaient envisagé l’assimilation et le peuplement de la colonie, même à l’aide de Républicains (ils savaient que c’était un risque) révisent maintenant leur plan : grouper et fédérer les forces du B.N.A. qui ne veulent pas passer du côté des États-Unis, parmi lesquelles se trouvent les Canadiens-Français.
(3) Sewell corrige son plan : un embryon de synthèse : unir le B.N.A., tous les anti-américains, dont les Canadiens-Français, toutes les colonies en donnant aux Anglais une majorité au-dessus des Canadiens-Français. On fera aux Canadiens des concessions permanentes pour s’en faire des alliés utiles… La majorité anglaise sera naturelle (par la colonisation anglaise) ou artificielle (par une représentation faussée à l’Assemblée). On favorise encore la manière autoritaire : le Conseil législatif encore nommé par Londres.
17.– Chez les Canadiens-français :
(1) Ils comprennent la différence entre appartenir à l’empire britannique et être annexés aux États-Unis… La conscience des Canadiens-Français fut ébranlée par la guerre, la menace d’être engloutis par les États-Unis.
(2) Deux écoles se forment :
a) l’école « séparatiste » : les Canadiens veulent jouir de la constitution de 1791, contre la clique, les gens en place ; les Canadiens-Français sont en majorité, donc ils doivent avoir la majorité des conseillers… Alliance entre Canadiens-Français et la Grande-Bretagne, parce que les Canadiens-Français, seuls devant les États-Unis, sentent qu’ils ont besoin de protection : province de l’Empire britannique ; ils jurent sur leur vie qu’ils sont les plus loyaux des loyaux sujets de Sa Majesté. C’est un esclavage qu’ils acceptent là… mais ils ont absolument besoin d’être protégés : ils raisonnent ainsi : « nous accepterons pour toujours le drapeau britannique, pourvu que les Anglais ne nous gouvernent pas à l’intérieur ». Ils acceptent « un séparatisme provincial ».
b) l’école fédéraliste : veulent bien la constitution de 1791 mais comme province du B. N. A. fédéré ; opinion de quelques individus seulement ; la masse des chefs et du peuple étaient plutôt favorable à la première doctrine. Chez Étienne Parent : « pour mieux lutter vs les États-Unis, un rapprochement entre Anglais et Canadiens-Français.
La crise des années 1820 et les tentatives de solution (suite à la prochaine chronique)
RÉFÉRENCES :
(1) Maurice SÉGUIN, « Synthèse générale de l’évolution politique et économique des deux Canadas. » Notes de cours établies par les étudiants qui ont suivi le cours HIST 585 intitulé « Introduction à l’histoire du Canada » en 1961-1962. Description : « Sociologie du national. Les principales explications historiques de l’évolution des deux Canadas. » (Université de Montréal, Département d’histoire.)
(2) Maurice Séguin, Histoire de deux nationalismes au Canada, Montréal, Guérin, Éditeur, 1997.
Projets d’union fédérale (1823-1824) :
- Plan Sewell-Robinson, 213-215 ;
- Politique de Stuart, p. 215-216 ;
- Position du gouverneur Dalhousie, p. 216 ;
- Projet d’union fédérale de 1823-1824 : « Annonce de 1840 et de 1867 », p. 217.
(3) Michel ALLARD, et al., éds, Les Deux-Canadas 1810-1867. Montréal, Guérin, Éditeur, 1985 (Coll. « L’histoire canadienne à travers le document », vol. no 4.) Consulter l’introduction générale et celle de chacune des cinq parties de l’ouvrage (p. 14, 17, 55, 97-98, 141-142, 179). Il s’agit de documents qui couvrent les thèmes qui suivent : population et immigration, apprentissage parlementaire, l’union législative, la vie économique et la vie sociale. Nous signalons en particulier l’utilité des cartes, des tableaux des listes de gouverneurs, d’administrateurs, des ministres du Canada-Uni, des évêques catholiques de Québec et de Montréal, sans compter les graphiques très significatifs des structures administratives et gouvernementales pour cette période. ISBN : 2-7601-1426-0
***
DOCUMENTS
Union des deux Canadas ou
fédération du B.N.A. ?
