Le mépris de soi

Avec le déclin du français, c’est la culture québécoise qui s’effiloche, qui s’efface. La « paix linguistique » héritée des années 1990 a été signée sur la défaite du français. Il n’est pas interdit de reprendre la bataille.

Écoles passerelles - Loi 115

Camoufler le réel est une seconde nature. Surtout au Québec. On fantasme sur l’hybridité multiculturelle plutôt que d’admettre la dissolution de l’identité québécoise à Montréal. Ou on s’épanche sur les vertus du bilinguisme obligatoire pour ne pas avouer la régression du français comme langue de travail. Mais masquer la réalité ne la fait pas disparaître. Et une vieille maladie « canadienne-française » refait surface : le mépris de soi. Ses symptômes sont nombreux.
Par exemple, combien de jeunes Québécois se réclamant de l’urbanité la plus branchée ont pris l’habitude du sabir montréalais en passant dans la même phrase du français à l’anglais comme s’il s’agissait d’une manifestation de sophistication identitaire. Parler deux langues, c’est bien. Mais les parler en même temps, ce ne l’est plus. Trop souvent, « l’ouverture à l’autre » est le prétexte d’une bêtise qui se prend pour du raffinement.
Pareillement, on se pâme devant ceux qui parlent anglais « sans accent ». Mais de quel accent parle-t-on? Imagine-t-on un Norvégien parler anglais « sans accent »? Un Texan parle-t-il anglais « sans accent »? Et un Britannique? Où parle-t-on cet anglais épuré auquel on devrait se conformer? Les Québécois ne rêvent pas seulement de bien parler anglais, ce qui va de soi, mais de masquer la trace d’une origine qu’ils croient honteuse.
C’est dans ce climat malsain que se tient actuellement la commission parlementaire sur le projet de loi 103.
Désormais, il suffira de passer quelques années dans une école privée non subventionnée pour s’acheter un droit constitutionnel à l’école anglaise. Le gouvernement québécois consacre ainsi une stratégie de contournement de la loi 101 pour ceux qui voudront se dérober à leur devoir d’intégration à la majorité. Au nom d’une « liberté de choix » illusoire, il programme la marginalisation de l’identité québécoise.
La ministre Christine St-Pierre soutient que son projet vise à protéger la réputation internationale d’un Québec ne pouvant se permettre une nouvelle violation des « droits fondamentaux ». Cette criminalisation implicite de toute réaffirmation linguistique est inacceptable. En fait, le projet de loi 103 plie encore une fois nos lois linguistiques aux exigences de la Cour suprême. Cette dernière feint de respecter la loi 101 tout en la modérant. Dans les faits, elle multiplie contre elle les tirs ciblés.
Avec le déclin du français, c’est la culture québécoise qui s’effiloche, qui s’efface. La « paix linguistique » héritée des années 1990 a été signée sur la défaite du français. Il n’est pas interdit de reprendre la bataille.


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