Alexandre Shields - Bernard Landry invite le gouvernement Charest à refaire ses devoirs et à décréter un moratoire sur l'exploration gazière, le temps que le Québec puisse étudier les pratiques qui sont développées ailleurs, mais aussi que l'État prenne une participation significative dans le secteur. L'ancien premier ministre n'est pas opposé à l'exploitation du gaz de schiste, mais il estime qu'il faut corriger le tir, de façon à retirer des milliards de dollars de l'exploitation des hydrocarbures québécois.
Alors que les libéraux et les entreprises gazières ne cessent de répéter qu'un moratoire enverrait un «mauvais signal», l'ancien premier ministre juge qu'une telle mesure relève de la prudence la plus élémentaire. Selon lui, cela permettrait de prendre le temps d'étudier ce qui se fait aux États-Unis. «On a juste à les regarder faire. Voir comment ils vont affronter les dangers écologiques, car il y en a. Voir les erreurs qu'ils pourraient faire et les éviter. Pourquoi est-ce qu'on n'attendrait pas pour imiter ce qui se fait de mieux», a-t-il plaidé hier à la tribune de l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie.
L'ex-ministre des Finances rappelle aussi que les prix sur le marché sont actuellement «très bas». «Retarder [l'exploration et l'exploitation] de quelques années ne peut que leur donner le temps de remonter. Le gaz est là depuis des millions d'années. Il va être là encore dans huit ans. Rien ne presse.» Selon plusieurs experts du secteur gazier, il est difficile de donner le feu vert à l'exploitation lorsque le gaz se vend entre 3,50 $ et 4 $ sur le marché. Il se situait hier à un peu plus de 4 $.
Pourquoi alors le gouvernement refuse-t-il de décréter un moratoire réclamé par plusieurs et depuis plusieurs mois? M. Landry insiste sur le caractère «entêté» du gouvernement Charest, gouvernement qui a selon lui mal géré le dossier depuis le début. «Si, dans les universités, on voulait enseigner un dossier mal géré, on enseignerait celui des gaz de schiste. Je n'en reviens pas à quel point le dossier a été mal géré, notamment du point de vue de l'information du public. Il y a des gens dans la vallée du Richelieu qui ont vu arriver des tours de forage chez eux et qui ne savaient pas ce qui se passait. Il faut que les gens de ces régions soient respectés et c'est possible.»
Oui au gaz
Selon lui, il ne fait aucun doute qu'il faut aller de l'avant avec l'exploitation de cette source d'énergie fossile. «Je pense que refuser une telle aventure serait absurde si les conditions environnementales sont respectées. Une des taches sombres de notre bilan énergétique, c'est que nous sommes des brûleurs de mazout. On a une chance de changer le mazout pour le gaz. Et au lieu de le faire venir de l'Alberta avec des pertes de 10 % sur le parcours du gazoduc, on peut le faire sortir de notre terre, sous notre contrôle.»
Mais pour rendre la chose plus acceptable, il faudra que les bénéfices pour les Québécois soient beaucoup plus substantiels que ce qui se profile à l'horizon. «La ministre Nathalie Normandeau a parlé de 250 millions de dollars par année, souligne Bernard Landry. Ça ne vaudrait pas la peine d'en discuter à ce prix-là, et c'est un ancien ministre des Finances qui parle. Je ne méprise pas 250 millions de dollars, mais quand tu as du gaz dans ton sous-sol, tu parles en milliards de dollars. On ne se lance pas dans l'exploitation du gaz dans une zone comme les Basses-Terres du Saint-Laurent si ça ne rapporte pas des milliards de dollars.»
Pour aller chercher ces milliards de dollars qui autrement échapperont au trésor public, il préconise une prise de participation de 49 % ou 50 % des sociétés d'État dans les entreprises qui vont exploiter le gaz québécois. Le gouvernement en tirerait ainsi des dividendes selon sa participation, en plus de redevances «appropriées». Une telle prise de participation pourrait passer par l'organe né de la fusion de la Société générale de financement et Investissement Québec. M. Landry souligne par la même occasion que le Québec n'aurait pas dû laisser aller au secteur privé les permis d'exploration.
L'ancien chef péquiste se dit par ailleurs en faveur de l'exploitation du gisement pétrolier d'Old Harry. «Nous consommons des hydrocarbures, alors pourquoi les importer quand on peut les produire nous-mêmes.»
En même temps, M. Landry plaide pour un accroissement significatif de l'apport de l'énergie dite propre dans le bilan de la province, notamment dans le secteur automobile. Il appuie également l'idée d'une hausse progressive des tarifs d'Hydro-Québec, étant donné le contexte budgétaire «difficile» du Québec.
Quant à la question du démantèlement de la raffinerie de Shell dans l'est de Montréal, il presse le gouvernement de refuser une telle option. Selon lui, un acheteur serait très intéressé par le rachat des installations de la multinationale. «Si Shell persiste à vouloir démanteler ses installations alors qu'il y a un acheteur, c'est du matérialisme égoïste et grossier». Qui plus est, «nos capacités de raffinage seront inférieures à nos besoins et nous devrons importer du pétrole raffiné».
Bernard Landry se prononce pour le gaz de schiste et pour un moratoire
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