(1823-1824)
« Un jour ou l’autre, nous deviendrons un grand peuple – cela est certain – et nos fils vivront peut-être assez longtemps pour voir cela ». (Lettre de Robinson à Macaulay en 1823, citée dans le Dictionnaire biographique du Canada en ligne.)
PRÉSENTATION
Après 1822, plusieurs projets de fédération sont élaborés. Le projet d’union Sewell-Robinson vise surtout une union législative du B.N.A. tout en acceptant l’existence d’administrations provinciales. Les auteurs flirtent avec l’idée de fédération à la place d’une simple union des deux Canadas.
D’une manière générale, l’« union législative des diverses provinces » est demandée pour des raisons qui concernent les britanniques. Ceux-ci font miroiter aux yeux des Canadiens des motifs d’apparence. Par exemple, ils défendent la nécessité de l’union avec les anglais pour lutter contre les américains en alléguant que les canadiens perdront leur religion. Ils exploitent le sentiment anti-étasunien des Canadiens en flattant l’esprit de combattivité de leurs ancêtres. Ils souhaitent conserver la loyauté des Canadiens-Français à leur avantage. Un but nettement machiavélique. Pour s’attirer la cote de l’Église catholique romaine, ils signalent qu’elle ne serait plus considérée « comme une Église établie » dans le cas où elle ne serait plus « sous la domination de l’Angleterre ».
Dans le contexte des tensions entre le B.N.A.et les États-Unis, les partisans de l’union législative des provinces considèrent qu’il faut réunir les forces du B.N.A. Ce serait, croient-ils, une excellente mesure pour assurer la défense du Canada : « au lieu de cinq, un seul code militaire serait en vigueur dans toutes les provinces ». Cependant, il est évident que Sewell et Stuart ne croient pas au self-government colonial. Il y aura donc une lutte entre les conservateurs et les réformistes. Finalement, par-delà les considérations immédiates, l’axe Montréal-Toronto exige l’union ; et l’axe Montréal-Toronto associé aux autres provinces, c’est la fédération.
Avant de devenir procureur général du Bas-Canada, le 31 janvier 1825, James Stuart réfléchit sur le texte de Sewell et de Robinson. Il accepte l’idée d'une union législative. Mais il veut d'abord une union des deux Canadas ; nous penserons après à une fédération. Il n’est pas nécessaire de créer une fédération si l’on peut avoir l’union des deux Canadas. Il défend le projet de loi de 1822 avancé par le Parlement britannique. Pour Stuart, et c’est le fait important à noter, il est nécessaire de passer par un régime d’union avant d’avoir un gouvernement fédéral.
