Pierre Karl Péladeau a demandé aux membres du Parti québécois de lui confier un « mandat clair et fort » pour « faire du Québec un pays ». Il l’a obtenu. L’ex-grand patron de Québecor a été élu vendredi soir 8e chef du Parti québécois avec 57,58 % des votes.
La course à la direction du PQ s’est arrêtée net. Alexandre Cloutier et Martine Ouellet — amassant respectivement 29,21 % et 13,21 % des voix — ont été incapables de forcer la tenue d’un deuxième tour de scrutin.
Peu après 21h15, les centaines de militants péquistes rassemblés au Centre des congrès de Québec ont accueilli avec des applaudissements nourris le successeur de Pauline Marois à la tête du PQ.
M. Péladeau a remercié les membres du PQ de lui avoir témoigné une « énorme marque de confiance ». Puis, il a appelé au rassemblement des forces indépendantistes et nationalistes autour d’un PQ fier de ses valeurs progressistes. « Faire l’indépendance n’est pas la tâche d’un seul homme ou d’une seule femme. […] Nous avons besoin de nous tous », a déclaré PKP à une foule en liesse. « Nous allons rassembler. Nous allons travailler. Nous allons convaincre », a-t-il ajouté, tendant la main aux indépendantistes dispersés à Québec solidaire ou à Option nationale et aux orphelins politiques.
En ce moment, les fédéralistes et les tenants du statu quo « profitent de nos divisions », a insisté le député de Saint-Jérôme, invitant tous les indépendantistes à « placer les intérêts supérieurs du Québec avant [leurs] intérêts personnels ». « La grande coalition pour l’indépendance doit renaître. […] Je vais tout faire pour nous unir », a-t-il répété.
Sous sa gouverne, le PQ défendra les valeurs progressistes comme il l’a toujours fait, a-t-il promis. Le pays du Québec « ne se fera ni à droite ni à gauche, a poursuivi M. Péladeau, il doit se faire, point à la ligne » !
Puis, le nouveau chef péquiste a pris soin de s’adresser à ses « compatriotes anglo-québécois », aux Canadiens et aux Nord-Américains. « We want to have and enjoy our own country », a-t-il lancé, tout en les assurant que le PQ fera le pays du Québec dans le « respect complet » des règles démocratiques.
Avec 57,6 % des votes, Pierre Karl Péladeau a fracassé la marque de 53,7 % inscrite par André Boisclair en novembre 2005, mais pas celle de 58,7 % établie par Pierre Marc Johnson en septembre 1985. Il est passé à un cheveu.
À quelques minutes de l’annonce des résultats, Alexandre Cloutier (Lac-Saint-Jean) et Martine Ouellet (Vachon) nourrissaient toujours l’espoir de la tenue de deuxième tour. Néanmoins, tous deux se sont rapidement ralliés au vainqueur après l’annonce des résultats.
« Je prends l’engagement ce soir devant vous de non seulement travailler à l’unité de notre grande formation politique, mais de continuer à porter les idées que j’ai défendues tout au long de cette course à la chefferie », a affirmé M. Cloutier, qui a terminé au deuxième rang. Après avoir « tout donné » au cours des 200 derniers jours, le député de Lac-Saint-Jean paraissait anéanti lorsqu’il s’est adressé à la presse. « J’aurais souhaité un autre résultat. [Cela dit,] j’ai le sentiment du devoir accompli », a-t-il affirmé, la voix étouffée par la fatigue. Il est particulièrement fier d’avoir ouvert la porte du PQ à « du nouveau monde » depuis la défaite du PQ aux élections générales de 2014. « Du nouveau monde, il y en a eu beaucoup et particulièrement des jeunes », a-t-il souligné.
La députée de Vachon, Martine Ouellet, n’a pas paru froissée par les résultats du scrutin. « Ce n’est pas le résultat qui compte. C’est la campagne d’idées qu’on a mise en place. Ces idées-là vont continuer à vivre », a affirmé la candidate de la « social-démocratie verte ». Selon elle, le PQ ne connaîtra pas une guerre de clans semblable à celle l’ayant secoué au lendemain de la course à la direction de 2005. « Ça va être facile de travailler ensemble », a-t-elle dit en point de presse. Mme Ouellet est enracinée au PQ. « Vous pourrez toujours compter sur moi. Ça fait 28 ans que je suis avec vous au Parti québécois. Ça fait 28 ans qu’ensemble nous faisons avancer le parti, et c’est avec vous que je veux continuer de travailler », a-t-elle déclaré aux militants.
