Le Québec se prive d'une mine d'or de redevances

Analyse conjointe de Pour que le Québec ait meilleure mine et de Mining - Watch Canada - La province se contente d'un taux réel de redevances de 2 %, alors qu'il est jusqu'à trois fois plus élevé ailleurs au Canada, alors qu,elle pourrait en obtenir trois fois plus, selon un groupe de pressions

Plan nord


La province se contente d'un taux réel de redevances de 2 %, alors qu'il est jusqu'à trois fois plus élevé ailleurs au Canada, alors qu,elle pourrait en obtenir trois fois plus, selon un groupe de pressions

Ainsi, en 2010, la valeur des ressources minérales extraites du sous-sol québécois a atteint 6,8 milliards de dollars, alors que les minières ont versé 133 millions en redevances. D'ici cinq ans, celles-ci doivent atteindre 1,4 milliard, incluant les projets du Plan Nord.
Photo : Agence Reuters


Alexandre Shields - Le Québec se prive de revenus substantiels en s'entêtant à conserver un système de redevances basé sur les profits des minières. Et la réforme de l'ancien régime tant vantée par le gouvernement Charest n'y change rien, selon ce qui se dégage d'une analyse publiée hier par la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine et MiningWatch Canada. Même que la province ferait toujours bien piètre figure à l'échelle canadienne.
Dans son plus récent budget, le ministre des Finances, Raymond Bachand, indique que les revenus tirés des redevances minières pour l'année 2010-2011 doivent atteindre un total de 133 millions, et ce, dans un contexte où le taux est passé de 12 à 14 %, dans la foulée de la réforme annoncée en 2010. Or, peut-on lire dans l'analyse publiée hier, ce montant ne correspond qu'à un taux effectif de redevances de 2 %, et non pas 14 %.
La différence tient en bonne partie dans le fait que le gouvernement calcule les droits à verser à partir des profits des minières, au lieu de se baser sur la valeur brute de production. Ainsi, en 2010, la valeur des ressources minérales extraites du sous-sol québécois a atteint 6,8 milliards de dollars, alors que les minières ont versé 133 millions en redevances. D'ici cinq ans, celles-ci doivent atteindre 1,4 milliard, incluant les projets du Plan Nord.
En appliquant à l'année 2009 cette même méthode de calcul basée sur la valeur brute, on obtient un taux de redevances de 2 %, puisque le Québec a tiré 114 millions d'une production dont la valeur brute dépassait les 5,6 milliards. Et pour la période allant de 2002 à 2009, le taux glisse même à 1 %. Il faut dire qu'au cours de ces années, la valeur des ressources non renouvelables extraites a dépassé les 37 milliards, tandis que les redevances atteignaient un total de 427 millions.
Pour le porte-parole de la coalition, Ugo Lapointe, il est donc clair que le gouvernement devrait changer ses façons de calculer, de façon à bonifier ses revenus. «Ce serait beaucoup plus transparent. On se donnerait surtout une assurance que tout ce qui sort du sous-sol québécois et qui est vendu génère des redevances, peu importe les profits de l'entreprise. Après tout, ce sont des ressources non renouvelables.»
La réforme du système serait encore plus pertinente au moment où l'on vit un boom minier, boom qui sera également facilité par les investissements publics dans le Plan Nord annoncé la semaine dernière. Certains projets devraient en effet être en mesure d'exploiter sous peu des gisements qui promettent d'être très rentables. C'est le cas de la mine d'or de Goldcorp, avec une production d'une valeur brute de 6 milliards de dollars. Ou encore de la mine de fer que souhaitent exploiter l'indienne Tata Steel et la canadienne New Millenium Capital Corp. La valeur brute de la ressource qui sera extraite pourrait dépasser 4,4 milliards par année.
Le projet de réforme de la Loi sur les mines ne prévoit pas une révision du régime de redevances.
Effort certain
Outre la faiblesse des redevances, M. Lapointe déplore la possibilité pour les minières de profiter de divers crédits d'impôt et exemptions. Le régime mis en place dans le budget 2010 doit en théorie faire passer les redevances de 12 % en 2010 à 16 % en janvier prochain. Mais dans les faits, grâce aux diverses allocations offertes aux compagnies, celles-ci ont la possibilité d'abaisser le taux à 6 ou 7 %.
M. Lapointe admet tout de même qu'un effort certain a déjà été consenti par les libéraux. «Il est vrai que le ministre Raymond Bachand a apporté des améliorations au régime de redevances minières en voulant les faire passer de 12 à 16 %, mais aussi en imposant des redevances mine par mine, plutôt que par compagnie. Il a aussi resserré l'attribution des déductions. Mais le fait est que, malgré ces changements intervenus en 2010, nous sommes encore à des niveaux de redevances trop bas. Que le ministre ne vienne pas ensuite se vanter en disant que le Québec est parmi les meilleurs au Canada, parce que ce n'est pas ce que l'on constate.»
Les élus libéraux répètent en effet pour leur part que le régime québécois est plus exigeant que ceux des autres provinces. «On a atteint probablement le seuil où on va chercher notre juste part, le plus d'argent possible, mais en s'assurant de ne pas mettre en danger les investissements qui s'en viennent», a soutenu M. Bachand la semaine dernière.
Mais selon l'analyse, le Québec ne fait pas particulièrement bonne figure à l'échelle canadienne. Avec un taux effectif de 2 % en 2010, il se situe par exemple loin derrière la situation qui prévalait déjà en 2009 en Colombie-Britannique, avec un taux de 5,2 %. Dans le cas de Terre-Neuve-et-Labrador, on parle de 5,8 %. Selon les données disponibles, le Québec ne devance que le Manitoba (qui a abaissé ses redevances) et l'Ontario.
D'autres mécanismes permettraient à l'État québécois de tirer davantage de ses ressources non renouvelables, selon ce que soulignaient récemment dans une étude Mihaela Firsirotu, professeur à l'École des sciences de la gestion à l'UQAM, et Yvan Allaire, président du conseil de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques. Ceux-ci suggèrent des droits miniers calibrés au prix courant des ressources, mais aussi le partage des profits au-delà d'une rentabilité jugée acceptable par les promoteurs.


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