Source : Adam SHORTT et Norah STORY, éds, Documents concernant l’histoire constitutionnelle du Canada, 1819-1828. Ottawa, J.-O. Patenaude, 1935, p. 242-252. ICI
Le plan Sewell-Robinson(*)
(1823-1824)
« …on ne propose rien d’autre qu’une union législative des provinces… »
Consulter le site Internet « Notre mémoire en ligne » pour accéder à la lecture intégrale du document. ICI
PROJET D’UNION GÉNÉRALE DANS L’AMÉRIQUE DU NORD
Extrait d’un document intitulé : « mémoire sur la façon de promouvoir les intérêts communs de la mère patrie et de ses colonies dans l’Amérique du Nord ». [1824]
(P. 242) La province de Québec qui s’est d’abord composée des deux Canadas et de la Nouvelle-Écosse […], le Haut-Canada au moment de la paix de 1783 [au traité de Paris qui a confirmé la Déclaration d’indépendance de 1776] fut colonisé exclusivement par des officiers et des soldats licenciés ainsi que des réfugiées ; de tels gens s’établirent aussi en grand nombre dans la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Les colons que ces provinces reçurent depuis cette date furent des loyalistes […]. L’immense majorité des habitants des provinces est donc royalistes et, à ce titre, elle est opposée au Gouvernement des États-Unis ; en outre, comme ces habitants sont prospères, à peu près exempts d’impôts […] ils n’ont aucune raison de devenir citoyens des États-Unis : ce changement n’améliorerait pas leur situation. […]
(P. 243) Le nombre des personnes d’origine britannique qui habitent le Bas-Canada s’élève à 30,000 [ « ce nombre s’est accru et s’élève maintenant à 40,000 au bas mot »] ; les autres habitants sont catholiques romains et d’origine française. […]
[…] les ancêtres de ces Français [« des débuts de la colonie » en Nouvelle-France]… vinrent aux prises [contre les Américains] au cours d’incursions sur la frontière qui […] suscitèrent chez le Canadien, […] un esprit de revanche contre le « Bostonnais » (c’est le mot employé pour désigner l’Américain). Et la constatation des succès que rapportèrent ses ancêtres […] flatte sa vanité […] pour repousser les Américains en 1775 et au cours de la dernière guerre [de 1812]. »
En outre, le Français devenu canadien […] abhorre la pensée d’être conquis par les États-Unis, […] redoute aussi l’abolition de sa langue à laquelle il est peut-être fortement attaché. Mai il craint tout particulièrement l’abolition du système féodal actuellement en vigueur au Canada […]. Il pense donc avoir des motifs personnels de défendre la province contre les agressions des Américains […].
À ces causes doit s’ajouter l’influence du clergé catholique romain. Il est notoire que les États-Unis n’ont pas de religion établie […]. On y tolère pas la dîme et le Gouvernement, en n’accordant ni traitement ni allocation, ne contribue pas au soutien d’une Église quelconque. En Amérique, […] au cas où les États-Unis s’empareraient du Canada, […] cette Église [catholique romaine], parmi plusieurs autres, n’aurait pas le droit d’exiger de prééminence ou de jouir de certains avantages et, pour subvenir à ses besoins, elle devrait compter uniquement sur l’appui volontaire de ses fidèles.
Au Canada, bien au contraire, l’Église catholique romaine se considère (aussi longtemps que le Canada reste sous la domination de l’Angleterre) comme une Église établie. […]
(P. 244) […] le contraste qui existe entre la situation de l’Église catholique romaine au Canada, sous le gouvernement de Sa Majesté, et la situation dans laquelle elle se trouverait sous le gouvernement des États-Unis est si grand que l’on ne saurait douter de ses conséquences […]
[…] au cas où les Américains envahissaient le pays, les habitants de la province s’efforceront de le défendre […]
Dans ces circonstances, il semble nécessaire de suivre une ligne de conduite qui contribuera à consolider les intérêts et la puissance des provinces : […] en cas de nécessité, toutes les forces de provinces ne peuvent être réunies au moment voulu, sur un point quelconque de leur territoire, pour leur défense, jusqu’à ce qu’elles reçoivent le secours ; et on ne saura obtenir ce résultat à moins que les mesures coloniales tant exécutives que législatives, à l’effet de pourvoir à la défense des provinces ne tiennent compte des deux provinces considérées comme une entité.
Il y a actuellement en Amérique cinq législatures provinciales : les législatures du Bas-Canada, du Haut-Canada, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l’Île du Prince-Edouard. Ces législatures ressemblent à celle de la mère patrie et sont indépendantes […]. En outre, il est parfaitement vrai que la Couronne n’exerce qu’une faible influence sur les branches populaires de l’une quelconque de ces législatures provinciales ; et il est hors de conteste qu’elle est dépourvue de cette influence qui lui permettrait de faire adopter une seule mesure, même opportune ou d’une absolue nécessité pour toutes les provinces ou pour l’Empire, à l’encontre d’intérêts régionaux quelconques qui pourraient militer contre cette mesure et être utilisés contre son adoption.
