(Québec) Les Québécois iront aux urnes en septembre. Si les sondages des derniers mois se confirment, le prochain gouvernement sera minoritaire. Les enjeux de fond seront importants et traiteront notamment du Plan Nord, du conflit étudiant, de la corruption dans la construction, du financement des partis politiques, du projet souverainiste et des finances publiques. Mais après des années de controverses et de querelles à l'Assemblée nationale, ces élections constituent le test final pour les chefs. Pour certains, ce sera le dernier combat. Pour d'autres, ce sera l'ouverture d'une nouvelle fenêtre politique pleine de surprises et de défis. En voici un bref aperçu.
JEAN CHAREST: Le lancer de dés
Tout comme son mentor, Brian Mulroney, qui a malencontreusement déclaré avoir «lancé les dés» en tentant de sauver l'accord du lac Meech en 1990, Jean Charest se prépare à lancer les dés pour obtenir un nouveau mandat. Le pari est risqué compte tenu du taux d'insatisfaction à son endroit, mais c'est la dernière chance du chef libéral.
La machine électorale du PLQ est lancée. Le ministre Norman MacMillan a révélé mercredi qu'on lui avait demandé de devancer l'annonce de son départ pour laisser la place à un successeur. Comme je l'écrivais il y a deux semaines, Jean Charest veut bouger plus tôt que tard, soit le 10 septembre ou même le mardi 4 septembre. Personne cependant ne connaît sa décision, pas même les ministres dont la plupart sont en vacances jusqu'au 28 juillet. Tout ce qu'ils ont vu lors de leur dernière rencontre, la semaine dernière, c'est un chef «prêt pour la guerre», m'a raconté l'un d'entre eux, en me conseillant de prendre mes vacances sans tarder...
La prochaine réunion du Conseil des ministres se tiendra le 1er août, date à laquelle Jean Charest devrait leur dévoiler ses intentions.
Quelle que soit la date du scrutin, ce sera la dernière campagne de Jean Charest. S'il est battu, il démissionnera. S'il est réélu à la tête d'un gouvernement minoritaire, il gouvernera un an ou deux et pourra partir avec tous les honneurs réservés au chef du PLQ qui aura battu tous les records de longévité et de réélections de ses prédécesseurs.
PAULINE MAROIS: Les trois faucons
Quand Pierre Trudeau, Jean Marchand et Jean Pelletier se sont lancés en politique fédérale, le journaliste Jean V. Dufresne a parlé des «trois colombes». L'expression est passée à l'histoire. Si le Parti québécois fait élire les journalistes Bernard Drainville, Pierre Duchesne et Jean-François Lisée, il faudra trouver un qualificatif pour ce triumvirat. Je doute cependant que l'on puisse parler de «colombes» dans leur cas, compte tenu de leur personnalité, de leurs convictions, de leur intelligence et de leur ego... On ne les qualifiera pas de «caribous» parce qu'ils ne sont pas suicidaires au point de vouloir un référendum à tout prix. Mais on parlera peut-être des «trois faucons».
Drainville, Duchesne et Lisée ne vont pas en politique pour s'asseoir sur leur siège dans l'attente du «grand soir». Ils vont vouloir accélérer les choses. Si Pauline Marois a eu des difficultés à «gérer» Pierre Curzi, Lisette Lapointe et Louise Beaudoin, imaginez ce qui l'attend avec ces trois impatients... Drainville à lui seul est parvenu à imposer son idée des référendums d'initiative populaire. On me dit qu'il est très proche de Pierre Duchesne. Je ne sais pas quelles sont ses relations avec Lisée, mais si les trois s'entendent, ils en mèneront large au sein du caucus, ce qui provoquera des tensions à l'interne.
Qu'elle prenne ou non le pouvoir, Mme Marois devra composer avec leurs ambitions. L'exercice sera complexe. Qui sera nommé ministre si elle forme le gouvernement? Des trois colombes, seul Trudeau avait accédé immédiatement au cabinet, ce qui avait frustré les deux autres. Mais si Pauline Marois devait perdre une deuxième fois devant quelqu'un aussi impopulaire que Jean Charest, les faucons n'auront pas de pitié et la chasseront de son nid.
FRANÇOIS LEGAULT: La balance du pouvoir
François Legault ne prend pas de vacances en juillet. L'élection complémentaire dans Argenteuil lui a fait comprendre qu'il avait un gros rattrapage à faire...
C'est vrai que M. Legault part loin derrière les autres, mais il ne faut pas l'écarter pour autant. Si le prochain gouvernement est minoritaire, c'est lui qui aura la balance du pouvoir. Cela veut dire qu'il pourrait imposer certaines de ses politiques au gouvernement minoritaire libéral ou péquiste, à défaut de quoi il pourrait contribuer à battre le gouvernement en chambre.
Pour les libéraux, ce serait peut-être moins difficile, à tout le moins sur le plan budgétaire, puisque François Legault appuie la réduction des dépenses gouvernementales afin de revenir à l'équilibre budgétaire. C'est la raison pour laquelle il a donné son appui à la hausse des droits de scolarité des étudiants. Mais pour le PQ, dont il était membre il n'y a pas très longtemps, ce serait plus difficile. Il n'est pas certain, par exemple, que la CAQ appuierait la promesse de Pauline Marois d'abolir la taxe santé de 200 $ par année et de compenser le manque à gagner par une hausse d'impôt des contribuables mieux nantis. Tout comme il est évident qu'il ne serait pas satisfait d'une simple indexation des droits de scolarité, telle qu'évoquée par Mme Marois.
Il serait intéressant, par ailleurs, de voir sa position sur les projets à saveur souverainiste d'un gouvernement péquiste. M. Legault demeure souverainiste même s'il a reporté ce débat à plus tard, mais sa coalition comprend des fédéralistes convaincus.
Quoi qu'il en soit, le discours électoral de François Legault sera à surveiller parce qu'il y a de fortes chances qu'il soit un joueur très important au lendemain des élections.
AMIR KHADIR: La barre du 4 %
Tous les Québécois connaissent Amir Khadir et beaucoup ont apprécié ses coups de gueule contre les grands de la finance, comme Henri-Paul Rousseau, et ses prises de position dans le dossier de l'amphithéâtre de Régis Labeaume. Mais beaucoup d'autres ont mal accueilli son comportement personnel ainsi que celui de sa famille pendant le conflit étudiant. Le coloré député demeure seul chez les élus de l'Assemblée nationale et serait bien heureux d'y doubler la représentation de son parti. Québec solidaire n'a jamais dépassé le cap des 4 % aux élections générales de 2007 et 2008. Le parti a eu de grands espoirs en obtenant 8,92% des voix à l'élection complémentaire du 5 décembre dans Bonaventure qui visait à remplacer Nathalie Normandeau. Mais il n'a fait qu'un petit 2,67 % des voix dans Argenteuil le 11 juin dernier.
JEAN-MARTIN AUSSANT: Survivre!
Le chef d'Option nationale, Jean-Martin Aussant, a été élu avec une infime majorité de 175 voix dans Nicolet-Yamaska, en 2008. Il représentait alors le PQ et avait été talonné de très près par les libéraux et l'ADQ. Son parti, nouvellement formé, ne survivrait pas à sa défaite. Il faudra qu'il soit bien populaire dans sa circonscription pour survivre à la bataille qu'y livreront libéraux, péquistes et caquistes. S'il y parvient, les politicologues se pencheront avec intérêt sur son cas. Pauline Marois également...
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