Engagement clair
Pierre Karl Péladeau a su rallier près de six membres en règle du PQ sur 10, en dépit de ses positions « floues », notamment sur la tenue d’un référendum sur l’indépendance du Québec.
Pierre Karl Péladeau était le seul des trois candidats à s’être abstenu de promettre la tenue d’un référendum sur l’indépendance du Québec dans un premier mandat. Un « engagement clair pour l’indépendance » constitue « la clé de la victoire » du scrutin de 2018, a réitéré Mme Ouellet vendredi soir.
D’ici 18 mois, les membres se réuniront en congrès national. Ils seront appelés à adopter le programme politique du PQ — et à éventuellement réviser son article 1, prévoyant un « référendum au moment jugé approprié par le gouvernement ». PKP voudra-t-il maintenir le flou ? En congrès, « le parti va décider pour le référendum et les détails », a fait valoir l’ancien premier ministre Bernard Landry, qui a « appuyé Pierre Karl à la première seconde et [n’a] jamais lâché une seconde ». « Pierre Karl n’a pas essayé de décider à la place des membres. C’est un signe de démocratie », a affirmé M. Landry, avant d’ajouter : « Ce parti-là n’a pas été fondé pour gouverner une province, mais pour amener le Québec à son destin. »
La « longue » course à la direction a permis aux membres du PQ de « retrouver ce qu’ils sont », a dit de son côté le président de la formation politique, Raymond Archambault. « Nous sommes des indépendantistes. » Le chef du Bloc québécois, Mario Beaulieu, est convaincu que la désignation du nouveau chef contribuera à « donner un nouvel élan au mouvement indépendantiste ».
Malgré les accrochages, le PQ sort « uni » de cette longue course à la chefferie, a soutenu le chef intérimaire du PQ, Stéphane Bédard. Après avoir exposé leurs « divergences » au cours des derniers mois, les candidats et leurs sympathisants devront dorénavant s’atteler à miser sur leurs « convergences », a affirmé le député de Rosemont, Jean-François Lisée. « Ça, les convergences entre Pierre Karl, Martine, Alexandre et moi, il y en a énormément », a-t-il fait remarquer au terme d’une course truffée de rebondissements. Jean-François Lisée et Bernard Drainville ont baissé les armes, convaincus que le PQ veut vivre son « moment Péladeau », tandis que Pierre Céré est tombé sur le champ de bataille — faute de munitions. L’issue du scrutin aurait-elle été différente s’ils étaient restés ?, s’interrogent les observateurs politiques.
Tous les projecteurs seront braqués sur M. Péladeau mardi prochain. Il fera alors son entrée dans le Salon bleu coiffé du titre de chef de l’opposition officielle. D’ici peu, le premier ministre Philippe Couillard croisera le fer avec un chef de l’opposition officielle « redoutable », est persuadé le député de Marie-Victorin, Bernard Drainville. « La vie politique, c’est un métier qui s’apprend. Je trouve qu’il apprend bien et vite. J’ai vu une amélioration [au fil des débats ayant ponctué la campagne à la chefferie]. Au rythme où il progresse, je pense qu’on va avoir un chef redoutable avant longtemps », a-t-il dit.
PKP a réitéré vendredi son engagement à placer ses avoirs dans une fiducie sans droit de regard, mais a refusé de dire s’il demandera à son fiduciaire de ne pas vendre ses actions de Québecor. « J’ai même donné des directives à mes avocats pour que nous puissions procéder à une fiducie ou un mandat sans droit de regard », a-t-il affirmé, précisant attendre des autorisations d’organismes fédéraux.
M. Péladeau se retira au cours du long week-end afin de « s’approprier » différents dossiers et de former sa garde rapprochée. Le chef intérimaire Stéphane Bédard est vu comme un « choix naturel » pour assumer les responsabilités de leader parlementaire, mais rien n’est décidé, dit-on dans le camp PKP. Le personnel politique du PQ attend les « instructions » du nouveau chef.
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