Rapport du GIEC

Le péril climatique s’accentue

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Tous nos choix sont à revoir, tout comme notre notion du développement. Il en va de notre survie

Nul ne sait s’il sera entendu, mais le signal d’alarme du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne laisse aucune place au scepticisme.
La planète subit des bouleversements climatiques qui s’annoncent catastrophiques si rien n’est fait pour réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre générées par l’activité humaine.
Le premier volet du très attendu cinquième rapport du GIEC, rendu public vendredi matin, met clairement en lumière qu’il est « minuit moins cinq » pour tenter de trouver une issue viable aux changements climatiques, comme le rappelait récemment son président, Rajendra Pachauri.

Selon les différents scénarios élaborés à partir de travaux menés par des centaines de scientifiques, et entérinés par les représentants de 110 pays, le thermomètre planétaire grimpera encore de 0,3 °C et 4,8 °C au cours du présent siècle. L’hypothèse la plus optimiste supposerait toutefois une réduction drastique et quasi immédiate des émissions de gaz à effet de serre (GES). Quant au scénario qui nous amène à une hausse de près de 5 °C, il se base sur la continuité du modèle de développement actuel, centré sur une utilisation massive des énergies fossiles.

La communauté internationale s’est officiellement donné comme objectif de contenir l’augmentation à 2 °C. Mais ce tour de force « ne viendra que si une action rapide est lancée », a prévenu vendredi le secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale, Michel Jarraud. En fait, selon ce qu’ont expliqué des experts associés au consortium Ouranos, cette limite sera respectée uniquement si l’humanité parvient à réduire ses émissions globales de GES de 10 % par décennie, en plus de développer des technologies de séquestration de carbone.

Conséquences désastreuses

Jusqu’à présent, la réalité s’éloigne un peu plus chaque jour de cet objectif. En fait, les émissions de GES ne cessent de croître année après année. Au point où, selon des estimations de la Banque mondiale et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la hausse du thermomètre pourrait atteindre de 3 à 5 °C. Un tel bond « aurait des conséquences désastreuses en matière d’événements climatiques extrêmes et d’élévation du niveau de la mer, et entraînerait d’énormes coûts économiques et sociaux », selon la directrice générale de l’AIE, Maria van der Hoeven.

Tout pointe donc vers une amplification des effets des bouleversements climatiques, conclut lui aussi le GIEC. Le document d’une trentaine de pages publié vendredi revoit d’ailleurs à la hausse la montée appréhendée du niveau des océans. Les scientifiques, qui travaillent avec des modèles de plus en plus précis, l’estiment désormais à une moyenne de 26 à 82 cm d’ici à 2100. Dans le dernier rapport du GIEC, publié en 2007, on évaluait que cette montée atteindrait de 18 à 59 cm.

« Alors que les océans se réchauffent, mais aussi que les glaciers et le couvert de glace reculent, le niveau des océans continuera d’augmenter, mais à un rythme plus rapide que ce que nous avons vécu au cours des 40 dernières années », a prévenu le vice-président du GIEC, Qin Dahe.

Le sujet est très préoccupant pour nombre d’États insulaires du Pacifique. Mais il concerne aussi des dizaines de millions de personnes vivant dans les mégalopoles côtières et les grands deltas. Une récente étude parue dans la revue Nature Climate Change chiffre d’ailleurs l’impact économique potentiel des inondations dans les 136 villes côtières de plus d’un million d’habitants : le coût pourrait dépasser en 2050 les 1000 milliards de dollars si rien n’est fait pour les protéger.

Il faut dire que les climatologues prennent désormais mieux en compte un phénomène encore peu étudié il y a six ans : la fonte de plus en plus évidente des glaciers côtiers du Groenland et de l’Antarctique, qui a un impact majeur sur l’apport d’eau dans les océans.

En plus de ces formations de glace, le GIEC constate que la superficie de la banquise arctique recule un peu plus chaque année, au point où la région sera totalement libre de glace pendant une partie de l’année avant 2050. Sans compter que la fonte constatée au Nord se manifeste aussi dans le pergélisol, ce qui provoquera plus que jamais la libération massive de méthane. Cette substance est aussi un gaz à effet de serre 20 fois plus puissant que le CO2.

Météo extrême

Il est également probable que le réchauffement planétaire aura pour effet de multiplier et d’intensifier les événements météorologiques extrêmes. « Les vagues de chaleur vont probablement se produire plus fréquemment et durer plus longtemps. Avec le réchauffement de la Terre, nous nous attendons à voir les régions actuellement humides recevoir davantage de précipitations et les régions sèches en recevoir moins, même s’il va y avoir des exceptions », a expliqué vendredi Thomas Stocker, coprésident du GIEC.

Et quoiqu’en pensent encore certains climatosceptiques, il apparaît de plus en plus difficile de nier l’importance de l’activité humaine dans les bouleversements du climat mondial. Le GIEC estime en fait qu’il est désormais « extrêmement probable » que notre influence soit la principale cause du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle, ce qui équivaut à 95 % de certitude dans la terminologie très précise du rapport. Dans son précédent rapport, en 2007, cette certitude était de 90 %.

« Ce rapport confirme - avec encore plus de certitude que dans le passé - qu’il est extrêmement probable que les changements dans notre système climatique depuis les 50 dernières années soient dus à l’influence humaine. Cela devrait encore une fois nous mener à une autre prise de conscience que nos activités d’aujourd’hui auront un impact majeur sur la société, et pas uniquement pour nous, mais aussi pour plusieurs générations à venir », a insisté le secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale, Michel Jarraud.

Agir maintenant

Reste à voir si le diagnostic scientifique du GIEC sera pris en compte par les décideurs politiques. Le rapport - dont deux autres volumes sont attendus au printemps - doit en théorie guider les négociations internationales sur le climat en vue de parvenir à un accord international contraignant qui serait adopté en 2015 par 195 pays. Pour le moment, les discussions piétinent.

« Le chauffage est en marche. Maintenant, nous devons agir », a d’ailleurs réagi vendredi le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Plus tôt cette année, il disait même qu’il sera « bientôt trop tard » pour sauver la santé environnementale de la planète si on ne met pas en place un « instrument contraignant » d’ici à 2015.

« Les changements climatiques sont un défi de long terme, mais qui exigent une action urgente, non pas demain, mais aujourd’hui et maintenant, étant donné le rythme et l’échelle avec lesquels les gaz à effet de serre s’accumulent dans l’atmosphère et les risques croissants de dépassement des 2 degrés Celsius d’augmentation de température », a déclaré pour sa part le directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l’environnement, Achim Steiner.


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