Québec-Catalogne

Le Québec n’est pas la Catalogne

En finir avec la naïveté souverainiste québécoise

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Chronique d'Alexandre Cormier-Denis

Texte initalement publié le 5/10/17


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Peu importe l’opinion que l’on a du mouvement souverainiste catalan, il faut constater que malgré un référendum gagnant – même si les circonstances du vote sont plus que douteuses – le camp sécessionniste catalan ne reçoit le soutien d’aucun pays.


Briser l’unité d’un pays occidental n’est pas chose aisée


La France, pays limitrophe de l’Espagne et de la Catalogne, n’a non seulement pas dénoncé les violences faites par la police espagnole lors du référendum; elle a appelé au respect de l’intégrité constitutionnelle de l’Espagne.


Même chose du côté de l’Union européenne, où l’on appelle à respecter le droit espagnol qui prohibe tout morcellement territorial du pays. Le Parlement européen a même refusé de parler des violences commises contre la population catalane qui s’était déplacée pour voter.


L’attitude générale des États est de traiter la question comme une affaire relevant strictement de la politique intérieure de l’Espagne. La réponse russe est un cas type de l’attitude générale qui prévaut sur le référendum catalan.


L’Espagne, confortée à l’international par l’ensemble des États, tient une ligne extrêmement ferme, ce qui ne surprend que les naïfs et les ingénus. Le roi Felipe VI est sorti de sa réserve habituelle pour assurer que l’Espagne ferait régner l’ordre constitutionnel et l’indivisibilité du royaume :





Le roi n’y est pas allé de main morte 


 


Quant au chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, il a refusé toute négociation avec les indépendantistes catalans, en leur demandant d’abandonner leurs visées sécessionnistes et de revenir dans la légalité.


Euractiv :



« Si M. Puigdemont veut parler ou négocier, ou envoyer des médiateurs, il sait parfaitement ce qu’il doit faire auparavant : se remettre dans le chemin de la loi, qu’il n’aurait jamais dû quitter »



La séance du Parlement catalan qui devait déboucher sur une déclaration d’indépendance a été suspendue par la justice espagnole. Des procédures judiciaires sont déjà en cours contre des responsables catalans, notamment le chef de la police régionale en raison de son manque d’empressement à aider la police espagnole lors de manifestations tenues à la mi-septembre.


L’article 155 de la Constitution espagnole – qui n’a jamais été invoqué à ce jour – permet au gouvernement central de mettre sous tutelle une région lorsque l’une d’elles remet en cause l’intégrité nationale ou déroge à la Constitution, ce qui est effectivement le cas présentement. Ainsi, la mise en tutelle de la Catalogne par l’Espagne serait totalement légale en vue du droit espagnol. C’est d’ailleurs le scénario le plus probable.


Si malgré tout, la Catalogne procède à une déclaration unilatérale d’indépendance comme prévu, les forces de polices espagnoles seront déployées avec le soutien logistique de l’armée. Les strictes lois sur les armes à feu empêcheront sans doute toute escalade de violence, puisque la population catalane est relativement désarmée.


En tant que souverainiste québécois, il est extrêmement facile de se projeter dans la cause nationale des indépendantistes catalans. Cependant, il ne faut pas commettre l’erreur de faire de l’indépendance catalane une lutte compensatoire.




Le Québec n’est pas la Catalogne


En quoi l’indépendance de la Catalogne sert-elle les intérêts du Québec ?


En rien.


Au contraire, si les souverainistes québécois deviennent les porte-étendards de toutes les causes sécessionnistes en Europe – Écosse, Catalogne, Flandres, Corse, Bretagne, Bavière, etc. – le soutien international à notre cause, venant principalement des milieux souverainistes français, risque de fondre comme neige au soleil.


Or, on le voit bien, un mouvement sécessionniste n’a aucune chance de parvenir à la reconnaissance internationale s’il n’a pas d’alliés puissants et s’il ne contrôle pas son propre territoire.


Demain, les souverainistes québécois soutiendront-ils les indépendantistes basques, corses ou bretons au risque de s’aliéner le soutien du seul pays – membre du Conseil de sécurité de l’ONU et possédant l’arme nucléaire – prêt à reconnaître un Québec souverain, la France ?


Rappelons-nous qu’en 1995, Jacques Chirac – suivant en cela la tradition gaulliste – avait affirmé qu’en cas de victoire référendaire, la France reconnaîtrait le Québec comme État souverain. Rappelons par ailleurs que c’est la venue du général De Gaulle en 1967 qui propulsa à l’international la cause québécoise. En raison de sa médiatisation à grande échelle et de son soutien français, le Québec est devenu le cas de référence pour tous les mouvements sécessionnistes internationaux.


Il est important de faire en sorte que cette situation ne devienne pas un boulet pour la cause nationale québécoise.


La multiplication des causes séparatistes a comme conséquence de réduire la spécificité du projet souverainiste québécois en le banalisant comme une simple lutte sécessionniste parmi d’autres. Déjà, le cas catalan semble galvaniser certains mouvements séparatistes régionaux de toute l’Europe. Le Québec ne peut pas se permettre d’apparaître comme le porte-drapeau de toutes ces causes par romantisme souverainiste.


