Le prix politique

Charest - dilapidation, dissimulation et corruption

Il semble bien que Jean Charest ait déjà commencé à payer un «prix politique sérieux» pour la façon dont il a géré le dossier de la Caisse de dépôt, comme Jacques Parizeau en a exprimé le souhait.
La chute brutale du taux de satisfaction à l'endroit de son gouvernement enregistrée par le dernier sondage Crop, qui se traduit par une dégringolade de 10 points dans les intentions de vote depuis les élections du 8 décembre, traduit sans doute le jugement que la population porte sur l'ensemble d'un bilan dont le gâchis de la Caisse de dépôt est simplement l'élément le plus choquant.
Il est vrai qu'une crise économique et financière aussi aiguë est de nature à affecter la popularité de n'importe quel gouvernement. Même un demi-dieu comme Barack Obama n'est pas épargné. Selon un sondage publié en début de semaine, la moitié des Américains désapprouvent sa gestion de la crise.
Compte tenu de la façon dont les électeurs québécois ont été menés en bateau depuis le tout premier jour de la campagne électorale, il est presque étonnant que les chiffres ne soient pas plus désastreux pour les libéraux.
Moins de quatre mois après les dernières élections, le PQ serait cependant très mal avisé de vendre la peau de l'ours. L'euphorie de la reprise pourrait avoir autant d'influence sur l'humeur de l'électorat que la morosité actuelle.
Même si l'habit fait le moine dans l'esprit de plusieurs, il est un peu inquiétant qu'au moment où M. Charest est critiqué de toutes parts, Pauline Marois ne soit pas perçue comme la plus apte à occuper la fonction de premier ministre.
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Malgré ce que prétendait la chef péquiste, on se doutait bien que la crise ne créait pas un climat très propice à la pédagogie souverainiste. La population ne croit manifestement pas que le Québec se tirerait mieux d'affaire seul. Depuis le début de l'année, alors que les effets de la récession se font plus durement sentir, le OUI a perdu trois points. Même avec la question «molle» de 1995, il plafonne à 42 %.
Les chiffres de Crop font croire qu'il n'y a plus la même adéquation entre la souveraineté et le PQ dans l'esprit des Québécois. À tort ou à raison, il semble davantage perçu comme une simple solution de remplacement au gouvernement Charest.
Certes, il n'y a aucun référendum à l'horizon et on ne peut pas dire que le PQ insiste beaucoup pour parler de son projet, mais il y a autre chose: au-delà du contexte défavorable créé par la crise, quelque chose a changé dans la dynamique politique québécoise.
Au fil des ans, les souverainistes avaient constaté un phénomène qui les faisait enrager. Quand le PQ formait le gouvernement, le OUI avait toujours tendance à baisser dans les sondages, pour mieux remonter quand le PLQ reprenait le pouvoir. Plus le gouvernement libéral était impopulaire, plus le OUI grimpait... jusqu'au retour du PQ.
Cela n'est plus aussi vrai. Depuis deux ans, aussi bien les creux de vague de la souveraineté que ses avancées ont souvent coïncidé avec ceux du gouvernement Charest. En juin 2007, alors que seulement 36 % des personnes interrogées par Crop s'en disaient satisfaits, le OUI atteignait un plancher de 32 %. En mai 2008, le taux de satisfaction à l'endroit du gouvernement Charest avait remonté à 54 % et le OUI, à 41 %.
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Dans le passé, la cote de l'option souverainiste a également été influencée par ce qui se passait à Ottawa. En 2005, le scandale des commandites l'a propulsée à des sommets jamais atteints depuis l'échec de l'accord du Lac-Meech.
Là encore, il n'y a plus d'automatisme. Avec seulement 36 % de Québécois qui s'en disent satisfaits, le gouvernement Harper atteint aujourd'hui un sommet d'impopularité. Pourtant, le OUI est exactement au même niveau qu'en mars 2007, alors que 55 % des Québécois applaudissaient les conservateurs.
Autrement dit, que l'heure soit au «fédéralisme d'ouverture» ou aux coupes dans les paiements de péréquation, cela ne semble plus influer de façon significative sur les choix constitutionnels de la population.
Paradoxalement, la multiplication des chicanes entre Québec et Ottawa semble même bénéfique pour l'unité canadienne, dans la mesure où celles-ci sont devenues si fréquentes qu'elles n'émeuvent plus personne. Monique Jérôme-Forget risque d'avoir bien du mal à mobiliser l'opinion publique dans une croisade pour obtenir d'Ottawa une compensation pour l'harmonisation de la TVQ à la TPS fédérale, qui remonte à près de 15 ans.
En réalité, le plafonnement du projet souverainiste n'a pas grand-chose à voir avec la conjoncture. Les conclusions de la vaste enquête réalisée auprès de plus de 3000 personnes sous la direction des historiens Jocelyn Létourneau, de l'Université Laval, et David Northrup, de l'Université York, sont terriblement révélatrices. De tous les Canadiens, les Québécois francophones sont de très loin les plus indifférents à leurs origines et à leur histoire. Cette indifférence a un prix politique beaucoup plus sérieux que celui que M. Parizeau souhaite faire payer à Jean Charest.
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mdavid@ledevoir.com


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