En conséquence, quoiqu’il soit obligé de pourvoir à la protection et à la défense des provinces, il est clair que le Gouvernement impérial ne dispose pas de moyens qui lui permettent de tirer parti des ressources des provinces pour atteindre ces fins si importantes.
UNE UNION LÉGISLATIVE DES DIVERSES PROVINCES FERAIT, DANS UNE GRANDE MESURE, DISPARAÎTRE CES MAUX ET CONSOLIDERAIT LES INTÉRÊTS ET LA PUISSANCE DES PROVINCES POUR LES MOTIFS SUIVANTS [phrase mise en majuscules par nous] :
Il existe actuellement cinq assemblées et il va de soi qu’il serait plus facile d’en ériger une que de diriger cinq assemblées quelconques populaires et électives.
[…]
(P. 245) Dans un seul parlement général, la représentation d’une seule province ne constituerait pas une majorité ; en conséquence, les simples passions ou préjugés locaux disparaîtraient et l’on considérerait collectivement les intérêts de l’Empire et des provinces.
Les officiers du gouvernement exécutif de chaque province – qui sont, de fait, des officiers de l’Empire et non des provinces, surtout s’ils sont nommés par le gouverneur général – se sentiraient protégés contre les attaques que déclenchent sans motif suffisant les branches populaires des législatures provinciales ; […] la puissance du Gouvernement impérial en serait donc considérablement accrue.
Au lieu de cinq, un seul code mili taire serait en vigueur dans toutes les provinces ; et leurs forces matérielles ainsi soumises à la direction du vice-roi ou du gouverneur général pourraient être réunies dans le dessein de réprimer les révoltes locales ou de repousser une invasion étrangère à quelque moment que ce soit […]. Voilà une conséquence qui est par elle-même si manifestement avantageuse à toutes les provinces qu’elle semble, à elle seule, constituer un motif suffisant d’union.
On doit toutefois observer que l’on ne propose rien d’autre qu’une union législative des provinces. On ne désire pas faire disparaître dans l’une quelconque des provinces l’un quelconque des postes à la nomination de la Couronne. Bien au contraire, on a l’intention de laisser chaque province sous la direction d’un lieutenant-gouverneur et de maintenir dans chacune d’elles le département exécutif.
- - -
(*) Les auteurs du mémoire : Jonathan SEWELL, juge en chef dans le Bas-Canada et John Beverley ROBINSON, procureur général dans le Haut-Canada.
L’opposition de James Stuart
(Londres, 8 avril 2004)
Consulter le site Internet « Notre mémoire en ligne » pour accéder à la lecture intégrale du document. ICI
(P. 246) Lorsque l’on déclare que cinq colonies – et même six, selon une version, – sont aptes à être membres de la confédération projetée, l’impression produite sur l’esprit des gens qui ne connaissent pas ces colonies est excellente. Et pour corriger leur erreur, il devient nécessaire de savoir quelles sont ces colonies et, à l’égard d’un semblable projet, d’étudier leur état et leur situation. […]
(P. 247) La faible population de ces pays, le peu de progrès qu’ils ont accomplis jusqu’ici ainsi que leur situation respective font qu’il n’est pas facile de découvrir un motif quelconque justifiant à l’heure actuelle la création d’un système politique aussi important et onéreux que le serait un gouvernement fédératif ; et de fait, on ne saurait assigner à un tel gouvernement un but quelconque [?].