Ce sont les intérêts du Québec qu’il faut défendre, pas ceux des mouvements régionalistes européens.


La lucidité doit primer


Les souverainistes québécois doivent écouter, observer et analyser ce qui se passe en Catalogne pour comprendre à quel point leur combat – celui de faire du Québec un pays souverain – est probablement l’un des plus difficiles qui puisse être mené dans la sphère politique.


Rappelons que les souverainistes québécois souhaitent fragmenter un pays du G8, lui arracher le quart de sa population et de son territoire, lui dérober l’artère fluviale qui relie l’Atlantique aux Grands Lacs et couper sa capitale de ses provinces maritimes en plus de faciliter sa dislocation régionale.


Devinez quoi ? Le Canada – tout comme l’Espagne – ne se laissera pas faire.


 



L’armée canadienne a déjà occupé le Québec, elle peut le refaire


 


D’ailleurs, depuis 1995 le Canada a réagi en produisant une loi sur la clarté référendaire et en mettant en place le plan B visant à harnacher le Québec dans un État fédéral de plus en plus centralisateur.


Récemment, l’ultra-fédéraliste Philippe Couillard, qui a déjà siégé sur un comité de surveillance des services canadiens de renseignement, a évoqué la possibilité de la partition du Québec en cas de déclaration d’indépendance. On sait que les revendications autochtones peuvent être instrumentalisées par Ottawa comme potentiels leviers afin de briser l’unité territoriale du Québec. La partition du Québec est la grande menace qui pèse sur le projet souverainiste.


La volonté de transférer d’importants pouvoirs aux villes – ce qu’a obtenu Denis Coderre – fait également partie de la stratégie fédérale pour disloquer le plus possible l’autorité de Québec sur son propre territoire.


Le Devoir :



En matière d’habitation, la Ville pourra désormais contraindre les promoteurs à inclure une part de logements de type abordable ou familial dans leurs projets. Elle jouera un rôle plus important au chapitre de l’immigration et son Bureau d’intégration des nouveaux arrivants, créé dans la foulée de la crise syrienne, deviendra la porte d’entrée pour les immigrants.



Le cas de la Catalogne nous permet d’observer que malgré une ferme détermination des souverainistes catalans et une importante mobilisation populaire, il y a loin de la coupe aux lèvres entre un « référendum gagnant » et l’effectivité réelle de voir advenir un pays souverain. Pire, le processus référendaire non négocié avec l’État central, sans reconnaissance internationale, pourrait s’avérer être un jeu de dupe projetant les mouvements souverainistes dans un cul de sac politique.


Faire du Québec un pays, c’est avant tout construire l’État québécois


Contrairement à la Catalogne, le Québec perçoit ses impôts séparément de l’État central, a une reconnaissance statutaire dans le droit canadien, possède une police étatique autonome ainsi qu’une institution électorale indépendante (le DGEQ). Le Québec possède déjà tous les ministères d’un État souverain sauf un, celui de la Défense. Il peut même invoquer la clause dérogatoire – imbriquée dans le droit canadien – pour passer outre la législation fédérale.


Trois choses manquent pourtant au Québec afin qu’il devienne un État souverain : une armée, une banque centrale et le contrôle de ses frontières. Il nous faut conquérir une souveraineté militaire, monétaire et frontalière.


Si les souverainistes souhaitent réellement faire du Québec un pays, il serait plutôt temps qu’ils arrêtent de parler de souveraineté et qu’ils travaillent concrètement à l’élaboration d’un État total et complet, notamment par la prise de contrôle de l’État québécois actuel. Parler de souveraineté, comme le font les excités du mouvement souverainiste, ne nous rapproche pas de la réalisation concrète de l’indépendance. Cela ne fait que nous entretenir dans une mièvrerie rassurante.



Les excités du souverainisme parlent plus d’indépendance qu’ils ne travaillent à la faire


Pour forcer le Canada – puis les États-Unis – à reconnaître un Québec souverain, il nous faut bâtir un rapport de force effectif avec l’État fédéral. Pour ce faire, il faut sortir des illusions référendaires et des postures morales afin de forcer les États environnants à reconnaître le Québec comme un État contrôlant de manière effective son territoire national.


Il est d’ailleurs temps, que le mouvement souverainiste pense à créer une garde civile nationale à qui l’on inculque un certain niveau d’entraînement militaire. Il serait possible de jouer avec le droit canadien en faisant de la garde civile une simple extension de la Sûreté du Québec. Il s’agit ici simplement d’une piste de réflexion parmi d’autres. Le gauchisme structurel du mouvement souverainiste doit cesser, car il nous condamne à l’insignifiance.


Notre fragilité nationale nous impose de réfléchir  à la souveraineté non pas avec notre cœur, mais avec notre tête. Sortons des postures morales et des bonnes intentions pour enfin bâtir un réel État qui demain, pourra devenir pleinement souverain.



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