(P. 248) Dans l’état présent de la colonie, un gouvernement fédératif ne saurait pourvoir efficacement à la défense des provinces, ce qui constituerait pour lui le plus important sujet de législation. Les pays vraiment exposés et dont l’invasion est à redouter sont les Canadas ; mais leur situation est telle qu’ils ne peuvent guère obtenir du secours des colonies-sœurs : éloignées comme elles sont, avec une population et des ressources si faibles […]. Il semble donc évident que, pour le moment, une union de toutes les provinces britanniques ne remplirait aucune fin utile ou juste. […] Mais vouloir établir à l’heure actuelle un tel gouvernement serait une entreprise tout à fait prématurée. […] … les Français du Bas-Canada ne voudraient pas, certes, y entrer, comme on l’a supposé, sur un pied d’égalité avec l’Île du Prince-Edouard et Terre-Neuve dont la population réunie et stable n’égale pas celle de l’une des villes de cette province. […] La population du Bas-Canada dépasse celle de toutes les autres provinces que l’on se propose de fédérer [fait inexact]. Et ce qui constitue un très sérieux obstacle à toute union fédérative (p. 249) immédiate des provinces britanniques, c’est que cette province française – car on peut la désigner ainsi à l’heure actuelle – aurait le droit et ne pourrait guère manquer d’exercer une influence prépondérante dans toute union générale qui pourrait être établie actuellement […]. Il est vraiment étrange que les auteurs de ce projet aient cru que l’union générale projetée pourrait faire disparaître l’un quelconque des maux auxquels on voulait remédier par l’union des Canadas en une seule législature. […]
(P. 250) Les auteurs de ce projet d’union générale [Sewell et Robinson] auraient été bien inspirés si, avant de s’opposer à l’union des Canadas, ils s’étaient demandé quelle chance il y aurait d’accroître la puissance et les ressources des Canadas et de les mettre en état de se défendre contre un ennemi du dehors en établissant un mode de gouvernement qui tendrait à rendre une si importante partie de la population hostile au gouvernement et à en prévenir l’accroissement. […] S’il est établi, le gouvernement général ne pourra être rien d’autre qu’un placide spectateur de ces maux [c’est-à-dire ceux que Sewell-Robinson pensent régler].
(P. 251) On croit très fermement, écrit Stuart, qu’il serait impossible de prouver que l’union des Canadas nuirait d’une façon quelconque à l’une ou l’autre des provinces, quoique certains intérêts locaux et personnels puissent en souffrir. […] L’union aurait pour résultat d’établir, sans violer un seul principe d’équité, une législature qui serait en bonne intelligence avec les autres branches du gouvernement, adopterait une politique qui s’inspirerait des intérêts de la mère patrie et des colonies, et obtiendrait par l’utile et intelligent exercice de son pouvoir le respect et la confiance de toute la population. […] Les assemblées actuelles renferment trop de membres pour pouvoir subir une influence quelconque du gouvernement exécutif ; et le principe même qui préside à leur composition favorise l’action de l’esprit de parti et des préjugés plus que ne le ferait l’assemblée plus considérable des Canadas unis [ce qui est une prévision douteuse]. … la majorité de l’assemblée des Canadas unis tiendrait compte de l’intérêt public et, loin d’embarrasser le gouvernement exécutif, faciliterait l’exécution des importantes fonctions de ce corps. […] (p. 252) … elle communiquerait très opportunément aux habitants le sentiment de leur plus grande importance, l’union des provinces accroîtrait leur hostilité à la domination américaine ainsi que de resserrer le lien qui les unit à la Grande-Bretagne parce qu’il constitue pour eux l’unique moyen d’échapper au danger [?]. […] Lorsqu’ils s’opposèrent à une union, les Canadiens français agirent sous le coup de l’émotion passagère [ce qui est vrai et faux] que produisirent ces mêmes articles et qui depuis longtemps s’est évanouie [influence de la pensée magique]. […] Sans l’union, les lois, la religion et la langue des Canadiens français seraient à la merci d’une démocratie américaine … ; avec l’union elles seraient peut-être exposées au danger de s’altérer graduellement, mais elles jouiraient, en somme, d’une grande sécurité en vertu des garanties légales qu’elles possèdent et de la protection du Gouvernement impérial. En approuvant l’union, […] il est certain que toute la population française partagera bientôt [il y aura 1837 !] l’opinion qui vient d’être exposée. […]
Somme toute, il semble qu’un examen impartial du projet doive porter à tirer les conclusions suivantes : il ne serait pas opportun présentement d’établir une union générale des provinces britanniques et il serait prématuré d’adopter ce projet ; l’adoption d’une telle mesure ne fera en aucune façon disparaître la nécessité d’obtenir l’union projetée des Canadas en une législature, mais au contraire, cette dernière mesure devrait être considérée comme le prélude de la première.
***
Renseignements bibliographiques complémentaires :
- Le plan Sewell-Robinson a été largement diffusé en Angleterre (1824?).
Robinson a aussi écrit avec Jonathan Sewell : Plan for a general legislative union of the British provinces in North America (Londres, [1824]), réimprimé dans General union of all the British provinces of North America (Londres, 1824), 43, 20, 16 p. ; 22 cm.
Contenu : 1. Plan for a general legislative union of the British provinces, in North America Mr. Sewell and Mr. Robinson] — 2. Remarks on a plan entitled, "A plan for a general legislative union of the British provinces, in North America" [Mr. Stuart] — 3. Observations on the policy of a general union of all the British provinces of North America (Rev. Dr. [John Strachan) Source : Nova Scotia Archives & Records Management.
- James Stuart critique le plan Sewell-Robinson (Londres, 8 avril 1824)
Jame Stuart est l'auteur de : Observations on the proposed union of the provinces of Upper and Lower Canada, under one legislature, respectfully submitted to his majesty's government, by the agent of the petitioners for that measure (Londres, 1824) ; « Remarks on a plan, entitled "A plan for a general legislative union of the British provinces in North America" », paru dans General union of all the British provinces of North America (Londres, 1824). Nommé procureur général du Bas-Canada le 31 janvier 1825. Rédigea le texte de la loi sur l’union des deux Canadas et celui de l'ordonnance qui créait les bureaux d’enregistrement. Source
- Rev. Dr. John Strachan défend le plan Sewell-Robinson
À l’occasion d’un séjour en 1824 en Angleterre], Strachan s’occupa également d’un problème politique fort important ; il s’agissait d’établir lequel de ces deux régimes était le plus avantageux : l’union du Haut et du Bas-Canada ou l’union de toutes les provinces de l’Amérique du Nord britannique. La question n’était pas nouvelle pour lui. Lorsqu’il avait entendu parler du projet d’union en 1822, il avait envoyé presque aussitôt une série d’objections au ministère des Colonies, soutenant que l’union des deux provinces rendrait celles-ci « mécontentes sinon rebelles » et que la colonie tomberait au pouvoir des Canadiens français parce que la minorité antigouvernementale du Haut-Canada allait s’unir à un bloc solide de Canadiens français pour dominer l’Assemblée unie. En outre, il s’était mis en rapports épistolaires avec le procureur général John Beverley Robinson qui avait été mêlé à cette question en 1822, dès son arrivée à Londres où il était venu demander aux autorités britanniques d’intervenir dans un litige commercial entre le Haut et le Bas-Canada. Quand le ministère des Colonies demanda à Strachan d’exprimer ses vues, celui-ci présenta un rapport dans lequel il affirmait que l’union envisagée allait nuire aux intérêts britanniques en général et à l’Église d’Angleterre en particulier. Au lieu de l’union des deux Canadas, il adoptait le plan mis de l’avant par Robinson visant à une « union législative générale des provinces britanniques de l’Amérique du Nord ». Cette union offrait, selon lui, plusieurs avantages : entre autres, elle « deviendrait une barrière importante contre les empiétements des États-Unis » et « en ce qui a[vait] trait au [...] Bas-Canada, les opinions et les craintes qui présentement en troubl[ai]ent la paix se calmeraient peu à peu [...]. Les Canadiens français s’angliciseraient graduellement et sans heurt. » Cité dans le [Dictionnaire biographique du Canada en ligne
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé